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La pandémie a chamboulé le caractère solennel du monde judiciaire

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Radio -canada

2021-03-08 12:00:00

Le procès virtuel de l'auteur de l'attaque au camion-bélier a ouvert la porte à une nouvelle réalité pour les affaires judiciaires...

La juge Anne Molloy, de la Cour supérieure de l'Ontario. Photo : Radio-Canada
La juge Anne Molloy, de la Cour supérieure de l'Ontario. Photo : Radio-Canada
Des milliers de personnes de partout au pays ont regardé, en début de semaine, la juge Anne Molloy prononcer un verdict de culpabilité depuis le sous-sol de sa maison, avec en toile de fond une cheminée et des stores bien fermés.

Le jugement très attendu du procès pour meurtre d'Alek Minassian a donné un premier aperçu des impacts de la pandémie de COVID-19 sur le processus judiciaire pénal, donnant ainsi une vision différente de celle du décorum conventionnel.

Les nombreuses procédures du procès sur l'un des attentats les plus meurtriers de Toronto ont dû se dérouler en ligne, et le contexte de la pandémie a incité plusieurs acteurs du système judiciaire à travailler de la maison.

Après des mois d'audiences qui ont abouti au jugement de mercredi, le procès a mis en lumière les défis et les particularités de certaines procédures ; de la tenue vestimentaire à la décoration intérieure, en passant par la présence d'animaux domestiques.

Des guitares en arrière-plan

Par exemple, le personnel du tribunal ainsi que la juge Molloy ont signalé que leurs chats pourraient faire une apparition lors des audiences. L’un des témoins, un psychiatre légiste, a pour sa part témoigné depuis une pièce où plusieurs guitares étaient accrochées aux murs.

Pendant ce temps, les avocats ont porté des tenues de travail plutôt que la toge habituelle tout au long du procès, tout comme l'a fait la juge Molloy, bien qu'elle ait revêtu sa toge traditionnelle pour prononcer son jugement.

« Cela peut ne pas ressembler à une vraie salle d'audience. Cela peut parfois ne pas donner l’impression d’une vraie salle d'audience. Cela peut sembler plus décontracté, mais je peux vous assurer que les règles en matière de preuves (et) les règles de droit, elles, ne sont pas relâchées », a déclaré la juge le jour de l'ouverture du procès en novembre.

Nouvelles directives

Les tribunaux de l'Ontario ont donné des directives aux membres du système judiciaire lorsque la crise sanitaire a commencé l'année dernière, tout comme l’ont fait plusieurs organisations juridiques.

La Cour supérieure de justice de l'Ontario a, par exemple, suspendu l'obligation de porter une toge, mais a noté que les participants, y compris les juges, seraient « tenus de s'habiller en vêtements de travail appropriés ». Elle a également conseillé aux participants de trouver un espace convenable pour se connecter.

« Nous comprenons que vous n'avez peut-être pas un espace à part et un silence complet dans votre environnement actuel, qui peut être un espace de vie partagé, mais veuillez faire de votre mieux pour participer depuis un espace calme et en privé », a écrit la Cour.

Un groupe de travail s'est réuni au début de la pandémie afin de définir les meilleures pratiques pour les procédures à distance, et a notamment recommandé que les participants envisagent d'utiliser un « arrière-plan numérique artificiel décent » si nécessaire.

Kathryn Manning, une avocate en droit civil et co-présidente du groupe de travail sur les audiences virtuelles, a déclaré que le groupe a eu de nombreuses discussions sur la manière de maintenir un ton sérieux dans le cadre plus détendu de la maison.

« Voir des avocats et des juges chez eux habillés de façon moins formelle les humanise, tout comme le processus judiciaire. Évidemment, les personnes dans le système judiciaire sont des humains », fait-elle valoir.

« Mais d'un autre côté, il s’agit toujours d'une procédure judiciaire formelle et je pense qu’on doit respecter cet aspect et s’assurer de le reproduire autant que possible », souligne-t-elle.

Le groupe de travail s’affaire à la mise à jour de ses meilleures pratiques maintenant que la communauté judiciaire a acquis plus d'expérience pour les audiences à distance. Il y aura quelques ajustements liés à ce genre d’enjeux, selon Mme Manning.

Caractère moins « intimidant »

Trevor Farrow, professeur à la faculté de droit Osgoode Hall de l'université York, a déclaré que l'assouplissement des règles concernant la tenue et le lieu pour les audiences virtuelles a rendu le tribunal plus accessible d'une certaine manière, et pas seulement dû au fait qu'il est plus facile pour les gens d’y prendre part et d'observer.

« La pratique du port de la toge visait à mettre tout le monde sur un pied d'égalité et à inculquer un certain sens de la formalité, mais elle peut aussi parfois intimider et aliéner les gens », a-t-il dit.

Selon M. Farrow, les juges, qui font preuve d’une grande réserve dans le fonctionnement de leurs affaires judiciaires, ont également dû reconnaître les réalités de la vie courante, qu'il s'agisse de la présence de jeunes enfants ou de la sonnerie soudaine d'une porte.

« Certains juges continuent de dire qu'ils ne veulent pas entendre les chiens aboyer. D'autres disent : ''ne vous inquiétez pas, soyez à l’aise''. Et donc, les juges sont toujours maîtres de leur salle d'audience, et il y a un large éventail de pratiques au sein de la communauté Zoom », a-t-il indiqué.

Cependant, il concède que le fait de pouvoir voir dans la maison de quelqu'un alors que cette personne s'adresse au tribunal peut être distrayant et peut potentiellement réduire l'attention sur ce qui se dit.

« Je sais que beaucoup d'avocats et de juges utilisent de faux arrière-plans, ou des arrière-plans vierges… parce qu’idéalement la justice se préoccupe du fond d'une affaire et non de l’intérêt que peut susciter le choix de l'arrière-plan », a déclaré M. Farrow.

« Que ce soit sur le plan de l'accessibilité, du caractère sérieux de l’affaire, ou du point de vue de la persuasion, vous voulez que le juge vous écoute, et non pas qu'il pense à la guitare derrière votre tête. »

''D'après les informations de la Presse canadienne''
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