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Radiée à vie, une ex-notaire échoue en appel

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Élisabeth Fleury

2025-07-15 10:15:48

Une ex-notaire d’expérience radiée à vie restera à l’écart de la profession.

Source : Droit-inc


Reconnue coupable de plusieurs chefs d’infraction, une ex-notaire de Charlevoix radiée à vie de son ordre professionnel échoue en appel devant le Tribunal des professions, qui qualifie même le pourvoi de l’appelante de « futile ».

Les juges Thierry Nadon, Patricia Compagnone et Robert Marchi du Tribunal des professions ont rendu leur décision le mois dernier dans le dossier de l’ex-notaire Geneviève Bilodeau.

Celle-ci se représentait seule dans son pourvoi contre les décisions sur culpabilité et sur sanction rendues respectivement le 28 juin 2023 et le 18 octobre 2023 par le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec.

Me Alain Galarneau (Pouliot Prévost Galarneau) agissait pour l’intimé, le syndic adjoint du Conseil de discipline Yves Morissette.

Geneviève Bilodeau exerçait sa profession dans la région de Charlevoix. Notaire d’expérience, elle se concentrait en droit immobilier et avait une pratique active, rapporte le Tribunal des professions dans sa décision.

Une plainte comportant pas moins de 28 chefs d’infraction a été portée contre elle. L’ex-notaire a plaidé coupable à certains chefs et a subi l’instruction pour les autres, pour finalement être déclarée coupable de tous les chefs.

À titre de sanctions, le Conseil lui a imposé diverses périodes de radiation temporaire et une radiation permanente.

L’ex-notaire a également été condamnée à rembourser une somme totalisant près de 316 000$, soit 250 000$ au Fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires et 65 812,34$ aux successions de ses deux clientes.

Des clientes âgées et vulnérables

La plupart des chefs d’infractions mettent en lumière la relation de l’appelante avec deux dames âgées, peu expérimentées et vulnérables, et visent des comportements qui s’échelonnent sur plusieurs années, précise le Tribunal.

Plusieurs infractions lui sont reprochées. Parmi elles: honoraires injustifiés, entrave, manque de disponibilités, prélèvement d’honoraires sans autorisation, obtention de prêts de clientes sans constatation par acte notarié, avoir profité ou abusé de ses clientes, défaut de veiller à la signature, défaut de veiller à l’inscription et défaut de produire ses déclarations et rapports de comptabilité en fidéicommis.

« Les comportements reprochés sont graves, répétés et touchent les obligations professionnelles fondamentales du notaire. Ils sont au cœur même de la profession », souligne le Tribunal des professions, ajoutant qu’en plus, les montants en cause sont importants.

Geneviève Bilodeau a par exemple facturé à ses clientes la somme de plus de 182 000 $ par le biais de 21 comptes d’honoraires professionnels. Ces honoraires de plus de 182 000 $ représentent la facturation de 900 heures de travail qui auraient été réalisées entre novembre 2015 et septembre 2018.

« Or, et malgré la facturation de plus de 182 000 $ pour 900 heures de travail, la preuve révèle que l’intimée a réalisé très peu de travail notarial », apprend-on dans la décision sur sanction du 28 juin 2023.

Au exemple: l’ex-notaire a, entre avril 2016 et avril 2017, obtenu de ses clientes des prêts personnels totalisant plus de 200 000$ qui n’ont pas été constatés par actes notariés.

Pas de preuve

Devant le Conseil de discipline, l’instruction a nécessité de nombreuses journées d’audition, un grand nombre de témoins ont été entendus et Geneviève Bilodeau a présenté une défense.

Mais devant le Tribunal, l’appelante n’a pas produit la preuve dont disposait le Conseil, relève le Tribunal des professions.

Le Tribunal peut donc difficilement corriger ce dont il ne peut prendre connaissance, observent les juges Nadon, Compagnone et Marchi.

Concernant la décision sur culpabilité, Geneviève Bilodeau a soulevé des arguments au sujet de l’admissibilité de la preuve par ouï-dire, de l’application du secret professionnel avocat-client et du défaut de respecter le droit à une défense pleine et entière.

« Partant du principe qu’il faut tenir les conclusions factuelles du Conseil pour avérées, le Tribunal conclut que la décision du Conseil permettant l’admissibilité d’une preuve à titre d’exception au ouï-dire se fonde correctement sur la norme juridique applicable », tranchent les trois juges.

De surcroît, soulignent-ils, il est impossible pour le Tribunal de juger si le droit à une défense pleine et entière a été enfreint.

À propos du secret professionnel et de la relation avocat-client, le Tribunal se demande là encore « comment il pourrait conclure à une quelconque erreur sans connaître la preuve présentée devant le Conseil pour en décider ».

Pas d’argument

Il en va de même pour la sanction. « Avec égards, le Tribunal ne peut deviner les arguments présentés. Les sanctions sont-elles manifestement non indiquées? Le Conseil commet-il des erreurs de principe? Impossible de le savoir puisque le mémoire de l’appelante ne contient aucun argument », soumet le Tribunal.

L’appelante n’a pas présenté non plus d’argument à l’audience, pas plus qu’elle n’a produit quelque transcription des auditions sur sanction.

« Enfin, on comprend que l’appelante a quitté l’audition sur sanction lors des représentations de l’intimé devant le Conseil », signale par ailleurs le Tribunal.

Trop cher!

L’examen de la décision sur sanction et les « nombreuses et très graves infractions » pour lesquelles l’appelante a été déclarée coupable mènent les trois juges à conclure à l’absence d’erreur révisable.

Le Tribunal se dit au passage conscient des questions de coûts associés à la production des transcriptions des dépositions et pièces pertinentes aux moyens d’appel.

« C’est d’ailleurs ce que l’appelante alléguait au Tribunal lors de l’audience comme motif sous-tendant sa non-production de la preuve administrée devant le Conseil », apprend-on à la toute fin de la décision du Tribunal.

Un exercice « futile »

Avant de rejeter les deux appels de l’ex-notaire et de condamner celle-ci aux déboursés, les juges Nadon, Compagnone et Marchi y vont de cette remontrance : « Se pourvoir en appel contre une décision sans produire la preuve pertinente est un exercice qui s’avère souvent futile, sans compter les coûts importants engendrés pour les parties et la monopolisation inutile des ressources judiciaires. »

Droit-inc n’a pas été en mesure de joindre l’appelante afin de recueillir ses commentaires.

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