Vente d’entreprise : pourquoi vos courriels pourraient se retourner contre vous

Laurie Propeck Et Jeff Li
2025-09-08 11:15:28

Beaucoup de propriétaires ont le réflexe d’utiliser leur adresse professionnelle pour toutes leurs communications, y compris celles liées à une transaction de vente de leur entreprise. Il n’est pas rare que les offres d’achat arrivent dans cette boîte, qu’elles soient ensuite transmises aux conseillers juridiques, et que les échanges se poursuivent ainsi jusqu’à la clôture.
Or, une fois la transaction conclue, les serveurs associés à cette adresse sont généralement transférés à l’acheteur — que ce soit dans le cadre d’un achat d’actifs ou d’actions — donnant à ce dernier accès à tout l’historique des communications. Cela peut inclure des échanges sensibles entre le vendeur et son avocat.
Quand vos courriels deviennent une preuve
Cette situation n’est pas théorique : dans l’affaire Ellis Packaging Limited v. Ellis en Ontario, des courriels entre les vendeurs et leur avocat ont fini devant les tribunaux, utilisés par l’acheteur. Les vendeurs ont tenté d’invoquer le secret professionnel pour bloquer leur utilisation, mais sans succès. Plus particulièrement, les échanges concernaient le Vice-Président Finance de la société vendue et l’avocat des vendeurs.
La Cour a conclu que cet avocat représentait non seulement les vendeurs, mais aussi la société elle-même. Résultat : après la clôture, le droit au secret professionnel de la société appartenait également à l’acheteur, devenu propriétaire de la société, ce qui lui a permis de produire les courriels en preuve.
La clause Great Hill : une solution juridique pour protéger vos communications confidentielles
Bonne nouvelle : il existe des solutions! Il est tout à fait possible d’inclure dans la convention d’achat une clause dite « Great Hill », laquelle permet de clarifier les droits et obligations liés aux communications privilégiées entre les vendeurs et leur avocat.
Explication de la clause Great Hill : « Concrètement, une clause Great Hill prévoit que toutes les communications entre les vendeurs et leur avocat demeurent confidentielles, leur appartiennent et ne peuvent pas être utilisées par l’acheteur après la transaction. » Bien que cette clause soit parfaitement légitime, elle n’est pas encore reconnue comme une norme dans les conventions d’achat-vente, ce qui peut parfois créer des tensions ou des points de friction lors des négociations entre l’acheteur et le(s) vendeur(s).
Chez KRB, nous voyons la clause Great Hill comme un filet de sécurité contractuel, mais rien ne remplace des mesures simples comme l’usage d’une adresse distincte. Ces deux approches se complètent et renforcent la protection du vendeur. Souvent les stratégies simples et proactives préviennent ce type de situation dès le départ.
Pour les Vendeurs : 3 conseils pour protéger vos communications lors d’une vente d’entreprise
Utilisez une adresse courriel distincte (comme votre adresse personnelle) pour la transaction.
Discutez avec votre avocat de l’opportunité d’inclure une clause Great Hill.
Assurez-vous que votre convention d’achat reflète clairement la volonté des parties en matière de confidentialité.
Pour les Acheteurs : L’acheteur doit comprendre qu’une clause Great Hill ne vise pas à cacher de l’information pertinente, mais uniquement à protéger la confidentialité des communications avocat-client. Il faut se rappeler que l’avocat du vendeur agit comme conseiller auprès de son client et veille à ce que les échanges entre eux soient francs et transparents. Il est donc normal que ces échanges ne soient pas accessibles à l’acheteur.
Cela dit, il demeure essentiel pour l’acheteur de compléter sa vérification diligente de manière rigoureuse afin de s’assurer qu’il dispose de toute l’information pertinente pour prendre une décision éclairée.
Chez KRB, nous guidons aussi les acheteurs pour établir un équilibre gagnant : protéger les échanges confidentiels des vendeurs tout en garantissant une diligence raisonnable complète. Nous leur rappelons qu’une telle protection ne réduit pas l’accès à l’information pertinente, mais sécurise la transaction pour toutes les parties.
Conclusion
Dans une transaction, la meilleure protection est souvent la plus simple. Pour un propriétaire d’entreprise, il est souvent plus efficace d’utiliser son courriel personnel ou de créer une adresse dédiée à sa transaction de vente ou de sortie pour toutes les communications liées à celle-ci. Cet exemple illustre bien qu’une solution juridique ne doit pas nécessairement être complexe : une mesure aussi simple aurait permis aux vendeurs d’éviter facilement cette situation.
À propos des auteurs
Laurie Propeck est avocate au sein du groupe de droit des affaires de KRB.
Jeff Li est avocat au sein du groupe de droit des affaires de KRB.