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La bagarre des de Grandpré fait un vainqueur

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Alain Bisson

2011-06-07 14:15:00

La bataille juridique que se livre les cabinets de Grandpré Chait et de Grandpré Joli-Cœur pour l’utilisation du nom de Grandpré vient de connaître un premier dénouement en Cour supérieure. Qui a gagné?

De Grandpré Chait devra revenir à sa dénomination originale et réintégrer à sa marque de commerce le nom Chait abandonné en 2008 pour cause de risque de confusion et de concurrence déloyale avec de Grandpré Joli-Cœur, tranche la Cour supérieure.

Dans une décision qui n'offre aucun prix de consolation à de Grandpré Chait, le juge Jean-Pierre Senécal donne quatre mois au cabinet pour refaire les entêtes de son papier à lettre, ses enveloppes, ses cartes d'affaires, ses brochures corporatives; pour revoir son site Internet afin qu'il n'y subsiste aucun nom commercial ne comprenant que de Grandpré; pour refaire ses adresses de courriel; pour rebaptiser son nom de domaine degrandpre.com; pour retirer de ses bureaux toutes les plaques qui n'identifient le cabinet que par de Grandpré seulement.

Et son jugement est exécutoire nonobstant appel.

Greg Moore, l'avocat de de Grandpré Joli-Coeur
Greg Moore, l'avocat de de Grandpré Joli-Coeur
« Le juge Senécal reprend toutes nos conclusions, nous sommes évidemment heureux de sa décision », a commenté Me Gregory James Moore, au cours d'un entretien avec Droit-Inc. L'avocat de Goudreau Gage Dubuc représente de Grandpré Joli-Cœur en compagnie de sa collègue Chantal Desjardins.

Pas de quartier

De fait, le magistrat ne fait pas de quartier à Chait.

« Le tribunal est d'avis que l'utilisation par la défenderesse de la marque de Grandpré (seule) crée un risque sérieux de confusion. Elle contrevient à la Loi sur les marques de commerce et à la Loi sur la publicité légale des entreprises. Elle constitue au surplus un cas de concurrence déloyale », écrit le juge dans sa décision datée du 2 juin.

Il n'a jamais été ici question de contester par l'un ou l'autre des cabinets l'utilisation du nom de Grandpré dans leur dénomination au long. Joli-Cœur en avait contre la décision prise en février 2008 de son concurrent, « afin de développer une nouvelle image corporative », explique le magistrat, d'abandonner le nom Chait pour ne conserver que de Grandpré.

Pierre- G. Champagne, le patron de de Grandpré Joli-Coeur
Pierre- G. Champagne, le patron de de Grandpré Joli-Coeur
Le recours au nom de Grandpré associé à d'autres dans de nombreux vocables de cabinets au fil des dernières décennies n'avait jamais posé problème jusqu'en 2008, note le juge Senécal. Soit, ils ont créé une certaine confusion, mais dans la normalité admise par les tribunaux dans le contexte de l'utilisation d'un nom de famille, ajoute le magistrat.

Il rappelle dans son jugement qu'on doit aux célébrissimes frères Louis-Philippe, Jean et Pierre les déclinaisons du nom de Grandpré dans une kyrielle de bureaux montréalais depuis l'après-guerre.

Une rencontre au sommet tenue en avril 2008 pour tenter de dénouer l'impasse entre Me Pierre Labelle, président de Chait, et Pierre- G. Champagne, directeur associé de Joli-Cœur, « ... n'a pas porté fruit », selon l'expression du juge.

La requête initiatrice du présent jugement a été déposée au greffe de la Cour supérieure de Montréal le 17 juillet 2008.

Un jugement rapide

Au cours du procès tenu les 24, 25, 26 mai dernier - le jugement est donc tombé on ne peut plus rapidement - Chait a soumis qu'il n'a pas agi de mauvaise foi et que son objectif n'était pas de détourner illégalement la clientèle de Joli-Cœur.

Pierre Labelle, le patron de de Grandpré Chait
Pierre Labelle, le patron de de Grandpré Chait
Son avocate, Florence Lucas, de Gowlings, a aussi fait valoir que l'utilisation de de Grandpré seul ne portait pas à confusion, notamment parce que les logos des deux sociétés sont distinctifs et que le nouveau vocable simplifié est toujours utilisé en conjonction avec le nom Chait dans le libellé des textes du cabinet.

Le juge Senécal n'a pas acheté.

« Le Tribunal est d'avis qu'il existe une forte ressemblance entre la marque de Grandpré et la raison sociale du cabinet de Grandpré Joli-Cœur. De l'avis de la Cour, le consommateur ordinaire qui observerait la première et ne posséderait qu'un vague souvenir de la seconde confondrait probablement la source des services liés à la marque de commerce... », dit-il.

Le juge établit d'abord que de Grandpré et de Grandpré Chait sont deux marques de commerce distinctes.

Chait a prétendu qu'il utilise le nom et la marque de Grandpré depuis plus longtemps que son vis-à-vis, mais le juge Senécal estime que ce n'est pas tout à fait vrai puisque la vraie marque de commerce était Grandpré Chait jusqu'en 2008.

Oui, Joli-Cœur a aussi recours à DJC pour s'identifier, comme l'a plaidé Me Lucas, mais ce n'est pas sa raison sociale, conclut le magistrat.

Florence Lucas, de Gowlings, représente de Grandpré Chait
Florence Lucas, de Gowlings, représente de Grandpré Chait
Le tribunal poursuit son analyse, notamment à la lumière de l'arrêt Masterpiece, de la Cour suprême, et détermine sans grand difficulté que la nature des deux entreprises et leurs services sont les mêmes. Qui plus est, elles sont toutes deux établies à Montréal.

Il examine ensuite la ressemblance dans les noms en litige et conclut qu'elle est déterminante.

« On objectera qu'il y a une grande ressemblance entre la raison sociale de Grandpré Chait et de Grandpré Joli-Cœur. Il est certain que les deux raisons sociales peuvent entraîner un certain degré de confusion. Mais pas autant que lorsque le nom de Grandpré est utilisé seul », soumet le juge.

« En réalité, en adoptant la marque de Grandpré, la défenderesse embrouille ce qui était plus clair », ajoute-t-il.

La cour reprend par la suite des témoignages à cet effet livrés pendant le procès au soutien des prétentions de Joli-Cœur.

Méprises

Me Champagne a avancé que de nombreux clients lui ont demandé si de Grandpré était son cabinet. Ivan de Grandpré a soutenu avoir reçu des appels de personnes qui croyaient que Joli-Cœur et Chait avaient fusionné. Un client du cabinet, Daniel Aird, a raconté qu'il croyait qu'une chronique publiée dans Les Affaires et identifiée à de Grandpré était du cru de Joli-Cœur.

Au final, Me Lucas a tenté de mettre en preuve que Joli-Cœur ne subit aucun préjudice puisqu'aucun client de Joli-Cœur n'a fait le saut chez Chait et qu'un seul mandat a été envoyé au mauvais bureau en plus de trois ans.

« Avec respect, ce n'est pas ce dont il s'agit ici. La question est plutôt de savoir si un risque de confusion existe », objecte le juge Senécal.

Au cours d'une conversation avec Droit-inc, mardi, Me Lucas a souligné que le jugement est tombé très rapidement après le procès et elle a indiqué que ses clients n'ont pas encore déterminer s'ils iraient en appel.
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