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Emeline Magnier

2014-08-11 15:00:00

Droit-inc a rencontré un juriste branché dont les codes informatiques sont la troisième langue. Spécialisé en droit des TI, il revient sur son parcours et les enjeux de sa pratique ...

Me Jean-François De Rico est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins
Me Jean-François De Rico est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins
Depuis 2007, Me Jean-François De Rico est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins où il exerce en droit de l'insolvabilité et en droit des technologies de l'information.

Après une parenthèse en politique, il fait aujourd’hui partie des spécialistes en TI qui tentent d’offrir des solutions juridiques adaptées aux différents acteurs d’une industrie qui évolue constamment.

Juriste branché, passionné de technologies, il a répondu aux questions de Droit-inc.

Droit-inc: Quel a été votre parcours avant de vous joindre à l'équipe de Langlois Kronström Desjardins ?

Me Jean-François De Rico : J'ai commencé ma pratique chez Fasken Martineau à Montréal puis à Québec en insolvabilité et en droit commercial. Je faisais du litige mais mon travail comportait aussi un volet négociation, en matière de redressement, réorganisation, financement et vente d'actifs. À l'époque, j'ai fait quelques dossiers en lien avec des projets d'impartition informatique mais rien de dominant.

Après cinq ans de pratique privée, j'avais le goût de voir d'autres choses. Par l'intermédiaire d'un ami qui travaillait pour le leader de l'opposition politique, j'ai eu l'opportunité de devenir conseiller juridique et politique à l'Assemblée nationale pour le Parti Québécois. J'ai travaillé sur la rédaction d'argumentaires et de projets de loi dans le domaine énergétique environnemental et de la santé. Mais au lendemain de la dissolution en mars 2007, le PQ étant relayé au deuxième groupe de l'opposition, j'ai trouvé ça moins intéressant. On n'est pas dans le mode décisionnel, c'est un volet un peu stérile de la joute politique sans résultat concret.

J'ai donc décidé de retourner à la pratique: je n'avais quitté en mauvais terme ni la profession ni le cabinet. J'ai fait le tour des bureaux à Québec et ça a cliqué avec LKD.

Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser dans le domaine des TI ?

J'ai toujours eu un intérêt pour les nouvelles technologies mais c'est surtout le résultat d'un double hasard. Avant de me lancer dans les études juridiques, j'hésitais entre l'informatique et le droit, et j'ai choisi la deuxième option. Arrivé chez LKD, j'ai commencé à m'intéresser à la gestion de l'information et à la gestion documentaire jusqu’au jour où un avocat du bureau devait donner une conférence sur la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information et ne pouvait pas y aller; j'ai donc pris le relais.

De façon concomitante, j'ai travaillé sur un dossier d'arbitrage en matière d'impartition de services informatiques. Pendant un an et demi, on était quatre avocats sur le dossier. De la micro-informatique en passant par le commerce sur internet, on a dû s'approprier l'environnement du client: c'était un très bon enseignement et ça n'a fait que confirmer mon intérêt pour ce domaine de pratique.

Dans quels genres de dossiers intervenez-vous ?

Me Jean-François De Rico a toujours eu un intérêt pour les nouvelles technologies
Me Jean-François De Rico a toujours eu un intérêt pour les nouvelles technologies
Le droit des technologies de l'information se décuple de différentes façons. Il y a des litiges relatifs aux enjeux en matière d'approvisionnement en technologie, des appels d'offres pour des logiciels ou équipements, des litiges commerciaux dans le domaine des télécommunications. Je donne aussi des conseils pour le développement de logiciels, les services d'hébergement, l'impartition de services informatiques et le développement du « cloud ». Il y a aussi tout un volet propriété intellectuelle, avec les licences et les cessions de droits.

Je dessers principalement des clients qui ont des besoins en matière de TI : la nature des services requis nécessite des clauses régissant les interventions et la responsabilité des parties. Quand une entreprise décide d'externaliser ses services informatiques, elle a trois préoccupations majeures: la confidentialité, l'intégrité et l'accessibilité. Dépendamment de la sensibilité de l'information, il faut prévoir un plan de continuation des affaires, de duplication ou de reprise en cas de sinistre.

Ces derniers mois, j'ai eu beaucoup de travail avec la Loi anti-pourriel: j'ai aidé des clients à s'adapter aux nouvelles dispositions pour que leurs modes de communication soient conformes aux dispositions législatives. Mais il y a encore beaucoup d'incertitudes et de zones d'ombre par rapport au texte et à son interprétation, et j'ai encore du travail avec ça pour un moment.

Quel est le plus grand défi quand on pratique en droit des TI ?

Le vocabulaire rebute beaucoup de monde; c'est un langage très spécialisé. Il faut vouloir passer cette barrière pour s'approprier la matière souvent intangible. C'est aride et technique mais il faut se faire violence. Le cadre législatif est assez mince, c'est surtout du domaine contractuel et pour le reste, ça vient avec l'expérience.

Quand je travaille avec un client et qu'il y a des enjeux de conformité ou qu'il s'agit d'un projet de développement avec des problématiques juridiques, je demande toujours qu'une personne du service technologies soit présente dans le processus décisionnel. Leur « imput » est très important pour la planification.

Le rythme effréné de développement des technologies est aussi une autre difficulté importante: il faut maintenir un niveau de connaissances suffisant et à jour pour être capable de suivre l'évolution. Je lis beaucoup de publications à caractère technologique. Disons que je n'ai pas beaucoup de lectures légères. (rires)

Comment avez-vous procéder pour développer une clientèle ?

On dit souvent qu'il n'y a pas beaucoup d'avocats spécialisés en TI mais c'est un domaine sujet à expansion et de plus en plus de juristes s'y intéressent et les publications d'universitaires ou d'avocats se multiplient. Pour assurer mon développement professionnel, je donne beaucoup de conférences: j'aime m'adresser à un groupe et animer des séances. Certains clients ou des avocats qui n'exercent pas dans ce domaine me réfèrent aussi des dossiers.

Je fais partie du réseau international Lexing qui regroupe une trentaine d'avocats indépendants partout dans le monde ce qui permet de bénéficier de référencement. Actuellement, je m'intéresse aux enjeux juridiques du « Cloud » et je voudrais augmenter la proportion de fournisseurs de technologie dans ma clientèle.

Comment pensez-vous que la pratique en TI va évoluer dans les prochaines années ?

L'uniformisation des normes internationales devient nécessaire: les technologies n'ont pas de frontière. Si on veut protéger l'utilisateur, on n'a pas le choix. Il n'est pas réaliste de penser qu'il pourra faire valoir ses droits autrement.

On s'enligne aussi vers une standardisation des documents contractuels et le développement de produits types; l'avocat représentera une plus-value. Mais en parallèle, la matière évolue constamment et les problématiques se multiplient dans toutes les sphères de l'activité humaine.

Avec la robotisation croissante et l'utilisation des drones, il y a des enjeux de vie privée et de commerce. L'intelligence artificielle est aussi une branche qui évolue rapidement et posera des problématiques relatives à la responsabilité. La technologie est partout !
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