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L’UPAC met fin à l’enquête Mâchurer

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Radio -canada

2022-03-01 09:13:00

L’Unité permanente anticorruption a mis fin officiellement à cette enquête qui dure depuis 8 ans. Retour sur les faits…
L'ex-premier ministre québécois Jean Charest. Source: Radio-Canada
L'ex-premier ministre québécois Jean Charest. Source: Radio-Canada
Le commissaire à la lutte contre la corruption, Frédérick Gaudreau, a mis fin officiellement lundi à l'enquête Mâchurer ouverte en avril 2014 pour faire la lumière sur des pratiques de financement douteuses au sein du Parti libéral du Québec.

Aucune accusation n'a jamais été portée dans le cadre de cette enquête.

Après huit ans d'enquête et l'audition de plus de 300 témoins, le chef de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a expliqué lundi dans un communiqué avoir sollicité en 2019 un avis juridique du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) sur les suites à donner à cette enquête qui portait sur de présumés liens entre l'octroi de contrats par le gouvernement du Québec, alors dirigé par le PLQ, à des entreprises en échange de versements dans les caisses du parti.

Après avoir confié la question en 2020 à un comité d'examen de la preuve présidé par un juge à la retraite de la Cour d'appel, l’honorable André Rochon, le DPCP a transmis en décembre 2020 ses conclusions à l'UPAC, qui a décidé de mettre un terme définitif à cette enquête-fleuve en janvier dernier.

« Considérant l'avis juridique obtenu ainsi que toute la rigueur et les ressources déjà investies dans cette enquête, le commissaire estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre cette [enquête] et y met donc fin », a affirmé Frédérick Gaudreau, commissaire à la lutte contre la corruption, dans un communiqué.

Plusieurs hauts placés au PLQ étaient dans la mire des enquêteurs, dont l'ex-premier ministre Jean Charest, l'ex-argentier du parti Marc Bibeau, ainsi que l'ex-directrice du financement Violette Trépanier. Dans cette enquête, l'UPAC soupçonnait l'existence d'un système de financement illégal du Parti libéral fondé sur une pratique désignée sous le nom de « financement sectoriel » entre 2002 et 2012.

Cette enquête ouverte en avril 2014 portait sur les activités de financement du Parti libéral du Québec. Source: Radio-Canada
Cette enquête ouverte en avril 2014 portait sur les activités de financement du Parti libéral du Québec. Source: Radio-Canada
Le stratagème soupçonné consistait pour le gouvernement à attribuer des contrats publics à des entreprises qui s'engageaient en retour à verser des sommes substantielles dans les caisses du PLQ par le biais de dons faits par des employés des entreprises et groupes d'affaires qui bénéficiaient de ces contrats.

Rappelons qu'aucune accusation n'a jamais été portée contre personne dans cette enquête, dont l'existence a été révélée par Radio-Canada en novembre 2014.

Le contenu des avis juridiques étant protégés par le secret professionnel, le DPCP a expliqué que celui qu'il a fourni à l'UPAC concernant l'enquête Mâchurer ne serait par conséquent pas publié.

Soulagement dans le clan Charest

Dans un communiqué publié lundi après-midi, l'ex-premier ministre du Québec Jean Charest, aujourd'hui avocat, affirme prendre acte de la décision de l'UPAC.

Jean Charest ajoute qu'il n'a appris qu'aujourd'hui que l'UPAC avait décidé de soumettre la preuve amassée dans l'enquête Mâchurer à un comité d'experts du DPCP.

« Cette enquête a pesé lourdement sur ma vie personnelle, sur la vie de ma famille, de mes collègues de ma vie politique et de mes collègues actuels », a-t-il affirmé.

« La poursuite de cette enquête était devenue insensée et a été pour moi et pour ma famille une injustice qui nous a été imposée pendant presque huit ans de notre vie, relate M. Charest. Ma famille et moi tenons à remercier nos collaborateurs, collègues et amis qui n'ont jamais cessé de nous soutenir ».

La fin de l'enquête Mâchurer survient alors que l'ex-premier ministre libéral est courtisé depuis plusieurs semaines par une frange du Parti conservateur du Canada (PCC) pour se lancer dans la course à la direction du parti.

En novembre, Jean Charest a porté à 2 millions de dollars une poursuite contre le gouvernement Legault pour violation de sa vie privée, alléguant que des informations provenant de documents confidentiels de l'UPAC avaient été divulguées à la presse.

La ministre Geneviève Guilbault. Source: Radio-Canada
La ministre Geneviève Guilbault. Source: Radio-Canada
Jean Charest dénonçait également le comportement de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui a exhibé le livre PLQ inc. – sur lequel apparaît le visage de Jean Charest – lors de la période des questions à l'Assemblée nationale du Québec, le 21 octobre dernier.

Choqué par cette façon de faire, l’ancien premier ministre a amendé la poursuite judiciaire qu’il a intentée contre le gouvernement de François Legault en la faisant passer d'un à deux millions de dollars.

Le 17 février dernier, la chef du PLQ, Dominique Anglade, était à son tour sortie sur la place publique pour défendre Jean Charest après que l'opposition eut soulevé des doutes sur son intégrité. Mme Anglade estimait qu'« après neuf ans, il est temps de conclure ».

La même journée, jugeant qu'il n’avait rien à se reprocher en matière de financement politique, Jean Charest avait à son tour réclamé la fin de l'enquête Mâchurer par la voix de son avocat Me Michel Massicotte.

L'ex-collecteur de fonds Marc Bibeau a aussi réagi par communiqué à l'annonce de la fin de l'enquête.

« Pendant près de huit ans, M. Bibeau a fait l’objet d’une enquête démesurée, parsemée de fuites illégales délibérées et d’une panoplie de violations de ses droits fondamentaux. L’annonce d’aujourd’hui n’effacera pas les torts causés à ses droits, sa réputation et sa famille », indique-t-il par la voix de son avocat.

La ministre Guilbault prend acte

À Québec, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a réagi sobrement à l’abandon de l’enquête Mâchurer par l’UPAC, car elle estime qu’il revient à cette dernière de justifier sa décision.

« Nous prenons acte de la décision de l’UPAC de mettre fin à l’enquête Mâchurer, qui a été initiée sous la précédente administration de l'organisation. Il appartient à l'UPAC d'expliquer sa décision », a-t-elle indiqué.

« Rappelons que notre gouvernement a pris tous les moyens nécessaires pour redresser l'UPAC et lui permettre de remplir adéquatement sa mission. Il revient désormais à la direction de l'organisation de mettre à profit ces changements », a ajouté Mme Guilbault.

La ministre a précisé que son gouvernement ne commentera pas davantage ce dossier en raison des poursuites intentées contre le gouvernement.

« L'heure des excuses est arrivée », selon Anglade

Au Parti libéral du Québec, la chef Dominique Anglade a réagi en réclamant des excuses pour les membres et le personnel de sa formation politique, dont la réputation a été ternie par des soupçons de fraude et de corruption, alimentés pendant des années par cette enquête.

« Après toutes ces années, il était plus que temps que l'UPAC mette fin à cette enquête. Elle doit maintenant s'excuser d'avoir mené une partie de pêche publiquement. », précise le communiqué du Parti libéral du Québec.

Dominique Anglade. Source: Radio-Canada
Dominique Anglade. Source: Radio-Canada
Dans un communiqué intitulé « La partie de pêche est terminée », la direction du PLQ déclare que les conclusions de l'UPAC et du DPCP sont « sans équivoque ».

« Le Parti libéral du Québec a toujours respecté les lois et, rappelons-le, a toujours offert sa pleine et entière collaboration à l'enquête », écrit le parti.

« Pendant plus de dix ans, les bénévoles, les membres, les employés et les élus du Parti libéral du Québec ont fait les frais d'attaques injustifiées de façon répétée », déplore la formation politique.

Déception chez les péquistes et les solidaires

L’abandon de l’enquête Mâchurer n’a pas fait que des heureux sur les bancs de l’opposition, notamment chez Québec solidaire, où le porte-parole en matière de justice, Alexandre Leduc, s'est demandé si le « prolongement indéfini de l'enquête Mâchurer » n’aura servi en définitive qu’à préserver la réputation de l'UPAC.

Au Parti québécois, le chef Paul St-Pierre Plamondon s’est indigné sur son compte Twitter et a qualifié la fin de cette enquête d’« aberration ».

« Pour quiconque suit la politique et se souvient des constats de la commission Charbonneau, ce résultat est une aberration, un moment gênant », a dénoncé le chef péquiste.
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4 commentaires
  1. DSG
    Interesting
    It's interesting that investigative journalists, a public inquiry that lasted years and everyone with an IQ above 40 all concluded that there is collusion between politicians and public works, yet no one is responsible. It's like corruption happens on its own, without human intervention, like leaves falling from a tree in the autumn. Scientists should look into this natural phenomena. It's truly remarkable.

  2. Daniel Bédard
    Daniel Bédard
    il y a 2 ans
    L’UPAC ne joue pas « fair play » avec le Public !
    Après un tel passe-droit envers M. Charest par l’UPAC, il est fort probable que ce dernier puisse devenir chef du PCC et éventuellement premier ministre du Canada. Malheureusement.

  3. Daniel Bédard
    Daniel Bédard
    il y a 2 ans
    Une fin en queue de poisson !
    Quelle désolation. Les bandits à cravate s’en tirent toujours très bien !

  4. Daniel Bédard
    Daniel Bédard
    il y a 2 ans
    M. Charest se sert de ses amis et connaissances !
    L’ « Honorable » André Rochon et ex-juge de la cour d’appel est un autre ami de M. Charest, je suppose.

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