Modifications proposées au régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité

William Pellerin, Shahen A. Mirakian, Maria Sagan Et Tayler Farrell
2025-07-25 11:15:11
Comment s’assurer qu’une entreprise est conforme au régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité?

En réponse à la complexité et à l’ampleur croissantes des crimes financiers dans le monde, le Canada procède à une refonte de son régime de sanctions et de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité (la « LRPC »). Les récentes réformes, qui reflètent un virage important dans l’intensité réglementaire, sont motivées par la prochaine évaluation mutuelle du régime canadien de LRPC que le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux devrait entreprendre à la fin de 2025.
Ce bulletin résume les modifications du régime que propose le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, qui a été déposé au Parlement le 3 juin 2025. Des parties de celui-ci pourraient entrer en vigueur dès la fin de l’année si elles sont adoptées. Des pénalités importantes pourront être imposées aux entreprises non conformes.
Dans la partie 1 ci-dessous, nous examinons les modifications les plus pertinentes pour les entreprises canadiennes.
En plus du projet de loi C-2, le gouvernement du Canada a accéléré la mise en œuvre de modifications initialement prévues pour le 1ᵉʳ octobre 2025. À compter du 1ᵉʳ avril 2025, les sociétés de financement, de bail, d’affacturage et d’encaissement de chèques sont des entités déclarantes au sens de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT »), et les négociants sont tenus de déclarer si les marchandises importées ou exportées sont des produits de la criminalité. Ces modifications sont abordées dans la partie 2 ci-dessous.
Partie 1 : Nouveautés du projet de loi C-2
Bien que le projet de loi C-2 soit largement reconnu pour son incidence sur l’immigration et le contrôle frontalier, il marque aussi un élargissement important des obligations en matière de LRPC et des pouvoirs d’application de la LRPCFAT. Voici certaines modifications qui pourraient avoir de grandes répercussions sur les entreprises canadiennes :
Exigence d’inscription: Toutes les entités déclarantes devront s’inscrire au registre du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le « CANAFE »), à l’exception des entreprises de services monétaires (les « ESM »), puisqu’elles doivent déjà respecter cette exigence.
Pour ce faire, elles devront soumettre les renseignements prévus par règlement au moyen d’un processus établi, dans un délai défini. Elles devront aussi renouveler leur inscription dans un délai défini, suivre le processus prescrit et aviser le CANAFE de tout changement de leurs renseignements dans les 30 jours. Le CANAFE peut refuser la demande ou révoquer l’inscription en cas de liens avec des entités non conformes ou de non-paiement de pénalités.
Les renseignements prévus par règlement requis pour l’inscription n’ont pas encore été rendus publics, mais on peut s’attendre à ce qu’ils comprennent le nom de l’entité, l’adresse de l’entreprise et la catégorie d’entité déclarante. Il reste à voir si les entités doivent fournir des renseignements pour chaque emplacement d’exploitation ou si l’inscription est évaluée au niveau du groupe d’entités. Il s’agit d’un enjeu crucial pour les entreprises à emplacement multiple comme les commerces de détail nationaux. Les entités qui ne s’inscrivent pas peuvent faire l’objet d’ordres de conformité, d’une révocation de l’inscription, de pénalités administratives et d’autres actions coercitives.
Restrictions sur les opérations en espèces: Le projet de loi C-2 introduit une nouvelle infraction prévue à la LRPCFAT, soit l’acceptation de paiements, dons ou dépôts en espèces de 10 000 $ ou plus dans le cadre d’une même opération ou d’une série d’opérations liées. L’infraction s’applique de façon générale à toute personne ou entité qui se livre à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou qui sollicite des dons de bienfaisance.
Le projet de loi prévoit une exemption limitée pour certaines entités du secteur financier comme les banques, les sociétés de fiducie et les sociétés de prêt. Il accorde également le pouvoir de prescrire par règlement l’exemption d’autres entités ou opérations en particulier. Actuellement, l’exemption ne s’étend pas à beaucoup d’autres intermédiaires financiers, par exemple les ESM qui traitent régulièrement d’importants volumes d’espèces telles que les services de voitures blindées ou les négociants en billets de banque.
Cette infraction est passible, par mise en accusation, d’une amende maximale correspondant au triple du montant en espèces en cause. Pour les entités déclarantes, elle peut également entraîner l’imposition de pénalités administratives par le CANAFE. Nous nous attendons à ce que d’autres lignes directrices clarifient l’application pratique de l’interdiction, en particulier pour les entreprises qui reposent sur les liquidités.
Conception et efficacité du programme de conformité: Le projet de loi C-2 introduit de nouvelles exigences pour que les programmes de conformité soient fondés sur les risques et efficaces. Les modifications accordent au CANAFE le pouvoir élargi d’évaluer si le programme d’une entité déclarante est adéquat et fonctionne comme prévu. Bien que le CANAFE ait longtemps promu des approches fondées sur les risques au moyen de lignes directrices, l’inclusion de ces exigences dans la législation reflète un virage vers des normes exécutoires.
Les entreprises doivent maintenant considérer les cadres fondés sur les risques comme une obligation légale, et non comme une simple pratique exemplaire, puisque le CANAFE est explicitement habilité à évaluer leur pertinence et leur efficacité ainsi qu’à mettre en œuvre des actions coercitives, le cas échéant.
Transactions et ordres de conformité: Toute entité déclarante reconnue coupable d’une violation des dispositions de la LRPCFAT doit conclure une transaction obligatoire avec le CANAFE. Cette exigence marque un changement important par rapport au régime précédent, où une telle transaction était discrétionnaire. Le refus de conclure la transaction ou de s’y conformer déclenche la prescription d’un ordre de conformité. La non-conformité entraîne aussi des pénalités supplémentaires et la possible divulgation publique des mesures correctives requises.
Augmentation des pénalités administratives: Le projet de loi C-2 établit un nouveau cadre de pénalités administratives prévues par le Règlement sur les pénalités administratives — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes. Bien que ces pénalités ne soient pas nouvelles, la législation codifie des niveaux de violation dont le plafond des pénalités a considérablement augmenté. Auparavant, elles étaient plafonnées à 1 000 $ pour les violations mineures, à 100 000 $ pour les violations graves et à 500 000 $ pour les violations très graves. Le projet de loi C-2 augmente ces plafonds à 40 000 $, 4 000 000 $ et 20 000 000 $ respectivement. Les pénalités peuvent s’appliquer pour l’ensemble des violations réglementaires, mais elles seront plafonnées à 20 000 000 $ ou à 3 % des recettes globales brutes pour les entités, appliquées au groupe pour celles d’un même groupe. Le CANAFE peut également tenir compte de la capacité à payer d’une entité au moment de déterminer le montant de la pénalité, sous réserve d’exigences strictes en matière de preuves.
Partie 2 : Nouvelles entités déclarantes, exigence de déclaration d’importation et partage de renseignements autorisé à compter du 1ᵉʳ avril 2025
Le Canada a également accéléré l’introduction de modifications distinctes en matière de LRPC qui devaient entrer en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2025. Elles ont été finalement mises en application le 1ᵉʳ avril 2025. L’équipe de McMillan a publié un bulletin à propos de ces modifications.
Voici les principaux changements :
Nouvelles entités déclarantes: Les sociétés de financement, de bail, d’affacturage et d’encaissement de chèques sont dorénavant des entités déclarantes selon la LRPCFAT. À compter du 1ᵉʳ avril 2025, elles doivent se conformer aux exigences de la LRPCFAT, y compris en ce qui a trait à la déclaration, à la tenue de documents et aux programmes de conformité internes.
Mesures de lutte contre la criminalité financière à caractère commercial: Les importateurs, les exportateurs, les entrepôts de stockage, les producteurs et les partenaires logistiques doivent maintenant déclarer si les marchandises sont des produits de la criminalité ou sont liées au blanchiment d’argent, au financement des activités terroristes ou au contournement de sanctions. L’Agence des services frontaliers du Canada a déclaré qu’un rapport ou une déclaration faite en vertu de la Loi sur les douanes pour l’un ou l’autre des processus commerciaux en place permettra de satisfaire aux exigences de la LRPCFAT et qu’elle évalue quels formulaires ou processus commerciaux, le cas échéant, pourraient devoir être mis à jour. Les entités doivent également conserver les registres prescrits et déposer un rapport pour chaque cas soupçonné de commerce transfrontalier illicite prévu à la partie 2.1 de la LRPCFAT. Afin d’encourager la conformité, le CANAFE applique un régime de pénalités administratives prévoyant des amendes pouvant aller jusqu’à la valeur des marchandises ou de l’opération financière.
Partage de renseignements accru: Les entités déclarantes sont maintenant autorisées à communiquer entre elles les renseignements personnels d’un individu, sans son consentement, s’il est raisonnable de le faire en vue de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement des sanctions et si la communication de ces renseignements effectuée avec le consentement de l’individu risque de compromettre cette fin. Ces entités doivent élaborer un code de pratique détaillant la manière dont les renseignements seront traités en toute sécurité, puis le soumettre au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pour approbation. Une nouvelle demande d’approbation doit être présentée tous les cinq ans.
Les entreprises canadiennes doivent évaluer attentivement leurs programmes de conformité et s’assurer qu’ils sont à jour et efficaces.
À propos des auteurs
William Pellerin est associé au sein du groupe Commerce international chez McMillan.
Shahen Mirakian est un avocat spécialisé dans les marchés des capitaux et les valeurs mobilières chez McMillan.
Maria Sagan est une avocate chez McMillan qui, depuis plus d’une décennie, met à profit son expérience des services financiers pour le compte d’emprunteurs et de prêteurs.
Tayler Farrell, avocate chez McMillan, conseille des clients nationaux et internationaux sur les recours commerciaux, les questions réglementaires fédérales et les marchés publics.