Elizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec
Elizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec
Les juges de la Cour du Québec vous obligent désormais à porter la toge, et le règlement est clair : ce sera désormais « toge noire fermée avec veston noir, chemise, col et rabat blancs et chaussures appropriées » pour tout le monde ! Et sans dispense pour l'été !

Une nouvelle mesure, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, qui découlerait du relâchement ou de l’exagération de la part de certains juristes, comme le soutiennent des avocats contactés par Droit-inc.

Les règles de pratique ont été modifiées « dans un ensemble, pour améliorer le décorum, bien identifier les intervenants et éviter un laisser-aller », a spécifié la juge en chef de la Cour du Québec, Elizabeth Corte. Auparavant, les avocats qui se présentaient en cour pour une comparution ou pour obtenir une simple prolongation de délai pouvaient opter pour un complet sobre, de couleur foncée.

Me Richard-Philippe Guay, avocat criminaliste à Québec
Me Richard-Philippe Guay, avocat criminaliste à Québec
« Il y avait beaucoup de laisser-aller », confie Me Richard-Philippe Guay, avocat criminaliste à Québec. Selon lui, cette mesure est une excellente décision qui permet de garder un décorum. C’est d’ailleurs une discussion qu’il avait régulièrement depuis quelques mois, voire un an.

Le criminaliste affirme avoir souvent vu des consoeurs avec «des jupes et des blouses qui semblaient avoir rétréci au lavage» ou portant des gougounes aux pieds. «Ce qui est adéquat dans un bar ne l’est pas dans un palais de justice...»

Me Véronique Robert
Me Véronique Robert
Me Véronique Robert, quant à elle, est également d’accord avec le port de la toge en tout temps. « Ça uniformise, ça estompe les inégalités. La toge nous simplifie la vie aussi! » explique-t-elle, avant d’ajouter qu’elle avait parfois vu des tenues inappropriées.

« Des leggings, des orteils, des complets d'homme tellement affreux ou trop grands qu'on pourrait croire être face à un robineux. »

Surtout des avocates !

Si certains des confrères de Me Guay arrivaient parfois à la Cour avec des espadrilles, en jeans ou sans porter des cravates, le laisser-aller était selon le criminaliste en général plutôt l’apanage des avocates, notamment de celles de moins de dix ans de pratique. Des tenues qui allaient parfois jusqu’à être vraiment déplacées, indique l’avocat.

« Lorsqu’une avocate n’a qu’à ajouter un ou deux accessoires à sa tenue pour aller dans un 5 à 7, c’est qu’elle doit se poser des questions sur son habillement professionnel, ajoute Me Guay. Avec la toge on ne verra maintenant que ses souliers - en espérant qu’ils soient conformes...» L’avocat indique que certaines de ses consoeurs semblent « frustrées » de cette nouvelle obligation de porter la toge.

« Par contre, on espère qu’on ne devra pas porter la toge à la Cour municipale, sinon je vais être obligé d’en avoir une deuxième en permanence dans mon véhicule! » déclare Me Guay, qui laisse toujours sa toge dans son casier à la Cour du Québec.

« Farfelu et ridicule ! »

Me Julie Couture
Me Julie Couture
Bien que Me Robert Bellefeuille, criminaliste à Montréal, soit d’avis qu’il doit y avoir un décorum à la Cour, il aimait beaucoup pouvoir venir sans toge à la Cour. « Ce n’est pas une décision invivable, mais c’était très apprécié que les juges acceptent qu’on puisse venir sans toge », dit-il.

Même son de cloche du côté de Me Julie Couture qui aurait apprécié qu’un message soit passé via le Barreau par exemple avant de prendre des mesures drastiques. « J'imagine qu'ils ont vu des abus, dit-elle, mais on aurait pu procéder par avertissement au lieu d'en faire un règlement obligatoire pour tous. »

Pour Me Daniel Rock, plus mécontent, le port de la toge est «archaïque.» « On est supposés avoir une justice participative où l’on se rapproche de plus en plus des gens et on nous oblige à porter ce déguisement ! » lance l’avocat criminaliste en colère.

Me Daniel Rock
Me Daniel Rock
Selon lui, le fait que certains avocats ne s’habillent pas correctement en cour n’est pas une raison valable, d’autant plus que les États-Unis ou l’Ouest canadien, sauf devant le jury, ont aboli cette mesure. « Si un avocat vient en sandales, pourquoi obliger tout le monde ? C’est farfelu et ridicule. C’est comme tuer un maragouin avec un bazooka ! »

Son confrère criminaliste Me Jean Dury est bien d’accord. « S’habiller en robe, c’est rétrograde », raconte celui qui, il y a quinze ans, n’a pas hésité à prendre une requête en jugement déclaratoire pour demander aux juges de la Cour supérieure de statuer sur la question d’abolir la toge.

Me Jean Dury
Me Jean Dury
« On nous traite comme des enfants et des bébés, dit-il. Le port de la toge, par ailleurs, vient d’un deuil de la Reine Anne en Angleterre en 1711 où nous avions porté la robe en signe de deuil. Pourquoi continuer à porter le deuil d’une Reine en Angleterre ?» s’interroge-t-il, avant d’ajouter que le relâchement de certains avocats n’est pas une raison suffisante.

« C’est une absurdité totale, je n’adhère pas du tout à cette théorie-là, déclare l’avocat de 65 ans. Aux États-Unis, où il y a 100 fois plus d’avocats qu’ici, cela doit arriver aussi, et le juge doit transiger avec le problème au moment où cela arrive. »

Du sérieux à la profession

Me Danièle Roy, présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal
Me Danièle Roy, présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal
Bien qu’il y ait eu «des situations qui ont attiré l’attention des juges», ce n’est pas une avalanche de plaintes de la magistrature qui est à l’origine de l’uniformisation du port de la toge, a pour sa part tempéré la juge en chef de la Cour du Québec, Elizabeth Corte.

La mesure a été instaurée après quelques rappels à l’ordre de la part de la magistrature, qui n’avaient pas eu les résultats escomptés, a mentionné Me Danièle Roy, présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal.«Ça suscite un peu de grogne, mais il n’y a pas de révolution», illustre-t-elle.

Me Caroline Larouche, présidente du Jeune Barreau de Montréal
Me Caroline Larouche, présidente du Jeune Barreau de Montréal
D’un autre côté, le port de la toge en tout temps présente certains avantages, selon la présidente du Jeune Barreau de Montréal, Me Caroline Larouche. « Cela permet de mettre tout le monde sur le même pied d’égalité et ça apporte un certain sérieux à la profession ».

- Avec Agence QMI

Sondage Express

Êtes-vous d'accord avec la nouvelle règle obligeant les avocats à porter la toge en tout temps à la Cour du Québec ?


Image du code de vérification Anti-Robot Essayer un autre code
Voir les résultats
(Votes : 149)