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Drame de Verchères : le cri du cœur d'une avocate

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Céline Gobert

2012-01-16 15:00:00

La mort de Ronald Malo, l'octogénaire assassiné la semaine dernière par son voisin après avoir été menacé pendant une dizaine d'années, soulève des questions judiciaires. L’avocate de la famille livre un témoignage touchant à Droit-Inc…
"Il l’a fait".

Voilà la première phrase que prononce Isabelle Malo, fille de Ronald Malo, lorsqu’elle joint son avocate par téléphone pour lui annoncer la tragédie. Le corps de son père a été retrouvé sans vie la semaine dernière. Assassiné par le voisin, Rolland Belzil.

D’un simple recours en vice caché, la dispute de deux voisins tourne au film d’horreur.

Douze années de calvaires où la famille a à subir un harcèlement quotidien, faits de menaces de morts et d’actes malveillants.

Douze années où les tribunaux multiplient les ordonnances à l’encontre de M. Belzil.

Douze années où ce dernier est, à chaque fois libéré. Où, à chaque fois, il viole, encore et encore, les décisions du juge.

"Cet homme-là n’a pas fait une seule journée de détention de sa vie !", déclare Me Christine Dubreuil-Duchaine, qui a représenté la famille Malo durant ces longues années de souffrance.

Même si elle avoue ne plus avoir trop d’espoir dans un système qu’elle juge défaillant, l’avocate des victimes souhaite que cette affaire réveille la communauté juridique.

Un cri du coeur, lancé dans l’espoir de voir les choses évoluer.

Turcotte bis

Me Christine Duchaine, présidente de Sodavex, a représenté pro bono M. Malo
Me Christine Duchaine, présidente de Sodavex, a représenté pro bono M. Malo
" A quel moment déclare-t-on qu’une personne est dangereuse ou pas ? Jusqu’où peut-on aller sans qu’il y ait de véritables conséquences ? Pour moi, cette affaire est le pendant de celle de Guy Turcotte. Le fait que cela soit arrivé le même jour où l’on se pose la question de libérer ou non M. Turcotte a quelque chose d’ironique", dit Me Dubreuil-Duchaine.

Selon l’avocate, le système juridique québécois doit se poser les bonnes questions, afin qu’il n’y ait plus d’autre Ronald Malo. La justice doit-elle se montrer plus sévère ? Doit-on intervenir plus rapidement ?

" Quelqu’un a payé de sa vie pour que ces questions soient posées”, déplore Me Dubreuil-Duchaine, fondatrice du cabinet-boutique Sodavex, spécialisé en droit de l’environnement.

Alertée par un consultant en environnement, elle rencontre les Malo en 2005. Des années durant, elle est témoin de la souffrance d’une famille, et du silence de tout un système.

" Je les ai vus, pendant des années, vivre dans une crainte épouvantable. On a cogné à tant de fenêtres ! Frappé à tant de portes !, dit-elle, et rien n’a été suffisant. Maintenant il est trop tard."

Chronique d’une mort annoncée

En 2009, elle obtient une première ordonnance de la Cour contre M. Belzil qui interdit ce dernier de s’approcher, insulter, harceler les Malo. Deux mois plus tard, M. Belzil profère des menaces de mort à l’encontre de la famille Malo.

Une convocation et une lettre d’excuse plus tard, il est libéré.
Avril 2010, alors qu’il se trouve en cure de désintoxication, le suspect s’évade du centre après de nouvelles menaces de mort. 200 $ de caution, il est libéré.

Mai 2010, l’enfer continue. 300 $, il sort. Juillet 2010, idem, 500 $.

Décembre 2010, il est jugé coupable de 4 chefs d’accusation. La juge Anne-Marie Jacques l’absout, avec période de probation de 3 ans.

" Moi je ne voudrais pas être dans les souliers de cette juge !”, déclare Me Dubreuil-Duchaine.

" Je ne souhaite pas mettre cela sur le dos d’une seule personne, car c’est de tout le système carcéral et judiciaire dont il s’agit, mais je pose la question: que ce serait-il passé s’il n’avait pas été libéré ce jour-là ? S’il avait été placé en détention ne serait-ce que 30 jours ?”, demande-t-elle.

Selon Me Dubreuil-Duchaine, là où il aurait fallu une intervention musclée, il n’y a eu que des bouts de papiers inutiles.

Aujourd’hui, face à un sentiment d’impuissance tenace, elle espère par son témoignage contribuer à un éveil des consciences.

" De toute ma carrière, je ne me suis jamais sentie aussi démunie. Une partie de moi exige que je fasse quelque chose ", confie-t-elle.

Sa plus grande peur aujourd’hui ? Que M. Belzil soit de nouveau libéré dans les semaines qui vont suivre.

" Après toutes ces années, je ne peux pas donner de garanties à la famille, je voudrais simplement que M. Malo ne soit pas mort en vain ", espère-t-elle, le cœur serré.
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