Parole aux conseillers juridiques

Une avocate chez les gamers

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Emeline Magnier

2014-03-10 16:00:00

Conseillère juridique chez Gameloft, cette jeune avocate raconte sa pratique dans un domaine où la créativité, les mondes virtuels et la législation se côtoient au quotidien…

Me Marie-Pierre Larouche est conseillère juridique depuis trois ans chez Gameloft
Me Marie-Pierre Larouche est conseillère juridique depuis trois ans chez Gameloft
Jeune avocate dynamique, Me Marie-Pierre Larouche est conseillère juridique depuis trois ans chez Gameloft, une entreprise de création, développement et édition de jeux vidéos téléchargeables sur mobiles et tablettes.

Créée à Paris en 1999, Gameloft compte 6 000 employés répartis dans une trentaine de pays, dont 500 au studio de développement à Montréal. Les jeux tels que GT Racing 2, World at Arms, Despicable Me 2, Asphalt 8 et Total Conquest sont des créations de l'entreprise.

Droit-inc: Qu'est-ce qui vous a conduit à pratiquer en entreprise?

Me Marie-Pierre Larouche: J'ai intégré le Barreau en 2006 après un stage à la Ville de Laval, en droit municipal. J'ai ensuite rejoint le cabinet Dufresne Hébert Comeau, où je suis restée pendant quatre ans et demi. J'exerçais principalement en droit des relations individuelles et collectives du travail, et j'intervenais également comme procureur à la Cour municipale. J'étais arrivée à un point où je voulais diversifier ma pratique.

J'avais envie d'approfondir la relation avec le client, et participer aux décisions de l'entreprise et à toutes les étapes d'un projet. En pratique privée, on éteint des feux, et je voulais passer du côté de la prévention. J'ai vu l'offre de Gameloft qui cherchait un juriste en droit du travail. Je ne connaissais pas le monde du jeu vidéo, mais j'ai appliqué et ça fait trois ans que j'ai intégré l'entreprise. Montréal est une plaque tournante dans le domaine.

Je m'occupe des studios de Montréal - où on fait du développement de jeux de course, de guerre, fantastique et médiévaux -, et de Toronto, où l'activité est plus axée sur les jeux pour enfants. C'est un milieu créatif et artistique, très différent de celui où exercent habituellement les conseillers juridiques. Je travaille avec des programmeurs, des graphistes, des producteurs… C'est le côté divertissement qui m'a séduite, ça me plaît beaucoup.

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En quoi consiste votre poste?

Je suis la seule conseillère juridique en Amérique. En tout, nous sommes six, dont trois au siège social à Paris, un à Bucarest et un en Chine. Avant mon embauche, il n'y avait pas de juriste à l'interne et l'entreprise faisait affaire avec des bureaux externes. Quand je suis arrivée, j'ai donc dû créer le poste et en monter la structure.

C'était un gros défi pour une jeune avocate, mais le milieu est très plaisant et les gens sympathiques. Et au besoin, j'ai mes collègues dans le monde. Mon poste est assez généraliste… Au départ, je faisais exclusivement du droit du travail: les ressources humaines me consultent sur tout ce qui a trait aux contrats de travail, aux dossiers disciplinaires et aux restructurations.

Mais après un an, mes tâches se sont diversifiées et je m'occupe aujourd'hui des contrats commerciaux comme des contrats de licence, et des questions relatives à la propriété intellectuelle. Pour les dossiers plus complexes qui soulèvent un point de droit plus précis en droit des affaires, nous avons recours à des cabinets externes. Je fais aussi un peu de litige en droit du travail, mais ça reste occasionnel.

Je n'envisagerai pas de retourner en pratique privée et je veux rester dans l'entreprise aussi longtemps que ça sera possible: plus le temps passe, plus je connais la compagnie, et plus mes décisions et recommandations sont adaptées et bénéfiques pour son développement.

Comment se déroule votre collaboration dans la création d'un jeu vidéo?

Me Marie-Pierre Larouche doit vérifier la légalité des jeux vidéos et en vérifier chacune des composantes.
Me Marie-Pierre Larouche doit vérifier la légalité des jeux vidéos et en vérifier chacune des composantes.
Je dois vérifier la légalité des jeux vidéos et en vérifier chacune des composantes. Dès que les créateurs ont une idée pour lancer un nouveau produit, je rencontre l'équipe de production et on vérifie leurs références et la concurrence. J'interviens ensuite tout au long du processus de développement.

Si les artistes se sont inspirés de personnages réels ou de vedettes, je dois m'assurer qu'on ne puisse pas les identifier. Si le jeu comprend des voitures, le design ne doit pas être celui d’un modèle existant si nous n'en avons pas les droits. Pour les édifices qui sont reproduits dans le graphisme, il faut vérifier la législation applicable dans le pays en question avant de reproduire l'immeuble.

Les dialogues sont aussi passés au crible pour s’assurer que des noms de personnes réelles ou des marques ne sont pas cités. Si le créateur veut utiliser une musique existante, il faut en acheter la licence. Je m'occupe également des recherches de marque de commerce pour le nom des jeux, le nom des personnages, des missions et des armes: c'est un échange constant avec les producteurs.

Quand le produit est en voie d'être finalisé, je l'utilise et j'y joue pour vérifier qu'aucun élément n'a été oublié. C'est ce que je trouve le plus difficile (rires), mais les producteurs me donnent des astuces pour que je ne perde pas trop de temps! Je ne m'ennuie pas, ça prend beaucoup d'heures, et quand il y a une urgence pour la sortie d'un jeu tout le monde met la main à la pâte, il n'est pas question de ralentir la production.

Nous travaillons dans une ambiance jeune et décontractée où les artistes créent parfois aux petites heures du matin. C'est un milieu qui évolue rapidement, c'est vraiment très intéressant!

Quelles sont les qualités nécessaires pour votre fonction?

Il faut avoir de bons réflexes juridiques, même si on n'est pas spécialiste dans un domaine particulier. Une bonne compréhension du dossier et un sens des affaires aigu sont aussi nécessaires: il faut aller au-delà de l'aspect purement légal. La créativité aide aussi à trouver des solutions qui permettent à l'entreprise d'atteindre ses objectifs et de se développer.

La beauté et la difficulté de la tâche résident dans la diversité des dossiers. Il faut poser beaucoup de questions et repartir de zéro très souvent. Mais comme avocat, nous avons les outils pour aller chercher l'information, ça n'est jamais impossible.

Quels avantages tirez-vous de votre implication dans l'ACC?

Mes amis pratiquent majoritairement en cabinet privé et je souhaitais réseauter avec des confrères qui exercent dans un environnement plus proche de ma réalité. L'ACC offre également une mine de ressources pour nous aider dans notre quotidien avec des articles de doctrines, des conférences, et aussi des contacts: on peut consulter des juristes partout dans le monde, c'est très pertinent pour moi.

Quand j'ai adhéré à l'association, j'ai beaucoup aimé les gens qui siégeaient au conseil d'administration et j'ai donc décidé de m'impliquer également; aujourd'hui je suis administratrice. Je fais aussi partie du comité en charge des relations publiques et des conférences, et je contribue à accroître la visibilité et le rayonnement de l'ACC.

C'est vraiment une opportunité très intéressante, avec laquelle viennent de très belles rencontres et des découvertes de carrières très diversifiées.
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