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Canoë condamné à verser 107 000$ à une avocate!

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Marie-eve Fournier

2010-08-02 08:30:00

Le portail Canoë, propriété de Quebecor, a été condamné à verser 107 000$ à l’avocate Susan Corriveau pour avoir publié des propos diffamatoires d’internautes sur le blogue de Richard Martineau.

Et aussi pour avoir étiré et compliqué intentionnellement les procédures judiciaires en refusant d’admettre sa faute.

L’histoire remonte au printemps 2007, quand Richard Martineau lance sur son blogue Franc-parler une discussion portant le titre L’affaire Corriveau. Il demande notamment aux internautes de s’exprimer sur les valeurs et les façons de travailler des avocats après que le juge Jean-François Dionne eut sévèrement critiqué le travail de Me Corriveau dans une cause d’agression sexuelle.

Les commentaires désobligeants fusent. Me Corriveau (photo) en apprend l’existence au début de l’automne suivant. Elle met alors en demeure Canoë de retirer les propos, qu’elle juge diffamatoires et irrespectueux. Selon les règlements publiés sur le blogue, ces types de commentaires sont interdits, rappelle-t-elle au média. Certains échanges avaient été retirés quelques jours auparavant. Les autres le furent rapidement.

Canoë a mis un an à avouer sa faute

L’avocate de 57 ans allègue qu’elle a été profondément atteinte dans sa dignité, son honneur et sa réputation. «Elle dit avoir vu s’écrouler, du jour au lendemain, ce qu’elle a mis des années à bâtir, soit sa réputation et son intégrité professionnelle», peut-on lire dans un jugement de l’honorable Danielle Blondin daté du 30 juillet et dont Rue Frontenac a obtenu copie.

Elle réclame donc 150 000$ de dommages-intérêts compensatoires, ainsi que 50 000$ en dommages-intérêts punitifs, puisque Canoë connaissait les conséquences de ses actes s’il contrevenait à ses propres règles.

En outre, Me Corriveau demande 7000$ pour payer une partie de sa défense, qui fut plus longue et compliquée que nécessaire puisque le portail de Quebecor a attendu un an avant d’admettre son erreur et a multiplié les démarches pour «la décourager à poursuivre le débat judiciaire et l’épuiser financièrement». La juge lui donnera raison sur ce point.

"Me Suzanne Gagné, l'avocate de la plaignante"
«Une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la défenderesse Canoë (…), serait plutôt venue à la conclusion de l’inexistence d’un fondement pour cette défense relativement à la faute.»

C’est en effet un an après la réception de la mise en demeure – et cinq jours avant le début du procès – que le portail de Quebecor a admis «avoir commis une faute». Auparavant, Canoë arguait qu’il ne pouvait être tenu responsable des commentaires faits par des tiers, en l'occurrence les lecteurs du blogue de Richard Martineau.

Canoë a notamment avoué ne pas avoir respecté son propre règlement qui lui imposait de ne pas publier les commentaires faisant l’objet du litige. La faute étant admise, la juge devait donc se prononcer exclusivement sur le montant du dommage à verser à la demanderesse.

Blogue très peu consulté

Devant la juge, Canoë a indiqué que les montants réclamés étaient «exagérés» «étant donné que le blogue a été consulté par un très petit nombre de personnes».

Le jugement révèle qu’un des commentaires n’a été lu que 293 fois. Le plus lu l’a été 2057 fois. Mais la juge estime qu’il ne faut jamais sous-estimer la puissance du bouche-à-oreille. Et elle souligne que les propos injurieux sont demeurés en ligne pendant six mois et que pendant tout ce temps, «aucun modérateur n’a fait les vérifications nécessaires pour s’assurer de la conformité des messages publiés».

«La négligence grossière de Canoë de vérifier et de supprimer de son site les messages à teneur diffamatoire, malgré qu’il soit extrêmement probable que de tels commentaires allaient être exprimés, témoigne de son insouciance sur les effets de tels propos diffamatoires sur la réputation de la demanderesse et constitue une atteinte illicite et intentionnelle à la dignité, l’honneur et la réputation de celle-ci au sens de l’article 29 de la Charte québécoise», écrit la juge Blondin.

Elle rappelle aussi l’importance de la réputation et de l’intégrité pour un avocat, en citant l’arrêt Hill, et explique qu’étant donné l’important achalandage sur Canoë (7,8 millions de visiteurs par mois), il «faut intervenir afin d’éviter d’autres situations semblables à l’avenir».

C’est pourquoi elle accorde à l’avocate lésée 50 000 $ en dommages-intérêts compensatoires, 50 000$ en dommages-intérêts punitifs et 7000$ pour les frais et honoraires extrajudiciaires, le tout avec intérêts.

• Pour lire les conclusions de l’enquête du Conseil de la magistrature concernant la plainte de Susan Corriveau contre le juge Jean-François Dionne.

Susan Corriveau était représentée par Me Suzanne Gagné, du cabinet Létourneau Gagné.

Canoë était parailleur représenté par Me Bernard Pageau.

Note: cet article a été publié sur RueFrontenac.com. Il est reproduit ici avec l'autorisation de la journaliste.
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7 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Très belle victoire!
    Félicitations.

  2. Me
    Me
    Je déteste cette expression "dommages punitifs". Les légistes qui ont rédigé 1621 et 49(2) sont des imbéciles qui ne savaient pas de quoi ils parlaient. L'expression correcte est "dommages exemplaires". Points bonus pour mes confrères et pour les juges qui l'utilisent.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 13 ans
      Re : Me
      Consultez vos associés avant d'accorder des points bonis

      > Je déteste cette expression "dommages punitifs". Les légistes qui ont rédigé 1621 et 49(2) sont des imbéciles qui ne savaient pas de quoi ils parlaient. L'expression correcte est "dommages exemplaires". Points bonus pour mes confrères et pour les juges qui l'utilisent.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Quelle arrogance
    >>> Points bonus pour mes confrères et pour les juges qui l'utilisent.

    Tes confrères et les juges vont t'être éternellement reconnaissants, Me, d'être les récipiendaires de tant de générosité de ta part en leur accordant ainsi des points bonus. Ils vont enfin pouvoir dormir tranquille. Merci au nom de toute la profession.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Anonyme
    > Je déteste cette expression "dommages punitifs". Les légistes qui ont rédigé 1621 et 49(2) sont des imbéciles qui ne savaient pas de quoi ils parlaient. L'expression correcte est "dommages exemplaires". Points bonus pour mes confrères et pour les juges qui l'utilisent.

    Jean-Louis Baudouin est d'accord avec toi.
    Patrice Deslauriers aussi.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Anonyme
    > Consultez vos associés avant d'accorder des points bonis

    ca sen vient un peu fatiguant ça.
    manque d'imagination?

  6. Me Suzanne Gagné
    Me Suzanne Gagné
    il y a 11 ans
    Commission Charbonneau
    Je veux féliciter Me Suzanne Gagné pour le bon travail qu'elle exécute à la Commission Charbonneau. Je m'excuse, quand la juge Charbonneau dit à Me Gagné qu'elle manque de justice vis-à-vis d' elle, elle s'en rend compte elle même puisqu'elle lui pose la question elle-méme. Félicitation pour votre professionnalisme !

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