Le Syndic mènera-t-il l’enquête?

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Daphnée Hacker-b.

2015-07-10 15:00:00

S’il le désire, le Syndic a le pouvoir d’enquêter sur les zones d’ombre qui entourent la suspension de la bâtonnière, affirment des experts en droit disciplinaire… Mais le fera-t-il?

Me Jean-Claude Dubé
Me Jean-Claude Dubé
Qui a coulé l’information sur le dossier déjudiciarisé de la bâtonnière Me Lu Chan Khuong ? Qui a révélé à La Presse l’issue du vote secret du conseil d’administration (CA) en faveur de sa suspension, avant même la principale intéressée ? Ces questions demeurent sans réponse, plus d’une semaine après la révélation au grand jour de la procédure de non-judiciarisation dont a fait l’objet la nouvelle bâtonnière.

Pour Me Jean-Claude Dubé, il ne fait aucun doute que le Bureau du Syndic, s’il le souhaite, peut mener l’enquête sur ce bris de confidentialité. Mardi, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a assuré à Droit-inc que la fuite ne venait pas des procureurs. « Le syndic va-t-il se satisfaire de ces explications ? C’est à sa discrétion. On ne peut pas savoir s’il veut mener enquête, mais chose certaine, il peut le faire », confirme le spécialiste en droit disciplinaire.

Et qu’en est-il de la fuite à La Presse, le mercredi 1er juillet, qui a permis au quotidien d’annoncer à 14 heures 41 la suspension de la bâtonnière avant même que cette dernière soit informée du vote secret tenu par le CA ? Encore une fois, Me Dubé n’hésite pas : il y a eu bris de confidentialité d’un membre du CA, un acte dérogatoire qui est susceptible de déclencher une enquête du Syndic.

« Ce n’est pas parce qu’un avocat siège sur un CA qu’il peut déroger à ses obligations professionnelles », tranche celui qui a d’ailleurs fait partie du comité exécutif du Barreau de 2006 à 2009. Seul hic, les quatre représentants du public qui sont aussi membres du CA ne peuvent faire l’objet d’une enquête par le Syndic.

L’« immunité » du CA

Me Jacques Prévost
Me Jacques Prévost
Les membres du CA jouissent d’une certaine immunité, rappelle toutefois Me Jacques Prévost. Selon un amendement ajouté à l’article 116 du Code des professions en 2008, le Syndic ne peut en effet déposer de plainte contre une personne qui exerce une fonction dans l’ordre, pour un acte accompli lors de cette fonction.

« Mais un bris de confidentialité, ce n’est pas un acte accompli dans le cadre des fonctions de l’ordre. Si un membre du CA est suspecté d’être responsable d’une fuite, alors le Syndic doit pouvoir faire la lumière », précise le juriste qui connaît le Code des professions sur le bout de ses doigts.

Si l’enquête du Bureau du Syndic porte sur des membres actifs à l’intérieur même de l’ordre, il se peut qu’un comité indépendant, ad hoc, soit créé pour l’occasion, ajoute Me Prévost.

De nombreux barreaux de section ont exhorté le Barreau du Québec et le Syndic d’enquêter sur les évènements de la dernière semaine. Ni le Bureau du Syndic, ni la responsable des communications du Barreau, Martine Meilleur, n’ont répondu aux demandes d’informations de Droit-inc.

Une enquête du corps policier ?

Me René Verret
Me René Verret
Le DPCP n’est pas le seul qui pourrait être responsable de la fuite du dossier déjudiciarisé de Me Khuong. Tel que l’a indiqué à Droit-inc le porte-parole du DPCP Me René Verret : « en plus de la lettre envoyée à la personne concernée par la déjudiciarisation, une autre lettre est généralement transmise au corps de police ».

Questionné à savoir si une enquête interne sera menée, le Service de police de Laval refuse de répondre, indiquant que si c’est le cas, cette information ne sera pas publique. « Lorsqu’une situation nous fait croire qu’il y a eu un manquement déontologique, disciplinaire, criminel, ou autre, une enquête interne est menée », se contente de dire Frédéric Jean, sergent aux affaires publiques du corps policier. Il précise que les lettres des procureurs sont d’abord traitées au bureau de liaison, puis acheminées dans un autre département. Cette information permet de supposer que plusieurs policiers pourraient avoir vu la lettre de déjudiciarisation de Me Khuong.

Pour sa part, le ministère de la Sécurité publique ne pourra aucunement agir dans ce dossier. Comme l’indique la relationniste Alexandra Paré, « la loi sur la police ne confère aucun pouvoir particulier à la ministre de la Sécurité publique lui permettant d’ordonner à un corps de police municipale de mener une enquête dans une telle situation ».

Toutefois, Mme Paré souligne un point intéressant concernant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Cette loi permet à toute personne qui juge qu’un organisme n’a pas respecté ses obligations de confidentialité à porter plainte à la Commission d’accès à l’information. Peut-être que cette instance pourrait elle aussi mener l’enquête…

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