Carrière et Formation

Climat : cet avocat veut forcer le Barreau à agir

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Gabriel Poirier

2022-07-18 14:15:00

Les avocats québécois pourront-ils se mobiliser face aux dangers posés par la crise climatique?

Me Bruno Caron. Source: Site web de Miller Thomson
Me Bruno Caron. Source: Site web de Miller Thomson
Le matin, Me Bruno Caron roule à vélo. Il le fait pour garder la forme, mais surtout pour protéger la planète – y compris lorsqu’il se rend au 1000, De La Gauchetière, où il travaille.

La suite n’est donc guère surprenante : l’associé de Miller Thomson a déposé une résolution de dernière minute à l'Assemblée générale du Barreau, tenue le 17 juin dernier.

L’objectif ? Conscientiser ses confrères à l’urgence climatique. Premier juriste à faire adopter un tel texte au Canada, Me Caron demande maintenant au Barreau d’être à l'avant-garde du changement.

La résolution exhorte ainsi le Barreau à adopter des initiatives pour inciter ses membres à jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques, et prendre les moyens à leur portée pour limiter l’impact de leur pratique sur le climat.

Une angoisse très personnelle et… toute paternelle motive Bruno Caron, qui s’inquiète du « danger existentiel » que représente la crise climatique pour l’avenir de ses deux filles.

« Mon aînée entre à l’université en septembre et ma cadette au CÉGEP ; elles ont pour ainsi dire l’avenir devant (elles). Comment pourront-elles vivre leur futur dans ce contexte ? », questionnait-il lors du dépôt de sa résolution.

Aussitôt dit, aussitôt fait

À peine présentée, à peine adoptée : la résolution a obtenu la majorité des voix dès qu’elle fut inscrite à l’ordre du jour par plus des deux tiers des membres présents.

Le Barreau indique ainsi que l’Assemblée générale a accueilli la résolution de Me Bruno Caron, laquelle « fera l’objet d’une discussion et d’une réflexion lors d’une réunion du Conseil d’administration qui se tiendra à la fin du mois d’août », alors que se déroulera l’identification des priorités stratégiques pour 2022-2023.

Ce qui n’empêche pas Bruno Caron de rester (un peu) sur sa faim. Pas pour l’accueil favorable réservé à son initiative, mais bien pour le mutisme de son propre ordre professionnel.

« Honnêtement, je pensais obtenir un son de cloche du Barreau. Je vais leur laisser le temps de digérer la résolution, mais j’ai bien l’intention de faire un suivi pour qu’elle ne reste pas lettre morte. »

Car sa résolution n’est pas un vœu pieux. Me Caron, admis au Barreau en 1995, croit que les avocats ont leur rôle à jouer pour contrer ou réduire ce que nous avons longtemps appelé par euphémisme les « changements climatiques ».

Responsabilité fiduciaire

Il donne en exemple sa propre expérience, lui qui siège dans ses temps libres sur un panel d'experts du ''Canadian Climate Law Initiative''. Il tente notamment de sensibiliser conseils d'administration et comités de caisse de retraite aux risques et opportunités de l’urgence climatique.

« Je leur parle des enjeux liés aux changements climatiques et de l'exercice de leur obligation fiduciaire en tant qu’administrateurs d’une caisse de retraite. Ne pas tenir compte du risque climatique, un risque systémique qui aura des répercussions financières, pourrait les amener à violer leur obligation fiduciaire. »

Bruno Caron croit ainsi que la communauté juridique peut accélérer la « transition énergétique… pour peu qu'elle s'arme de patience et qu'elle entreprenne un travail de pédagogie et de conscientisation. Elle est après tout bien placée pour sensibiliser sa clientèle de décideurs et de gens d’affaires à l’« adoption de lois, de règlements et de stratégies » pour aider le Québec à devenir un « leader » environnemental.

« Je réalise bien que ce n’est qu’un petit pas, mais il faut bien commencer quelque part. »

Entre Cour suprême et Autochtones

Sa résolution, Bruno Caron l’a écrite pour ses filles. Il s’est inspiré d’elles, mais aussi d’un jugement de la Cour suprême du Canada qui reconnaît l’existence des changements climatiques et de la « menace » existentielle qu’ils représentent pour l’Arctique canadien, les régions côtières et les territoires autochtones.

Il espère que l’ordre professionnel incitera ses membres à :
  • plaider en faveur de ceux qui subissent le plus les effets négatifs des changements climatiques, en particulier les peuples autochtones ;

  • s’adapter et à atténuer les effets du changement climatique ;

  • soutenir les efforts basés sur des objectifs scientifiques pour réduire le réchauffement climatique ;

  • soutenir les efforts pour élaborer des lois et des politiques visant à atténuer les effets des changements climatiques, conformément aux engagements pris en vertu des traités internationaux et du droit national.


Mais la première étape, rappelle-t-il, demeure la création d’un « comité consultatif » pour étudier le rôle des avocats dans le conseil aux clients et la lutte contre les changements climatiques.

L’idée ici est d’élaborer d’autres lignes directrices pour les avocats, de créer des programmes éducatifs pour les juristes et de définir la notion de « justice climatique ».

La surveillance doit toutefois aller dans les deux sens, prévient-il. Me Caron, qui est « surpris » que de telles initiatives n’aient pas vu le jour plus tôt, aimerait que le Barreau fournisse à ses membres un rapport sur ses impacts climatiques, ainsi qu’un plan pour les réduire autant que possible.
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2 commentaires

  1. YB
    Mauvaise idée
    Je crois que Miller Thomson aurait intérêt à mettre cet associé au pas ; politics is bad for business.

  2. carlo
    carlo
    il y a un an
    écolo
    Ouin vous avezdonc raison, attendons qu'on doive se procurer de la lotion solaire efficace sur le soleil pour agir!

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