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Le dilemme d'envoyer un père de 90 ans coupable d'inceste en prison

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Radio -canada

2020-09-09 13:30:00

Le juge estime que le pédophile aurait mérité une peine bien plus sévère, mais il a dû prendre son espérance de vie en considération.
Le juge Alain Morand. Photo : Radio-Canada
Le juge Alain Morand. Photo : Radio-Canada
Vendredi matin au palais de justice de Québec, le juge Alain Morand, reconnu pour son expérience et sa pédagogie, a tenté d'expliquer à une fille violée à de multiples reprises par son père la raison pour laquelle il ne pouvait imposer plus de deux ans de prison à son agresseur.

« Le prononcé d'une peine juste et appropriée s'avère souvent un exercice difficile et délicat. Cette cause en est une illustration », écrit d'ailleurs le juge Morand dans son jugement.

Le père, aujourd'hui âgé de 90 ans, présente d'importants problèmes de santé et se déplace à l'aide d'une canne quadripode.

Il était accompagné de son fils, son aidant naturel, qui transportait un sac de sport contenant sa médication pour son séjour en détention.

Violée 50 fois

Au tournant des années 80, le père a eu des relations sexuelles à une cinquantaine de reprises avec une de ses filles, qui avait alors entre 7 et 12 ans.

L'homme a reconnu les faits, estimant toutefois que le nombre de relations était probablement moindre.

Il a aussi avoué avoir d'abord eu des rapports sexuels avec son autre fille, plus vieille, avant d'agresser la plus jeune, car il craignait que la première tombe enceinte.

Il n'a par contre pas été accusé pour les gestes sur la plus âgée.

Une autre victime

En plus d'être coupable d'inceste sur sa fille, il a été déclaré coupable d'attentat à la pudeur sur une amie de cette dernière, lorsque cette dernière avait une dizaine d'années.

Il lui a fait des attouchements dans une voiture. Le nonagénaire n'en garde pas de souvenir, mais ne peut le nier devant la cour.

Il a raconté à une agente de probation que cet événement pouvait être plausible, « puisqu'il éprouvait du plaisir à être proches des fillettes, ce qu'il estimait réciproque », a noté l'agente.

Lourdes conséquences

Lors des observations sur la peine, la femme a raconté avoir vécu dans la peur toute sa vie.

L'avocat du père, Me Félix-Antoine Turmel-Doyon. Photo : Site Web de Labrecque Doyon Avocats
L'avocat du père, Me Félix-Antoine Turmel-Doyon. Photo : Site Web de Labrecque Doyon Avocats
Elle s'est réfugiée dans sa tête, s'investissant dans ses études pour décrocher un diplôme universitaire dans le domaine de la santé.

En ce qui concerne ses relations avec les hommes, elle dit n'avoir entretenu que des relations malsaines et abusives.

Elle estime que les agressions sexuelles sont à l'origine de ses problèmes de santé, puisqu'elle a reçu un diagnostic de maladie dégénérative à l'âge de 40 ans.

Elle est maintenant clouée à un fauteuil roulant alors qu'elle n'a même pas encore 50 ans.

Indignation

Son amie d'enfance dit avoir réussi à retrouver la sérénité, après des années de thérapie pour guérir son cœur qui « s'était transformé en pierre, à cause de la lourdeur de ce chagrin abyssal que je gardais secret », a-t-elle exprimé au tribunal.

Encore aujourd'hui, malgré son cheminement, elle ressent de l'indignation, « surtout quand je pense à la vie de mon amie d'enfance, une vie charcutée par ce même pédophile, son propre père ».

Ces crimes et leurs répercussions commanderaient une peine sévère, convient le juge Morand.

Il considère même que la proposition de 4 ans et demi de prison, suggérée par la poursuite, représente un minimum pour les gestes commis par le père.

En fin de vie

Son avocat, Me Félix-Antoine Turmel-Doyon, a présenté une preuve démontrant que son client n'en a plus pour longtemps à vivre. Il souffre d'insuffisance rénale chronique et de problèmes cardiaques. Il est atteint de diabète sévère. Son cardiologue estime qu'il lui reste tout au plus deux ans à vivre.

Le juge a appliqué la jurisprudence, qui commande de considérer l'expectative de la vie plus courte ou la mort imminente, dans la détermination de la peine.

Sans cette « situation exceptionnelle », le juge Morand indique qu'il n'aurait pas hésité à imposer une peine beaucoup plus sévère.

Il s'est donc rendu aux arguments de la défense en imposant une peine de deux ans.

Au revoir, ou adieu

Le magistrat a demandé aux agents correctionnels de ne pas transporter le condamné avec les autres détenus en raison de son état et des crimes qu'il a commis.

« On a assez d'expérience pour savoir ce que ça veut dire », a prévenu le juge, en s'adressant aux agents.

Le père incestueux a salué sa fille d'un geste de la main, avant de se diriger vers les cellules.

Un au revoir - ou adieu - que sa fille a ignoré.
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1 commentaire
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Le droit des victimes
    Ouf! Quelle décision gênante. Pour un minimum de décence et de respect envers sa fille, le juge aurait dû tenter de s'assurer que ce monstre ne retrouve pas sa liberté avant avant de mourir. Un peine de deux ans dans les circonstances est une complète aberration. Il fait bon vivre pour les pédophiles au Canada.

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