Vers une explosion des médiations?

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Jean H. Gagnon

2015-11-10 13:15:00

Est-ce que l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile engendrera un recours massif à la médiation pour mettre fin aux conflits ? Un expert nous donne son opinion...

Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Une question qui me revient de plus en plus souvent depuis quelques mois maintenant est celle de savoir si nous devons nous préparer à une explosion du nombre de médiations à compter de l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile.

N’ayant pas (du moins, pas encore) de boule de cristal, il m’est évidemment impossible de prédire ce qui arrivera à compter du 1er janvier prochain.

Par contre, nous pouvons faire une analogie avec la conférence de règlement à l’amiable (la « CRA ») qui introduisait dans notre procédure civile une forme de médiation judiciaire qui, tout autant que la médiation, requérait un certain changement de culture et d’approche en matière de litige judiciaire.

Après l’introduction de la CRA en 2001, il a fallu une période initiale d’apprentissage et d’adaptation de deux à trois ans avant que la CRA ne soit vraiment adoptée par les avocat(e)s.

Depuis, la CRA est devenue un outil largement utilisé et est même aujourd’hui quelque peu victime de son succès puisque, dans plusieurs districts judiciaires, il faut maintenant attendre plusieurs mois avant d’obtenir une date pour la tenue d’une CRA.

J’anticipe que la progression de la médiation pourrait suivre une courbe semblable à compter du 1er janvier prochain, soit une période initiale d’apprentissage et d’adaptation de quelques mois, voire d’un ou deux ans, suivie d’une utilisation de plus en plus régulière et fréquente du recours à ce mode de règlement de différends qui, rappelons-le, ne convient pas à toutes les affaires.

La croissance du recours à la médiation sera aussi tributaire de deux facteurs importants, soit (a) les gestes qui seront posés par la magistrature pour assurer le respect de l’article 1 du nouveau Code de procédure civile, et (b) la vitesse à laquelle les avocat(e)s choisiront de vraiment intégrer la médiation à leur pratique.

Rôle de la magistrature

Selon plusieurs sources auprès de la magistrature, les tribunaux ont l’intention de prendre rapidement des mesures fermes pour que les avocat(e)s et leurs clients considèrent sérieusement « le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux ».

L’une de ces mesures pourrait prendre la forme d’une rencontre, ou d’une conférence téléphonique, qu’un juge tiendrait rapidement après l’institution de procédures judiciaires avec les avocats afin de s’enquérir de cette question. Il est aussi possible que le juge demande que les clients participent aussi eux-mêmes à cette rencontre ou conférence téléphonique initiale et doivent, tout autant que leurs avocat(e)s, répondre à la question de savoir s’ils ont vraiment considérer sérieusement le recours aux modes de PRD.

En cas de réponse négative, évasive ou insatisfaisante (pour le juge) à cette question, l’instance judiciaire pourrait être suspendue pour le temps nécessaire à assurer le respect de cette obligation préjudicielle.

Intégrer la médiation à la pratique

Quant au deuxième facteur (la vitesse à laquelle les avocat(e)s intégreront vraiment la médiation à leur pratique quotidienne), il y a de bonnes chances que la plupart le feront assez rapidement (en fait, plusieurs ont déjà commencé depuis quelques mois maintenant) alors que quelques autres continueront encore quelque temps, mais en vain, à espérer que l’on éloigne d’eux cette « malédiction ».

En acquérant plus rapidement une bonne expérience rapide qui leur permettra, entre autres, de développer plus rapidement leurs habiletés en cette matière, les avocat(e)s qui recourront rapidement à la médiation sur une base régulière acquerront ainsi un avantage stratégique, et concurrentiel, sur leurs consœurs et confrères qui tarderont à ce faire.

De plus en plus de clients vous poseront la question de savoir quel est votre niveau d’expérience en médiation : si vous n’en avez jamais fait, il deviendra de plus en plus difficile de leur fournir une réponse satisfaisante, et rassurante à cette question.

Dans quelle catégorie vous situez-vous : dans celle des avocat(e)s qui développeront rapidement des compétences, des habiletés et une expérience pratique en médiation, ou dans celle de celles et ceux qui tarderont à ce faire?

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Bio

Avec 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre, Jean H. Gagnon est aussi l’un des pionniers du droit de la franchise au Canada. Il est également l’auteur de nombreux articles sur les moyens non judiciaires de prévention et de règlement des différends. Il est accrédité par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec, par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Canada, et par le Barreau du Québec.

Site internet: http://jeanhgagnon.com
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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    NON!
    J'ai un gros problème avec votre passage en ce qu'il escamote en totalité le secret professionnel. Cela n'est pas rien! Cette loi oblige les parties à considérer, elle ne permet pas aux juges et à la partie adverse de fouiller dans les âmes et consciences de chacun afin de savoir si on a, ou non, considéré les MARC. Et la confusion ne fait que commencer.

    "L’une de ces mesures pourrait prendre la forme d’une rencontre, ou d’une conférence téléphonique, qu’un juge tiendrait rapidement après l’institution de procédures judiciaires avec les avocats afin de s’enquérir de cette question. Il est aussi possible que le juge demande que les clients participent aussi eux-mêmes à cette rencontre ou conférence téléphonique initiale et doivent, tout autant que leurs avocat(e)s, répondre à la question de savoir s’ils ont vraiment considérer sérieusement le recours aux modes de PRD.

    En cas de réponse négative, évasive ou insatisfaisante (pour le juge) à cette question, l’instance judiciaire pourrait être suspendue pour le temps nécessaire à assurer le respect de cette obligation préjudicielle."

    • Jean H. Gagnon
      Jean H. Gagnon
      il y a 8 ans
      Aucun manquement au secret professionnel...
      Merci Mme, M. ou Me Anonyme pour votre commentaire,

      Je comprends qu’il pourrait s’agir là d’une toute nouvelle façon de faire.

      Par contre, elle va dans le sens du plus haut degré d’intervention du tribunal dans la gestion de l’instance mis de l’avant par le nouveau Code de procédure civile.

      Il me semble aussi que le fait pour un juge de s’assurer du respect de l’article 1 du nouveau Code de procédure civile entre dans la mission du tribunal et je ne vois pas en quoi un tel questionnement de la part d’un juge constituerait quelque manquement au respect du secret professionnel.

      Je comprends par contre très bien qu’une telle démarche pourrait être fort inconfortable pour un avocat qui n’a pas pris soin d’informer et de conseiller son client sur l'opportunité de recourir aux modes de prévention et de règlement des différends (comme l’exige maintenant l’article 42 du Code de déontologie des avocats) et de les considérer sérieusement avec lui avant d’entreprendre un recours judiciaire.

      Jean

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Non!
    En termes de médiation et autres formes de règlement non judiciaire des conflits, le NCPC ne contient malheureusement que des voeux pieux. Dommage que le législateur ait manqué le bateau en n'imposant pas des règles obligatoires.

    Aussi, lorsqu'il est question de médiation ici dans les commenatires sur DI, il est désolant de voir à quel point un très grand nombre d'avocats sont des dinausaures à l'esprit fermé sur cette question.

    Alors pour répondre à votre question: non, il n'y aura malheureusement pas d'explosion des médiations.

    • Jean H. Gagnon
      Jean H. Gagnon
      il y a 8 ans
      Médiation obligatoire... Non!
      Merci Mme, M. ou Me Anonyme pour votre commentaire,

      Permettez-moi de diverger, du moins en partie, d’opinion avec vous quant à votre affirmation à l’effet que « le NCPC ne contient malheureusement que des vœux pieux ».

      Oui, l’article 1 du NCPC risque de n’être qu’un vœu pieux si la magistrature et les avocats ne posent pas de gestes concrets pour y donner suite.

      Cependant, je ne crois pas que c’est ce qui se produira à compter de janvier prochain.

      Comme je l’écris dans mon billet, je suis d’avis que la magistrature posera plusieurs gestes pour donner à cet article son plein effet et faire en sorte que les avocats et leurs clients en viennent à bien considérer les modes privés de règlement de différends avant de s’adresser aux tribunaux.

      Je ne suis pas non plus d’avis qu’il aurait été opportun de rendre obligatoire le recours aux modes privés de règlement de différends.

      Une telle obligation aurait sous-estimé le rôle et les compétences des avocat(e)s qui, dans l’intérêt de leurs clients, doivent pouvoir choisir les moyens de défendre les droits, et de promouvoir les intérêts, de leurs clients, ainsi que de la meilleure voie pour y parvenir.

      Ceci dit, il est fondamental pour l’avenir même de notre profession que les avocat(e)s proposent à leurs clients, dans les cas qui s’y prêtent, d’autres moyens de règlement de différends qui pourraient être plus rapides, efficaces et profitables que les tribunaux.

      Jean

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