Une jeune génération d’avocats hypothéquée ?
Camille Dufétel
2023-03-21 15:00:00

Pour elle, le niveau d’anxiété créé par « les mois intensifs » au sein de l’École du Barreau ne peut plus se définir comme « un passage obligé », surtout en 2023 où les enjeux de santé mentale sont particulièrement abordés dans la société.
Dans une publication sur LinkedIn, postée à la mi-mars, l’étudiante se demande, en clair, si nous ne sommes pas en train d’hypothéquer la jeune génération d’avocats. « Quels sont les moyens concrets que met en place l’École du Barreau ? », questionne-t-elle.
Si elle sait qu’entre autres, un numéro de téléphone est mis à disposition des étudiants et stagiaires vivant des périodes mettant en péril leur équilibre psychologique, pour elle, cela n’est pas suffisant.
« Les solutions doivent être des moyens qui supportent les étudiants à l’intérieur de leur formation et qui les suivent jusqu’à leur assermentation », croit-elle.
Elle propose qu’un programme obligatoire de tutorat entre les jeunes avocats assermentés depuis peu et les étudiants en voie d’assermentation soit mis en place.
« Période horrible »
D’après l’étudiante, qui s’est confiée à Droit-Inc, certains étudiants qui entrent dans la formation à l’École du Barreau développent en effet dès les premiers mois de leur cursus des symptômes de détresse psychologique.
C’est en tout cas ce qu’elle constate chez ses pairs. « Les étudiants sont fatigués, stressés, irritables... Pour ma part, je vais aux cours obligatoires et je sens que l’atmosphère est tendue. Ce n’est pas un cursus où tu t'enthousiasmes de rentrer dans la profession d’avocat ».
De nombreuses personnes ayant passé leur Barreau dans les dernières années lui ont par ailleurs décrit « une période horrible », assure-t-elle.
Elle estime qu’au baccalauréat, « on apprend déjà à vivre un certain stress par rapport à la performance », mais que quand on entre au Barreau, un nouveau stress s’ajoute, s’attachant à la réussite si on veut accéder à la profession d’avocat.
« D’un côté, je vois mes collègues au Barreau entrer dans une phase d’anxiété extrêmement élevée, et de l’autre, certains de mes amis assermentés me disent qu’ils ne sont pas heureux dans la profession après un an de pratique, qu’ils sont débordés, stressés, et n’arrivent à voir où ils s’amusent ».
Une réalité qui la rend « extrêmement inquiète ». Elle ajoute que ce constat s’inscrit dans un contexte où de nombreux avocats déjà installés dans la profession seraient pour leur part épuisés.
« On est censé protéger un certain bien commun de la société, mais on n’arrive pas à dénoncer le fait qu’on est nous-mêmes dans une situation très difficile. Le bien-être qu’on recherche pour les autres, on n’est pas capable de l’avoir pour nous-mêmes ».
Programme de tutorat
L’étudiante, qui avait déjà fait l’École du Barreau en 2022 et avait essuyé un échec, se sentait alors perdue. « On n’a pas l’impression d’être accompagné, il n’y a pas d’assistance ».
Cette année, elle a décidé que les choses se passeraient différemment. Elle a pris contact avec une personne qui a effectué son Barreau l’an dernier, qu’elle a rencontrée plusieurs fois pour des conseils. Mais il s’agit d’une démarche purement personnelle.
Pour elle, cela diminue le stress. « Quelque chose d’inconnu ou de déjà vécu négativement est vu un peu plus positivement, avec des outils ».
Aussi, le programme de tutorat obligatoire qu’elle suggère permettrait à l’étudiant d’échanger avec une personne qui vient de vivre sa formation et qui peut l’aider concrètement.
Cela aurait pour effet d’anticiper, avec les bons outils, les évaluations spécifiques au Barreau.
Elle estime aussi que cela contribuerait à diminuer certains préjugés comme « la nécessité de réussir du premier coup ou la fausse croyance selon laquelle ceux qui présentent des enjeux de santé mentale ne sont pas faits pour la profession d’avocat ».
Si Jacinthe Maurice remarque que les étudiants s’entraident entre eux pour faire face au stress, elle croit aussi que parfois, le cercle peut être vicieux. Le fait d’échanger sur tel ou tel examen imminent peut les rendre encore plus anxieux.
Difficile de critiquer
L’étudiante au Barreau dit envisager la profession d’avocat comme étant réellement difficile, avec une forte teneur en anxiété. Mais étant complètement passionnée par ce domaine, elle ne compte pas pour autant changer de voie.
Elle voudrait surtout faire bouger les lignes. Elle l’exprime en remarquant qu’autour d’elle, certaines personnes se cachent.
Il ne faut pas oublier que l’École du Barreau, qui proposera un nouveau programme dès l’automne 2023, est l’institution permettant de devenir avocat... Aussi, selon Jacinthe Maurice, « les gens ont peur de critiquer, ils ne veulent pas être étiquetés ».
L’enjeu est pourtant important, d’après l’étudiante, qui croit que préserver la santé mentale des avocats et des futurs avocats, c’est s’assurer qu’ils pourront faire leur travail le mieux possible.
Elle précise quand même que l’Association des Jeunes Juristes de Québec, par exemple, a récemment organisé une rencontre en proposant aux étudiants du Barreau de venir parler de leurs difficultés.
Des jeunes plus touchés ?
Pour étayer ses propos, Jacinthe Maurice dit avoir été interpellée par un balado de l’Association du Barreau Canadien, Juriste branché, animé par Me Julia Tétrault-Provencher.
Dans son épisode de décembre 2022, celui-ci aborde la santé psychologique des professionnels du droit en se basant sur un Rapport de recherche conjoint réalisé en partenariat avec l’Université de Sherbrooke, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, et l’Association du Barreau Canadien.
Dans cet épisode, Fabien Fourmanoit, de l’Association du Barreau Canadien, remarque que le pourcentage de personnes qui sont dans la profession d’avocat depuis peu de temps et qui déclarent avoir des problèmes sérieux voire sévères sur le plan psychologique est plus important que chez les avocats plus âgés.
« Est-ce que c’est parce que les jeunes qui ont grandi dans les années 1990/début des années 2000, sont habitués à réclamer des choses et à ne pas tolérer certaines situations ? Ou parce que les vétérans de la profession ont été exposés à cela toute leur vie et se disent qu’ils n’ont pas besoin d’aide ? Sont-ils habitués à un certain niveau de mal-être ? », dit-il.
Quoi qu’il en soit, il ne fait nul doute pour lui, à la lecture du rapport, « qu’on est à un point où ne rien faire n’est pas une option ».
Anonyme
il y a 2 ansC'est une profession stressante en soi. Si ça leur prend de l'aide comme ça à ce stade, ces étudiants devraient songer à faire autre chose, ceci dit sans méchanceté.
Charles Dupuis ll.l.
il y a 2 ansEnfin un article qui est d'intérêt général.
Avec respect, il est temps que vous arrêtiez de tenter de copier le "Monde juridique" et ses publireportage flagorneur à la gloire des autoproclamées "grandes études".
Continuez le bon travail!
Anonyme
il y a 2 ansMalheureusement je suis d'accord avec vous et j'en suis un qui a reçu un diagnostic d'anxiété généralisé durant mon stage.
Il faut se retrousser les manches et se battre.
Quelques années plus tard, j'ai une belle pratique variée en litige et des aléas qui m'auraient mis autrefois en boule ne m'affectent plus.
Très difficile, mais mon dieu qu'on en sort plus fort.
Anonyme
il y a 2 ansFélicitations d'avoir réussi à vous en sortir et à améliorer votre sort, ça donne de l'espoir probablement à plein de gens! Comment avez-vous fait?
Anonyme
il y a 2 ansIl y a une différence entre un milieu "stressant" et un milieu "malsain".
Ce qui est dénoncé c'est le côté malsain de la profession (ou de l'école du barreau).
Anonyme
il y a 2 ansLa profession est malsaine pour ses pratiquants. Autrement dit, après l'école du barreau, vous serez tout autant stressés.
Anonyme
il y a 2 ansLe Monde Juridique a-t-il encore sorti un autre article au sujet de Pierre Bienvenu ou de l'ex-juge Rolland?
Anonyme
il y a 2 ansVous avez raison. Je pense que la vaste majorité de nos collègues pensent comme vous. C'est fatiguant et insipide de voir ces articles pour les avocats qui travaillent 60 heures par semaine pour leurs clients et non pas pour leur image.
Anonyme
il y a 2 ansJ'encourage cette jeune juriste à tenir bon. C'est sût que la vie d'avocat-fonctionnaire doit être ben ben ben stressante, mais de nouveaux postes devront être créés afin de flatter dans le sens du poil les petits lapins visés par la justice pénale:
"50 « mégenrages »
Pendant cette période, la sergente-détective Viau, responsable de l’enquête, l’a désigné à 50 reprises avec des pronoms ou des mots féminins, alors que M. Lévesque s’identifie comme un homme.
Mais il y a plus : la policière s’est montrée trop curieuse, a tranché le juge. (...) La sergente-détective Viau a multiplié les questions indiscrètes à M. Lévesque.
« La conduite policière – le mégenrage et les questions déplacées – a eu comme conséquence de miner la capacité de l’accusé d’affirmer son droit au silence », a écrit le magistrat.
"
https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2023-03-21/mauvais-pronom/accusations-abandonnees-contre-un-homme-trans-megenre-par-la-police.php
pigeon dissident
il y a 2 ansLes petits lapins ne sont pas fait fort , que va-t-il se passer quand un juge va les ramasser parce qu'il considère qu'ils n'ont pas préparé leur dossier ou qu'ils ne savent pas interroger un témoin.
Ils ne sont pas sorti du bois.
Anonyme
il y a 2 ansUn juge qui ramasse autrui parce qu'il constate un niveau de préparation qui laisse à désirer n'a rien à voir avec une cadence militaire inutile pendant la formation professionnelle. Qu'on laisse les gens s'organiser à leur rythme et étudier dans leur coin pour préparer les examens plutôt que d'imposer ce cursus ridicule d'élèves du primaire! Jusqu'à preuve du contraire, quand je me présente devant le juge, est-ce que ça suppose qu'il faille avant que j'aille assister à des "cours" inutiles mais obligatoires, que j'aie mon emploi du temps qui me soit imposé par des dinosaures qui semblent être contre l'évolution des méthodes pédagogiques?
Justement la vie en soi-même est déjà stressante et âpre donc nul besoin que des tiers t'inventent des situations inutiles de stress, sous prétexte de te préparer au métier d'avocat! Comme si obliger les gens à assister à des cours et à faire des devoirs comme au primaire, réflétait le métier d'avocat!
Anonyme 2
il y a 2 ansPasser par l'École du Barreau et réussir ses examens est un vrai parcours de combattant ! Chaque étudiant mérite d'être accompagné pour une bonne santé mentale.
Je connais une avocate, mère de 6 enfants qui y est parvenue, Me Leslie MOSWA. Je n'ose même pas imaginer le degré de stress qu'elle a dû subir.
Elle fait énormément de tutorat et accompagne plusieurs étudiants tant au niveau de l'Université de Montréal qu'au niveau de l'École du Barreau.
Si elle y est arrivée, c'est que vous y arriverez.
Anonyme
il y a 2 ansLes étudiants en droit, ces personnages qui veulent obtenir un permis d’exercer la profession d’avocat sans aucun examen, aucun stress et aucun inconfort pour y arriver….
Anonyme
il y a 2 ansL'anxiété fait partie de la pratique.
C'est pire au départ, mais ça nous suit le reste de la pratique.
Il faut se battre continuellement contre cette anxiété ou quitter. Le choix est difficile.