Entrevues

«Je quitte le coeur lourd»

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Emeline Magnier

2015-09-09 15:00:00

Député démissionaire, Me Gilles Ouimet s’est entretenu avec Droit-inc. L’ancien bâtonnier du Québec revient sur son départ, ses projets et la crise que traverse le Barreau du Québec…

Me Gilles Ouimet a finalement décidé de quitter ses fonctions politiques
Me Gilles Ouimet a finalement décidé de quitter ses fonctions politiques
Après avoir troqué sa toge d’avocat pour un siège de député, Me Gilles Ouimet a finalement décidé de quitter ses fonctions politiques il y a quelques jours.

Il a représenté le Parti Libéral du Québec pour la circonscription Fabre à l’Assemblée nationale à l’issue des élections en 2012 puis 2014.

Membre du Barreau depuis 1987, il a exercé successivement en pratique privée, a été substitut du procureur général du Canada (1993 à 1999), chef d'équipe des procureurs en matière de fraude fiscale (1995 à 1999), avocat-conseil au ministère de la Justice (1998 et 1999), puis est retourné a la pratique en droit pénal et professionnel (1999 à 2012).

En plus d’avoir été chargé de cours, Me Ouimet a toujours été très impliqué auprès de son ordre professionnel. Il a notamment été bâtonnier de Montréal en 2007-2008 et bâtonnier du Québec en 2010-2011.

Droit-inc : Pour expliquer votre démission, les médias ont évoqué des raisons familiales. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

Me Gilles Ouimet : C'est essentiellement pour des raisons personnelles et familiales que j'ai décidé de quitter mon poste de député. Nous avons eu deux jeunes enfants depuis 2012 et le dernier est né après l'élection en 2014. J'avais déjà une vie difficile, alors avec l'arrivée du cinquième, c'est devenu impossible. On a fait grand cas des responsabilités ministérielles que je n'ai pas eues mais ce n'est pas ça. Si j'avais été ministre, j'aurai dû abandonner avant ça. Ce n'est pas une décision que j'ai prise seul, j'ai consulté le commissaire à l'éthique qui a eu tous les détails. Ce n'est pas juste moi qui estime que mon départ est justifié, le commissaire aussi.

Allez-vous regretter l'Assemblée nationale ?

Je quitte avec le cœur lourd. Tout le temps où j'ai siégé, ça a été un privilège de représenter les concitoyens même si certains aspects relatifs au fonctionnement du parlement peuvent être améliorés. Pour un juriste, être législateur c'est un rôle très important qu'on doit remplir avec toute la rigueur possible. Les collègues aussi vont me manquer, j'avais de très bonnes relations avec les autres députés, tous partis confondus.

Dans votre lettre de démission vous évoquez un retour à la pratique imminent. Quels sont vos projets ?

Pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus. Je devais d'abord démissionner, l'annoncer et je ne voulais pas négocier le futur tant que j'étais encore député. Mes projets ne sont pas encore assez élaborés pour que je puisse dire où je vais, et à date, je suis sans emploi. Je vais devoir régler cette question vite. Pour l'allocation de transition, j'ai aussi consulté le commissaire à l'éthique et je m'engage à y renoncer quand j'aurai retrouvé un travail. J'ai été un plaideur en droit criminel et disciplinaire l'essentiel de ma carrière, puis administrateur au Barreau. Ce sont donc dans ces deux domaines où je peux justifier d’une expérience et de compétences. Je vais examiner où je peux être le plus utile.

Quand vous étiez député, est ce que la pratique vous manquait ?

Les mondes politiques et juridiques ont des similitudes et des différences. Quand on œuvre dans le juridique, on pense que le raisonnement logique est basé sur la loi et la jurisprudence. Dans l'univers politique, il y a plus que ça qui entre en compte, il faut considérer la stratégie, la communication. J'apprécie l'approche plus rationnelle et cartésienne du milieu juridique.
Je n'ai jamais été un « fan du litige » et plutôt orienté vers la justice participative. J'accorde beaucoup d'importance à la recherche de solutions. Comme députés, nous plaidons pour défendre nos idées, que ce soit au salon bleu ou à la tribune. L'exercice parlementaire comporte beaucoup de similitudes avec la plaidoirie. Un plaideur est vite à l'aise à l'Assemblée nationale.

Quel regard portez-vous sur la crise que traverse le Barreau ?

Je suis extrêmement déçu. J'estime qu'en matière de gestion de la crise, les deux parties sont à blâmer. De mon point de vue, la seule façon de rétablir la paix et la sérénité nécessaires à la mission du Barreau, c'est de tenir des élections générales pour le CA et le poste de bâtonnier, et le plus tôt sera le mieux.

Ce qui me choque le plus, c'est que l'Ordre doit faire valoir la primauté du droit et le respect des règles et processus. Le CA dit qu'il s'est basé sur le Code d'éthique des administrateurs pour agir mais ce code prévoit des délais et dans ces situations, il faut prendre du recul et suivre la procédure pour se mettre à l'abri des reproches. Je ne dis pas que la décision n'est pas bonne mais la précipitation fait naître des craintes, et c'est ce qui aurait du être évité.

Je ne suis pas d'accord non plus avec l'approche choisie par le Barreau dans le cadre du litige. L'ordre devrait être au dessus de la mêlée et ne pas laisser paraître qu'il défend un intérêt particulier. La mission du Barreau, c'est le respect de la primauté du droit.

Envisagez-vous de vous ré-impliquer au Barreau et peut-être de redevenir bâtonnier ?

J'ai toujours été impliqué mais avec mes fonctions de député, j'ai pris du recul. J'ai continué de suivre de près les activités de l'Ordre. Quand je serai disponible pour servir sur des comités et si on a besoin de moi, ça me fera plaisir de donner un coup de main. C'est très important et valorisant pour les avocats de s'impliquer au Barreau. Mais parler d'un retour au bâtonnat, c’est trop tôt, on verra !
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