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Diffamation : Radio-Canada condamnée en Cour d’appel

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Radio -canada

2021-10-22 12:00:00

La Cour d’appel condamne la société de diffusion à verser 60 000 $ dans une poursuite en diffamation. Que s’est-il passé?

Lee Lalli avait intenté une poursuite en diffamation contre Radio-Canada. Source : Radio-Canada
Lee Lalli avait intenté une poursuite en diffamation contre Radio-Canada. Source : Radio-Canada
Radio-Canada devra verser 60 000 $ en dommages à Lee Lalli, qui a eu gain de cause en appel dans le cadre d'une poursuite en diffamation intentée à la suite de la diffusion d’un reportage d’Alain Gravel.

Me Magali Fournier de Fournier Avocat représente Mme Lalli dans cette affaire.

Me Véronique Belley de CBC/Radio-Canada et Me Barry Landy de Spiegel Sohmer représentent la société de diffusion.

Le juge Jocelyn Rancourt, de la Cour d'appel du Québec, s’est rangé aux arguments de M. Lalli, qui estime que le reportage Terrain miné par la mafia, diffusé le 7 mars 2013 à l’émission Enquête et sur d’autres plateformes de Radio-Canada le lie faussement à la mafia, contient des inexactitudes et contrevient aux normes journalistiques.

Originaire de l’Italie, Lee Lalli, qui se dit atteint dans son honneur et sa réputation, réclamait 200 000 $ en dommages compensatoires et 100 000 $ en dommages punitifs.

Intentée en octobre 2013, la poursuite en diffamation du demandeur avait d’abord été rejetée par le juge Lukasz Granosik de la Cour supérieure du Québec, le 10 septembre 2018. Le juge Rancourt a toutefois infirmé cette décision.

« Je suis d’avis que le juge s’est mépris en faisant abstraction des principes applicables en matière de diffamation lorsque l’auteur des propos litigieux est un journaliste », écrit-il dans son jugement, rendu jeudi.

Au sujet du reportage d’Alain Gravel, le juge Rancourt note que « la faute la plus importante » commise par le journaliste et la Société Radio-Canada « réside dans l’image déformée de la réalité issue de l’impression générale se dégageant du reportage de l’émission Enquête et de ses présentations sur les autres plateformes de diffusion ».

La direction de l’Information de Radio-Canada « va analyser la décision du tribunal avec ses avocats et n’émet pas de commentaires pour le moment », a-t-elle déclaré jeudi soir.

Le reportage au cœur du litige

Dans le reportage, le journaliste s’intéresse à un terrain appartenant à la Fondation Villa Notre-Dame-de-Grâce qui avait été acquis par M. Lalli en 2003. L’achat de ce terrain s’est conclu par la signature de deux actes de vente : un premier, pour la plus vaste partie du terrain, s’élevait à 1 800 000 $; le second, qui concerne une parcelle qui longe le chemin de la Côte-Saint-Luc, était de 50 000 $.

La partie du terrain visée par le premier acte de vente a ensuite été revendue 2 millions de dollars à l'Église des mormons, en vertu d'une entente conclue entre cette dernière et M. Lalli.

Approché par la suite par des membres de la mafia italienne – nommément Vito Rizzuto et Tony Magi – qui auraient souhaité s’associer à M. Lalli pour faire construire une pharmacie de la bannière Pharmaprix sur la portion de terrain qu'il détenait toujours, M. Lalli a dit avoir refusé leur proposition.

Le terrain sera finalement vendu pour 1 500 000 $ en février 2006 au développeur immobilier Michel Servant – qui avait pour projet d'y construire une résidence pour personnes âgées –, avant que celui-ci ne le cède à une société pour la somme de 4 550 000 $, en novembre 2007.

« Impression trompeuse »

Le juge Rancourt est d’avis que le reportage présente une image fautive de l’affaire, puisque le journaliste Alain Gravel donnait l'impression que le terrain sur Côte-Saint-Luc acheté par M. Lalli représentait « une vente pure et simple au montant de 50 000 $ ». Il n'évoquait pas le fait que l’offre d’achat à la Fondation pour les deux terrains totalisait 1 850 000 $.

Lors de la diffusion du reportage, M. Lalli a été dépeint comme « une personne ayant des liens avec la mafia et des entrées à la Ville (de Montréal), une position qui lui aurait supposément permis de faire un immense profit à la suite de la vente d’un terrain acheté pour 50 000 $ et revendu 4 500 000 $ », observe le juge Rancourt.

Le reportage, ajoute-t-il, « sous-entend clairement » que M. Lalli aurait réalisé des bénéfices lors de la vente du terrain en 2007, alors qu’il n’en était plus le propriétaire depuis 2006.

Le juge Rancourt, qui concède qu’Alain Gravel mentionne la vente de 2006, soulève que le nom de M. Servant n’est « jamais prononcé »; l’accent est mis uniquement sur M. Lalli.

Le jugement met aussi en lumière le manque de précisions dans le reportage quant aux changements de zonage et aux demandes de modification qui ont eu lieu au sujet de ce terrain. Selon le juge Rancourt, M. Gravel présente en outre l'une des demandes de modification de zonage faite par M. Lalli en donnant « l'impression trompeuse d'une opération frauduleuse ».

Le journaliste a aussi « extrapolé » l'implication que la mafia aurait eue dans l'achat du terrain sur Côte-Saint-Luc, note le juge. Le reportage de M. Gravel, ajoute-t-il, donne la « nette impression » que M. Lalli est membre de la mafia, et « non pas seulement qu'il a des "liens" avec des personnes issues de cette organisation criminelle ».

Dans un autre reportage publié par la suite, le 12 mars 2003, Alain Gravel « insinue clairement » que M. Lalli aurait falsifié une signature se trouvant sur la procuration de la Fondation Villa Notre-Dame-de-Grâce, dont avait besoin M. Lalli pour faire une demande de modification de zonage à la Ville de Montréal.

Le journaliste « reconnaît ne posséder aucune information qui puisse incriminer Lalli à cet égard », écrit le juge Rancourt.

En conclusion, le juge condamne le versement de 60 000 $ à Lee Lalli avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis la date d'assignation, auxquels s'ajoutent les frais de justice encourus en Cour d'appel et en Cour supérieure.
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