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Elle perd contre le Barreau!

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David Santerre

2011-09-27 15:00:00

Le Barreau du Québec vient d'être blanchi par la Cour supérieure dans une affaire où une femme d’affaires insinuait que l’inaction de l’organisme pendant près de 16 ans lui avait fait encourir de faramineux frais d’avocats.
Dolia Ivanov a perdu son combat contre le Barreau
Dolia Ivanov a perdu son combat contre le Barreau
L'Ordre des avocats s'est tout de même fait suggérer de mieux communiquer dans le futur avec les citoyens déposant des plaintes disciplinaires contre des avocats.

Dolia Ivanov a eu à partir de 1991 d’importants démêlés judiciaires avec un avocat, Me André Simard, qui était son avocat et ancien associé dans un projet domiciliaire de Pierrefonds. Me Simard s’est alors placé en situation de conflit d’intérêts en se servant d’informations obtenues alors qu’il travaillait pour la société de Mme Ivanov, Investissements Pliska, pour la poursuivre au nom de Vittorio Tiramani un autre ancien associé de l’entreprise.

Dès 1991, Mme Ivanov a contacté le syndic du Barreau pour dénoncer la situation de conflit d’intérêts. Mais quand le syndic a communiqué avec l’avocat de la dame, Me Mason Poplaw - aujourd'hui chez McCarthy - avait alors indiqué au syndic de mettre la pédale douce sur son enquête car il craignait qu’elle puisse nuire à la cause civile dans laquelle elle était défenderesse contre Tiramani.

Avec pour effet que l’enquête fut mise sur la glace.

Jusqu’en 1994, quand Mme Ivanov a de nouveau écrit au Barreau, ce que la juge qui a récemment tranché le débat, Marie-Christine Laberge, de la Cour supérieure, considère comme étant la «vraie» plainte de la dame dans cette affaire.

«Elle est claire et complète, révèle le conflit d'intérêt, l'atteinte au secret professionnel et la mauvaise foi dans la conduite des procédures», écrit la juge pour résumer la lettre de plainte.

Mais en plus de cela, Dolia Ivanov a poursuivi Me Simard au civil en raison de cette faute de conflit d’intérêt dont elle l’accuse.

Le syndic du Barreau décide alors de laisser ce dossier suivre son cours tout en le suivant de près, avant d’entamer toute enquête de son côté.

Me Pierre Bélanger a agi pour le Barreau du Québec
Me Pierre Bélanger a agi pour le Barreau du Québec
Mais le syndic était probablement loin de se douter que cette guérilla judiciaire entre Me Simard et Mme Ivanov serait si longue.

Entre temps, en 1996, la femme perdait sa cause contre Tiramani, à qui elle était condamnée à verser 621 885 $.

Mais en 2004, la juge de la Cour supérieure Nicole Morneau lui donnait raison sur la question du conflit d’intérêt de son ancien associé, Me André Simard.

Selon elle, Me Simard avait fait preuve tout au long de cette saga «d’acharnement et de méchanceté» et qualifiait les procédures «d'abusives, destinées à nuire aux demanderesses».

«La juge Morneau reconnaît l'existence d'un conflit d'intérêt, le bris du secret professionnel et la faute professionnelle de l'avocat, laquelle résulte d'un abus de procédures. La juge Morneau accorde une importante contribution monétaire à titre de dommages et intérêts», écrit la juge Laberge dans son jugement du 6 septembre.

Mais comme ce jugement a été porté en appel, le syndic a encore décidé d’attendre pour déclencher son enquête.

Ce n’est qu’après le 9 mai 2006 que cette enquête sera instituée, après qu’une entente hors cour soit intervenue entre Simard et Ivanov.

Cette entente octroyait à la femme 700 000 $ pour payer Vittorio Tiramani, plus un autre 700 000 $ pour elle même et sa société. Ses avocats dans les divers dossiers recevaient de leur côté 330 000 $ au total.

Me Pascal Plouffe représentait l'une des demanderesses
Me Pascal Plouffe représentait l'une des demanderesses
Le tout payé par le Fonds d'Assurance Responsabilité professionnelle du Barreau du Québec.

Avec toutes ces données en main, le syndic a par la suite déposé sa plainte au Comité de discipline contre Me André Simard, qui a écopé le 1er décembre 2008 d’une amende de 3000 $.

Dolia Ivanov a décidé en 2007 de poursuivre le Barreau, estimant que son inaction dans le dossier lui a causé un tort énorme car, en n’intervenant pas dès le début contre Me Simard, elle lui a permis de perpétuer la situation de conflit d’intérêt. Elle réclamait au Barreau le montant de ses déboursés extra-judiciaires, qu’elle estime avoir eu à payer par la faute du Barreau qui n’a pas stoppé les agissements de l’avocat. En plus de 100 000 $ pour dommages moraux et perte de jouissance de la vie.

«Il est facile de faire une évaluation à rebours et dire que cela a pris seize ans au Barreau pour agir. Il y a des explications à cela. De mars 1991 à décembre 1992, le Barreau n'agit pas car l'avocat des demanderesses, Me Mason Poplaw demande au Syndic du Barreau de prendre beaucoup de précautions de crainte de nuire à la plaignante», analyse d’abord la juge Laberge.

«Lorsque les mêmes faits sont soumis à un autre Tribunal, le Syndic suspend son dossier. Il agit ainsi surtout lorsque la preuve est contradictoire. Le Syndic pourra donc par la suite bénéficier des témoignages, rendus sous serment», résume encore la juge Laberge.

De plus, dit la juge, Mme Ivanov semble croire que le Barreau aurait pu stopper les agissements de Me Simard dès 1991 alors qu’il la poursuivait au nom de Tiramani, et elle fait erreur.

«Le Syndic n'a pas de pouvoir d'intervention dans les dossiers civils. Les pouvoirs qu'il exerce sont ceux prévus par le Code des professions, la Loi sur le Barreau et le Code de déontologie des avocats», précise-t-elle.

Qui plus est, le syndic est protégé par l’immunité que lui accorde le Code des professions pour d’éventuelles responsabilités civiles causées dans l’exercice de bonne foi de ses fonctions.

Quant aux dommages moraux invoqués par Mme Ivanov, la juge estime que les dommages qu’elle a subis ont été causés par les défendeurs dans sa cause contre Me André Simard, et non pas par le Barreau.

Pour ce qui est des honoraires réclamés, la preuve présentée à cet effet par la plaignante est jugée incomplète par la juge Laberge. Et de toute façon, «par l'effet de la quittance (l’entente hors cour de 2007), les demanderesses ont reconnu que leurs dommages avaient été compensés à tous égards. Les demanderesses ne peuvent tenter de récupérer ces sommes une seconde fois», écrit la juge à propos d’une partie des honoraires réclamés au Barreau par Ivanov.

Même si elle la déboute dans sa requête, la juge Laberge estime que Dolia Ivanov a raison sur un point, c’est le manque de communication dont a fait preuve le syndic pendant toute cette période, laissant la femme dans le néant quant à l’évolution de sa plainte.

«Tous les organismes professionnels devront désormais être plus vigilants dans leurs communications avec le plaignant et justifier, tout au long du processus, les étapes qu'ils entendent franchir. Une révision de l'ensemble d'un dossier, à certains intervalles, avec rapport au plaignant est destinée à mieux faire sentir le rôle que joue le Syndic dans la protection du public», conclut-elle.


L’avocat de Dolia Ivanoc, Me Jean El-Masri, réfléchit à la possibilité de porter en appel le jugement Laberge.


Les avocats impliqués :

Pour les demanderesses;
Me Jean El Masri du cabinet El Masri Dugal et Me Pascal Plouffe du cabinet Chantal, D'Amour, Fortier.

Pour la défenderesse;
Me Pierre Bélanger et Me Annie Nadon du cabinet Bélanger Longtin.


La décision peut être consultée ici.
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