Procès des hockeyeurs : la défense soulève « des propos incohérents » de la plaignante

Radio Canada
2025-05-08 12:00:29

Dans un contre-interrogatoire serré qui s'est terminé de manière soudaine mercredi, la présumée victime des cinq anciens membres d’Équipe Canada junior a été questionnée sur ses agissements, la nuit du 18 au 19 juin 2018, dans la chambre d'hôtel où elle soutient avoir été violée par les hockeyeurs.
Me Megan Savard, qui défend l'un des accusés, a aussi soulevé des « déclarations antérieures incohérentes » de la plaignante. L’audience s’est terminée à 16 h 20, qui s’est dit troublée par tout ce qui se passe, a éclaté en sanglots et, à la demande de la juge, a opté pour la fin de l’audience plutôt qu’une pause de quelques minutes.
Me Savard venait de lui poser une série de nombreuses questions portant sur les hockeyeurs qui avaient été identifiés comme John Doe dans sa poursuite au civil en 2022 qui s’est soldée par un règlement à l’amiable par Hockey Canada.
Me Savard soulignait que certains de ces joueurs, comme Jonah Gadjovich qui joue aujourd’hui pour les Panthers de la Floride, ont été inclus dans la poursuite par erreur et n'ont pas fini par être accusés d'agression sexuelle.
L'avocate a ajouté que ces hockeyeurs n'ont d'ailleurs pas su qu'ils avaient été visés par une action en justice avant le règlement à l’amiable, qui a été révélé par des médias, et n’ont donc pas eu la chance de blanchir (leur) nom.
« Ça c’est Hockey Canada qui en est responsable, pas moi », a répondu E. M. qui, à plusieurs reprises, a souligné « ne pas avoir une bonne compréhension de comment tout ceci fonctionne ».
Le consentement ramené à l'avant-plan
Après la pause du dîner, Me Savard a évoqué la transcription d’un interrogatoire d’E. M. à la police de London le 22 juillet 2018, dans laquelle la plaignante a indiqué qu’étant donné son état d’ivresse, les hommes ont pu supposer qu’elle était partante pour les actes sexuels qui ont eu lieu dans la pièce.
Je vais vous suggérer qu'indépendamment de ce que vous ressentiez dans votre tête, vous agissiez de manière à ce que les hommes présents dans la pièce pensaient que vous étiez consentante, dit Me Savard. « Je ne me souviens pas de mon comportement. Je ne sais pas exactement ce que je faisais », répond E. M.
« Comme une actrice de pornographie? »
Avant la pause du dîner, la plaignante avait indiqué à l’avocate que dans la chambre d’hôtel où elle a eu une première relation consensuelle avec Michael McLeod, elle s’est mise en mode pilote automatique lorsque d’autres hommes sont arrivés et lui ont sollicité des actes sexuels.
Elle a ajouté qu’elle n’agissait pas comme elle (le) fait normalement et qu’elle ne se souvient pas de tout ce qui s’est dit dans la chambre.
« Vous vous comportiez comme une actrice de pornographie? », lui a demandé Me Savard. « Oui, j'ai eu l'impression que c'était ce qu'ils voulaient. Ils essayaient de recréer une scène pornographique », a répondu E. M. Elle a répété qu’elle ne se souvient pas de l’enregistrement, cette nuit-là, des vidéos dans lesquelles elle a affirmé être d’accord et que tout était consensuel.
« Des déclarations antérieures incohérentes »
Plus tôt dans la journée, Me Savard avait commencé son contre-interrogatoire en soulignant des déclarations antérieures incohérentes de la plaignante. L’avocate a souligné quelques exemples de divergences entre les déclarations qu’E. M. — son identité est protégée par une ordonnance de non-publication — a faites à la police de London lorsqu’elle a porté plainte en 2018 et ce qu’elle a dit en 2022 dans le cadre de l’enquête que Hockey Canada a menée sur le dossier.
Dans sa déclaration aux enquêteurs de Hockey Canada, E. M. avait indiqué notamment qu’elle n’avait acheté aucune des boissons qu'elle a consommées au bar où elle a rencontré les hockeyeurs et qu’elle n’avait pas fait d’attouchement aux athlètes.
Plus tôt cette semaine, la plaignante a reconnu que des vidéos présentées en cour prouvaient le contraire. E. M. a répondu qu’elle n’avait pas remarqué l’importance de sa déclaration à Hockey Canada à l'époque étant donné que l’enquête policière (sur le dossier) était close.
« Je vous suggère que chaque mot de votre explication de l'existence de ces inexactitudes est faux », a enchaîné Me Savard.
« Je ne suis pas d’accord avec cela », a rétorqué E. M.
L’enquête policière initiale, ouverte en 2018, quelques jours après la plainte d’E. M. a été fermée en 2019 sans que la police de London ne dépose d’accusation. Hockey Canada a annoncé, le 14 juillet 2022, avoir ouvert une enquête indépendante sur les allégations de viol collectif, révélées environ deux mois plus tôt par le réseau TSN. E. M. a signé sa déclaration à Hockey Canada le 20 juillet 2022. La déclaration lui avait été envoyée par ses avocats, souligne-t-elle.
La relation de couple d’E. M. évoquée
Dans son contre-interrogatoire, Me Savard a aussi évoqué le fiancé actuel de la plaignante, avec qui E. M. était en couple lors de l’agression sexuelle présumée. Plus tôt cette semaine, E. M. avait indiqué que leur relation a débuté trois mois plus tôt.
« Je suggère que si vous êtes aussi réticente à admettre que vous avez participé activement (aux activités sexuelles alléguées), c'est parce que cela aurait mis fin à la relation », note Me Savard. E. M. a rejeté la suggestion, indiquant qu’elle était hors de (son) corps cette nuit-là.
Dans un contre-interrogatoire serré qu’il a conclu mardi, l’avocat de Michael McLeod, Me David Humphrey, a été le premier à interroger la présumée victime. Ses questions ont notamment porté sur sa consommation d’alcool la nuit du viol collectif présumé.
L’avocat a aussi posé de nombreuses questions liées au comportement d’E. M. tout au long de la soirée, du bar où elle a rencontré les hockeyeurs le 18 juin 2018 à la chambre d’hôtel où elle affirme avoir été violée plus tard cette nuit-là. E. M., qui reconnaît qu’elle était « assez ivre » cette nuit-là, a souvent indiqué qu’elle ne se rappelait pas avec précision certaines séquences des événements de la soirée.
Elle a aussi souligné qu’elle n’avait pas l’impression d’avoir le choix de quitter la chambre pour échapper aux hommes qui s'y trouvaient. E. M. a aussi rejeté la suggestion de Me Humphrey qu’elle avait elle-même demandé à Michael McLeod, après leur relation sexuelle consensuelle, d’inviter ses coéquipiers dans la chambre pour avoir une nuit folle.
Michael McLeod, Carter Hart, Cal Foote, Dillon Dubé et Alex Formenton font face chacun à un chef d’accusation d’agression sexuelle en lien avec un viol collectif présumé qui serait survenu dans cette chambre d’hôtel. Michael McLeod fait aussi face à un chef d'accusation de participation à l'infraction. Ils ont tous plaidé non coupables au début du procès. Chacun des avocats des accusés aura l’occasion de contre-interroger E. M.