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La Cour d’appel met en lumière le vice caché dans l’ombre de 2118 C.c.Q.

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James Woods

2025-07-14 11:15:02

Focus sur un récent jugement rendu par la Cour d’appel en matière de droit des assurances.

James Woods - source : RSS


Dans Desjardins Assurances générales inc. c. Immeubles Devler inc., rendu le 9 mai dernier, la Cour d’appel infirme un jugement de la Cour du Québec et souligne l’importance d’évaluer la responsabilité de tous les intervenants dans la chaîne contractuelle en vertu de tous les régimes de responsabilité applicables, et ce, même en situation où l’application de la garantie légale de l’article 2118 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») est invoquée.

Les faits

En mai 2015, M. Thomas Andreo (« Andreo ») achète un condominium dans un immeuble achevé en 2014 du constructeur et promoteur Les Immeubles Devler inc. (« Devler »). En septembre 2018, Andreo constate des dommages causés par des infiltrations d’eau et retient des experts, qui confirment que celles-ci proviennent d’un climatiseur.

Il dénonce la situation à Devler, qui en avise Lavallée-Dufour inc. (« LD »), le sous-traitant de Devler ayant installé le climatiseur en question. Ceux-ci viennent inspecter les lieux dans les semaines qui suivent. L’assureur d’Andreo et du Syndicat de copropriété (le « Syndicat »), Desjardins Assurances générales inc. (« Desjardins »), couvre les travaux de réparation et les coûts de relocalisation évalués dans un rapport d’expertise obtenu à la demande du Syndicat. Desjardins, subrogée dans les droits de ses assurés ainsi que le Syndicat poursuivent Devler et LD.

Le jugement

En première instance, Desjardins et le Syndicat mettent l’accent sur la garantie légale de cinq ans prévue à l’article 2118 C.c.Q., applicable aux vices de construction causant une « perte de l’ouvrage ». Ils ajoutent que la responsabilité de Devler et de LD serait également engagée en vertu du régime applicable aux vices cachés. En défense, LD plaide que sa responsabilité ne saurait être engagée, car elle n’a pas de lien de droit avec Andreo ou le Syndicat, soutenant par ailleurs qu’elle n’a pas commis de faute.

Devler n’est pas représentée et la cause procède par défaut contre elle. Dans un jugement rendu le 16 mai 2024, la Cour du Québec mentionne que « l’Assureur et le Syndicat démontrent de manière prépondérante l’existence d’un vice de construction », mais conclut pourtant qu’ils n’avaient pas établi une « perte de l’ouvrage » au sens de l’article 2118 C.c.Q. et rejette donc la totalité de la réclamation.

Desjardins et le Syndicat portent le jugement en appel. Dans un arrêt du 9 mai 2025, la Cour d’appel donne raison aux appelants et conclut que le juge de première instance n’aurait pas dû limiter son analyse au seul article 2118 C.c.Q. Certes, il revient aux parties de déterminer l’objet de leur réclamation et les tribunaux ne peuvent pas aller au-delà de ce qui leur est demandé, mais l’absence d’analyse de la responsabilité civile et de la garantie de qualité applicable aux vendeurs requiert l’intervention de la Cour d’appel.

Quant à LD, la Cour d’appel rappelle qu’un manquement contractuel constituerait un fait juridique à l’égard des assurés de Desjardins qui n’est pas en soi suffisant pour engager sa responsabilité. La preuve administrée en première instance permettait cependant de conclure que LD n’avait pas respecté la norme de prudence et de diligence dans l’exécution de son contrat. Il s’agit donc d’une faute extracontractuelle qui a directement causé un préjudice aux assurés de Desjardins et engage par conséquent sa responsabilité.

En ce qui concerne Devler, la Cour d’appel a jugé que la preuve en première instance établissait l’existence d’un vice caché pour lequel Devler devait être tenue responsable à titre de vendeuse professionnelle (articles 1726, 1729, 1733 et 1442 C.c.Q). LD et Devler étant responsables pour les mêmes dommages en vertu de deux régimes de responsabilité distincts, la Cour d’appel les condamne aux dommages in solidum.

La morale de l’histoire

Lorsqu’on évalue la responsabilité des intervenants dans le cadre d’une chaîne contractuelle, il est important de considérer chaque faute reprochée en vertu de chaque régime de responsabilité applicable. Même dans le cas de figure où l’on ne pourrait conclure à la « perte de l’ouvrage » au sens de l’article 2118 C.c.Q., cela n’exclut pas l’application des autres régimes de responsabilité.

À propos de l’auteur

James Woods est associé au sein du groupe Droit des assurances chez RSS. Sa pratique porte sur la responsabilité civile et professionnelle.

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