La "république des avocats", une longue tradition française

Afp
2013-04-24 10:13:00
C'est "une des rares professions qui se prête vraiment bien à l'exercice de la vie politique", explique à l'AFP le politologue Olivier Costa, qui a mené une enquête auprès de 227 députés de la législature précédente.
Son "rythme d'exercice est compatible avec la fonction de député", juge Jean Glavany, député PS des Hautes-Pyrénées qui a prêté serment en 2010.
Léon Blum, Vincent Auriol, Robert Badinter ou encore Patrick Devedjian, nombreux sont les avocats à avoir mis leur éloquence au service de la République.
Une reconversion pas toujours aisée, comme l'écrit Jacques Isorni, avocat de Pétain avant de devenir député d'extrême droite de la Seine de 1951 à 1958 : "Le discours politique, à la tribune du Palais-Bourbon, est infiniment plus difficile, à importance égale, que la plaidoirie".

A partir de 1936, la tendance s'estompe. C'est dans les années 1990 que les robes réapparaissent à l'Assemblée.
Ils seraient aujourd'hui une quarantaine à naviguer entre la barre et la tribune.
Pierre Joxe, Noël Mamère, Frédéric Lefebvre...4"Sous la IIIe République, les avocats devenaient députés, aujourd'hui ce sont les députés ou les anciens ministres qui deviennent avocats", note Gilles Le Guérec. Tendance facilitée par le décret de 1991 qui organise l'accès à la profession sous certaines conditions pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A.
Mais c'est surtout le "décret passerelle" du 3 avril 2012, abrogé le 17 avril, qui a heurté la profession. Il permettait aux députés, sénateurs et anciens ministres de devenir avocats sans formation ni examens spécifiques, sous certaines conditions.
Une "poignée" seulement de députés en aurait profité, selon Olivier Costa, mais "il est clair que les activités auxquelles ils se livraient sont problématiques par essence".

Elle n'est pourtant pas souhaitable, selon Alain Tourret, député-maire radical de gauche de Moult. "S'il n'a pas voulu devenir avocat à l'âge de 25 ans, pourquoi à l'âge de 45 ou 50 ans ?", s'interroge cet avocat devenu parlementaire bien après.
Selon lui, ces députés qui ont enfilé la robe sur le tard, "mettaient en relation des gens et faisaient du lobbying". "Nous ne faisons pas le même métier!", s'est-il indigné. "M. Copé n'aurait jamais dû devenir avocat, jamais!", affirme M. Tourret qui s'est félicité que le député UMP de Seine-et-Marne annonce lundi qu'il quittait ses fonctions d'avocat.
Pour le coprésident du groupe des écologistes à l'Assemblée nationale, François de Rugy, peu importe que la profession soit antérieure ou postérieure à l'exercice de la fonction parlementaire, elle ne doit pas être concomitante: "La plupart des avocats de l'Assemblée (...) sont avocats conseil". Une "situation malsaine" selon lui, qui place certains députés dans la "dépendance" vis-à-vis d'entreprises qui les payent.
Le président du Conseil national des barreaux et ancien bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, juge "scélérat" le fait de jeter l'opprobre sur toute la profession en se focalisant sur les avocats d'affaires.
"Un avocat fait moins de trafic d'influence qu'un haut fonctionnaire", se défend-il, rappelant que des règles très strictes encadrent l'exercice combiné de la profession d'avocat avec un mandat parlementaire. Pour lui, la robe a toute sa place dans l'Hémicycle parce qu'il est "l'homme du droit".
"Interdire aux parlementaires d'être avocats, je trouve ça assez ridicule parce que c'est totalement discriminatoire", juge pour sa part Olivier Costa. Le politologue pense que, bien plus que l'interdiction de certaines professions, c'est la limitation du cumul des mandats et un meilleur statut des élus qui réglerait le problème de la représentativité des élus.