Me Pierre Baribeau. Photo : Lavery.
Me Pierre Baribeau. Photo : Lavery.
L’ex-PDG de la Fabrique de la paroisse Notre Dame de Montréal Manon Blanchette a poursuivi son ancien employeur et un membre de son CA, l’associé de Lavery Me Pierre Baribeau, pour licenciement abusif.

Le juge de la Cour supérieure Bernard Synnott lui a donné raison le 5 juin dernier dans un jugement au vitriol pour le défendeur Baribeau, représenté par Me Doug Mitchell de IMK Avocats.

« D’une part, le Tribunal n’accorde pas de valeur probante au témoignage décousu de Baribeau, empreint de nombreuses contradictions ou d’affirmations qui défient le sens commun, peut-on lire dans le jugement. D’autre part, ses attitudes et comportements agressants, rétrogrades et humiliants sont blâmables et constituent du harcèlement ainsi que de l’abus d’autorité à l’égard de Blanchette. »

« Les mots employés étaient d’une violence surprenante », confie Me Baribeau à Droit-inc. L’avocat estime qu’il n’a pas réussi à se faire entendre du juge, qui l’a « arrêté de parler » lors de son témoignage. « Non, vraiment, c’était à sens unique. »

« Je pense que le juge avait déjà son opinion faite et ne m’a pas donné l'opportunité d’expliquer, soupire l’avocat. Alors je dois vivre avec le jugement. »

Lorsqu’on lui demande ce qu’il aurait dit au tribunal, Me Baribeau répond : « J’aurais dit que toutes mes interventions n’étaient aucunement à titre personnel, mais bien dans les meilleurs intérêts de la Fabrique. »

Renvoyée après cinq mois

Me Doug Mitchell. Photo : IMK Avocats.
Me Doug Mitchell. Photo : IMK Avocats.
Jusqu’alors directrice de l’exploitation du Musée de la Pointe-à-Callière, Mme Blanchette entre au service de la Fabrique de la paroisse Notre Dame de Montréal le 31 octobre 2016 à titre de PDG. Elle a précédemment été conservatrice en chef puis responsable des communications du Musée d’art contemporain de Montréal.

Lors de sa deuxième entrevue devant le CA de la Fabrique, elle affirme que Me Baribeau lui a posé la question suivante : « Votre mari va-t-il pouvoir vous aider dans votre travail? », ce qui l’aurait rendue « gênée et surprise ». Elle aurait répondu : « Non. Je n’ai pas besoin de lui pour exécuter mon travail, et d’ailleurs il vous connaît. »

Selon Me Baribeau, le témoignage est inexact. C’est au contraire Mme Blanchette qui aurait lancé en arrivant « Bonjour Me Baribeau, mon mari vous connaît bien. »

« Moi, je n’ai pas répondu, j’étais saisi », explique l’avocat à Droit-inc. À la fin de l’entrevue, il a effectivement fait une boutade en disant que son mari allait pouvoir l’aider.

« C’était une blague, en voulant dire “Dites-moi qui est votre mari, je n’ai aucune idée qui il est.” »

Bernard Synnott, juge de la Cour supérieure. Photo : Facebook.
Bernard Synnott, juge de la Cour supérieure. Photo : Facebook.
Mme Blanchette croit avoir un contrat de cinq ans jusqu’au moment où elle prendra sa retraite, mais elle découvre après sa démission du Musée qu’elle fera l’objet d’une probation de 12 mois. Son emploi ne durera finalement que cinq mois.

Durant ces quelques mois, elle s’est très bien entendue avec toute son équipe et a su asseoir son leadership de façon magistrale, selon le président du CA et curé Miguel Castellanos.

Avec Me Baribeau, c’est autre chose. Mme Blanchette a l’impression qu’il se prend pour son supérieur et qu’il lui parle et lui écrit de façon paternaliste.

« Se décrivant comme la courroie de transmission entre Blanchette et le CA (...) il ajoute de façon rétrograde qu’elle est sous surveillance par un groupe d’hommes ainsi que par le clergé », indique le juge dans sa décision de 69 pages.

Lors de son mandat, Mme Blanchette reprend le projet de l’ancien directeur général de la Fabrique : le spectacle Aura de Moment Factory dans la basilique Notre Dame. Les négociations avec le géant techno achoppent sur plusieurs sujets à cause de la « gestion déficiente » de l’ancien directeur général, décriée d’ailleurs par le CA.

Ex-conjointe de Pierre Péladeau, Mme Blanchette a fait appel à une commandite de Québecor pour le spectacle Aura, pour lequel Moment Factory demande plus de 4 millions $.

Le CA mettra finalement fin au lien d’emploi avec Mme Blanchette en lui reprochant entre autres de ne pas avoir respecté les règles de gouvernance, d’avoir signé un contrat avec Moment Factory sans l’accord du CA, et de s'être placée en conflit d’intérêts à cause de ses liens avec Québecor, où son fils travaille.

« Les blâmes fusent tous azimuts, devant un CA qui choisit de laisser aller », écrit le juge Synnott, qui a condamné la Fabrique à verser la somme de 133 975 $ à la plaignante avec intérêts, la somme de 20 000 $ à titre de dommages moraux, et celle de 5000 $ en remboursement d’une partie de ses honoraires extra-judiciaires.

Me Baribeau n’a par contre pas été condamné dans le présent dossier, « puisque les gestes posés l’ont tous été au nom de la Fabrique, qui l’a laissé faire », souligne le juge.

« Un citoyen abasourdi »

« C’est une bien triste expérience », témoigne Me Baribeau, qui donne « des milliers d’heures » bénévolement à la Fabrique depuis maintenant quatre ans.

« Je comprends les justiciables qui nous disent qu'ils ont l'impression que le juge avait déjà son idée faite. C’est exactement le sentiment que ça a donné. »

L’avocat de Me Baribeau, Me Mitchell, étudie présentement s’ils feront appel. « Lui aussi était abasourdi par le jugement, il n’y a pas seulement moi! »

En attendant, Me Baribeau se dit être « seulement un citoyen abasourdi par la charge du juge ».