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Décès d’une juge qui a marqué les Droits de la personne

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Didier Bert

2021-10-01 14:00:00

Présidente du Tribunal des droits de la personne, cette juge avait ordonné la fin de la prière au conseil municipal de Saguenay...

La juge Michèle Pauzé s’est éteinte à l’âge de 72 ans. Source : Charles E.Rajotte
La juge Michèle Pauzé s’est éteinte à l’âge de 72 ans. Source : Charles E.Rajotte
La juge Michèle Pauzé s’est éteinte à l’âge de 72 ans. Elle a été la première juge à ordonner le retrait de symboles religieux d'un édifice public au nom de la neutralité de l'État.

Michèle Pauzé a débuté en pratique privée à Joliette, dont elle était originaire. Barreau 1974, l’avocate faisait partie du cabinet Asselin, Pauzé, Malo.

Me Michèle Pauzé a été nommée juge à la chambre civile de la Cour du Québec dans le district de Joliette en 1991, par le ministre de la Justice Gil Rémillard. Puis elle a exercé cette fonction dans le district de Montréal à partir de 1996.

En 1999, la juge Pauzé conclut qu’un entraîneur de hockey ne peut pas être tenu responsable de tous les problèmes qui peuvent survenir durant un match. «Tout comme une mère ne peut avoir des yeux tout le tour de la tête ni empêcher un enfant de se blesser à l'occasion, l'instructeur ou son assistant ne peuvent être partout à la fois », affirme-t-elle dans sa décision.

Des décisions marquantes

En 2003, la juge Michèle Pauzé est devenue membre du Tribunal des droits de la personne. Plusieurs de ses décisions ont alors fait les manchettes. En 2004, elle ordonne qu’un vendeur d’automobiles usagées verse 1 000$ à un client gay que le vendeur avait appelé « fifi ».

Un an plus tard, elle ordonnait à Loto-Québec de divulguer ses informations sur les suicides et les tentatives de suicide survenus dans ses trois casinos, inversant une décision de la Commission d’accès à l’information.

En 2006, la magistrate conclut qu’un propriétaire contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne en refusant de louer un appartement à la mère d’un garçon âgé de 11 ans qui « fait trop de bruit ». Selon la décision de la juge Pauzé, le locateur a porté atteinte aux droits de la plaignante de conclure un acte juridique, et n’a pas respecté le droit de la candidate locataire d'être « traitée avec dignité et en toute égalité sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur son état civil ou l'âge de son enfant ».

En 2009, elle ordonne l’enlèvement du crucifix placé derrière elle dans une salle d’audience de la Cour supérieure au Palais de justice de Chicoutimi. Elle satisfaisait ainsi une demande du Mouvement laïque québécois. Jusque là, le ministère de la Justice convenait de laisser les crucifix en place quand ils étaient installés dans des palais de justice existants.

L’affaire de la prière de Saguenay

En 2010, le ministre de la Justice nomme Michèle Pauzé comme présidente du Tribunal des droits de la personne. Elle succède à la juge Michèle Rivet qui occupait cette fonction depuis la création du tribunal en 1990.

En 2011, la juge Michèle Pauzé conclut que la Ville de Saguenay a porté atteinte au droit à la liberté de conscience et de religion du plaignant, Alain Simoneau, en récitant une prière avant les séances du conseil municipal, et en exposant une statue du Sacré-Coeur et un crucifix dans des salles municipales. Le maire Jean Tremblay et la Ville de Saguenay étaient condamnés solidairement à verser 30 000$ à M.Simoneau. Le tribunal interdisait la récitation de la prière et ordonnait d’enlever les deux symboles religieux.

C’était la première fois qu'un tribunal québécois ordonnait le retrait de symboles religieux d'un bâtiment public au nom de la neutralité de l’État. « Le tribunal considère que l'utilisation du pouvoir public dans le but d'afficher, voire de véhiculer une foi particulière, a pour effet d'imposer des valeurs, des croyances et des pratiques religieuses à des personnes qui ne les partagent pas. Ce faisant, la Ville et le maire favorisent une religion au détriment d'une autre alors que, en vertu de son devoir de neutralité, l'État doit s'abstenir d'intervenir de manière à exercer une préférence », écrivait la juge dans sa décision.

À la suite de ce jugement, des débats avaient traversé la classe politique pour déterminer si il fallait ou non retirer le crucifix placé dans le Salon bleu du Parlement, derrière le trône du président de l’Assemblée nationale. Finalement, c’est en 2019 que le crucifix a été retiré, à la suite d’une motion du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, adoptée à l’unanimité.

Entre-temps, l’affaire du crucifix était allé jusque devant la Cour suprême… qui avait confirmé la décision de la juge Michèle Pauzé, au grand dam du maire Jean Tremblay. C’était en 2015, alors que la magistrate avait pris sa retraite un an auparavant.

Sur la page de condoléances, la juge administrative Sophie Marchildon rend hommage à la défunte: « Michèle a marqué ma vie comme mentor, juge et amie. J'éprouve une grande tristesse d'apprendre son départ si soudain. Michèle a laissé sa marque dans ce monde avec son grand coeur et sa grande compétence en tant que juge. Je lui disais souvent qu'elle incarnait les droits de la personne qu'elle a fait avancer au Québec et au Canada. Elle restera gravée pour toujours dans mon coeur. »

Michèle Pauzé laisse dans le deuil son époux Édouard Dubé, son fils Guillaume Pauzé-Morel, son petit-fils, sa belle-fille Marjolaine Dubé et ses enfants.



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