Pierre Duhamel

L’affaire Bonhomme : Rogers sortira gagnante !

Main image

Pierre Duhamel

2010-09-30 07:10:00

Le dossier de Maclean's faisant du Québec la province la plus corrompue au Canada a ravivé les débats classiques entre le Québec et le reste du Canada et entre souverainistes et fédéralistes.

Il y en a un autre qui s'est manifesté quand l'éditrice et rédactrice en chef de L'actualité, Carole Beaulieu, a fustigé publiquement sur le site du magazine la qualité de l'enquête et le titre racoleur de sa publication-soeur :

''Mes professeurs de journalisme de l'Université Carleton – un des bastions de l'orthodoxie et de la rigueur journalistiques canadiennes-anglaises – auraient mis un gros zéro au titre de la couverture du dernier Maclean's : « The Most Corrupt Province in Canada ».''

Voilà que L'actualité promet une réplique aussi cinglante que l'article du Maclean's. Son chroniqueur-vedette Jean-François Lisée ripostera dans l'édition du Maclean's qui paraît aujourd'hui et l'Actualité promet une « couverture mémorable » pour sa prochaine édition, qui sera publiée dans une semaine.

La chicane semble prise dans la famille et d'aucuns pourraient y voir une crise majeure et lourde de conséquences. La décision des patrons de Rogers de laisser cours à cette prise de bec publique m'apparaît pourtant comme une décision censée, sinon brillante d'un point de vue d'affaires.

Couverture de Maclean's
Couverture de Maclean's
Rogers avait peu à gagner et tout à perdre en s'ingérant dans ce débat et en prenant partie. Si elle avait empêché la rédaction de L'actualité de se démarquer de cette encombrante publication-soeur, elle se trouvait à froisser des tonnes de lecteurs du magazine et, qui sait, à fragiliser la situation de ses activités de téléphonie sans fil sur le marché le plus compétitif du pays. Par contre, si elle avait décidé de semoncer la direction de Macleans et d'exiger des excuses publiques, on aurait pu dire au Canada anglais que Rogers avait cédé à la pression québécoise, en plus d'indisposer une équipe rédactionnelle qui a remarquablement bien fait malgré la crise qui secoue les médias imprimés. Bref, une situation injouable.

En permettant aux deux magazines de se disputer publiquement on se sort d'une vilaine situation et on en tire même des avantages potentiels.

Commercialement parlant, les lecteurs de Maclean's seront curieux d'entendre une réplique provenant du Québec. Après avoir vendu toutes les copies en kiosque de la dernière édition, Maclean's peut s'attendre à un autre coup d'éclat en assurant le suivi de sa propre «histoire, pour emprunter les termes du métier.

Du côté de L'actualité, les gains sont potentiellement énormes. Le magazine s'inscrit comme un acteur essentiel d'un débat public particulièrement animé. Il réaffirme envers et contre tous sa québécitude absolue, son site web sera davantage fréquenté et les ventes du prochain numéro devraient être splendides avec tout le « built-up» en cours. Pas mal pour un magazine qui n'est pas directement impliqué dans la polémique.

Je trouve que c'est une façon intelligente de gérer quand on a des activités dans les deux nations. Ce sont des marchés avec des sensibilités bien distinctes. C'est important de le comprendre quand on vend un service comme un téléphone mobile et c'est fondamental quand on édite de véritables institutions culturelles comme Maclean's et L'actualité. Maclean's doit être Maclean's et L'actualité doit être L'actualité.

Chez Rogers, les discussions ont sans doute été animées et divertissantes depuis quelques jours, mais le résultat final devrait permettre à l'entreprise de sortir gagnante d'une situation potentiellement dangereuse.


P.S. Cela ne change rien à ma position fondamentale sur le sujet. Selon moi, les Québécois ont la peau trop sensible et acceptent mal un regard extérieur sur ce qui se passe chez eux. En attribuant la corruption à l'ADN des Québécois, Maclean's déconne, mais c'est aussi le cas de ceux qui se servent de cette histoire pour raviver les tensions linguistiques et prétendre que seuls les fédéralistes sont corrompus et corrupteurs. D'autres, comme Carole Beaulieu, se placent d'un point de vue journalistique en affirmant que rien ne prouve, de près ou de loin, que le Québec soit la province la plus corrompue du pays. Ceux-là ont un bon point.

Divulgation : J'ai été chroniqueur et blogueur à L'actualité de la fin de 2006 au printemps 2009. J'ai été rédacteur en chef et éditeur de publications de 1990 à 2005.

Nouveau blogue
Pour consulter le nouveau blogue de Pierre Duhamel, cliquez ci-dessous:
imge #4564
6793

3 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Scoop
    Il parait que y'a le Bibendum Michelin qui veut attaquer Bonhomme Carnaval pour violation de ses droits à l'image.Qui défendra Bibendum Michelin ?

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    M Duhamel
    J'aime beaucoup votre blogue. Bonne continuation à vous.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Méthaphore
    Duhamel votre prose est du miel

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires