Le féminicide bientôt un meurtre au premier degré?

Radio Canada
2025-09-30 13:15:17
Ottawa envisage de classer le féminicide parmi les meurtres au premier degré. Bonne ou mauvaise idée?

Le ministre de la Justice déposera cet automne un projet de loi pour mieux protéger les victimes de violence conjugale, notamment en criminalisant le contrôle coercitif. Au cabinet du ministre fédéral de la Justice, on rappelle que son engagement inclut la reconnaissance des meurtres motivés par la haine, y compris le féminicide, comme homicides coupables au premier degré – la forme la plus grave d'homicide inscrite dans le Code criminel.
Il n’a toutefois pas été possible de confirmer si l’ajout du féminicide comme meurtre au premier degré au Code criminel fera partie intégrante de ce nouveau projet de loi ou d'un projet de loi distinct.
Il faut dire qu’un projet de loi s'attaquant au contrôle coercitif, le C-332, à l'époque présenté par le NPD, avait été adopté à l'unanimité par les députés de la Chambre des communes en juin 2024 avant d'être tabletté. Celui-ci s'était rendu jusqu’en 2e lecture au Sénat.
J’aurais pu commencer l’étude en comité fin janvier, mais en janvier, Justin Trudeau a prorogé le Parlement, donc le projet de loi est mort au feuilleton, rappelle la sénatrice Julie Miville-Dechêne, marraine du projet de loi C-332. C’était une question de quelques semaines.
Au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, on souhaiterait deux projets de loi distincts en espérant un processus rapide, puisque la criminalisation du contrôle coercitif semble faire l'unanimité, alors que celui au sujet d’une plus grande criminalisation du féminicide reste à faire.

Le Canada serait sans doute une des premières nations à adopter conjointement à la fois une criminalisation spécifique pour le féminicide et une criminalisation du comportement du contrôle coercitif, souligne Rachel Chagnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit, à l'UQAM.
Ces deux choses coexistent de façon séparée, mais ce sont des enjeux interreliés. Souvent, l'expression ultime du contrôle coercitif est le féminicide, ajoute-t-elle. Le contrôle coercitif est un ensemble d’actions qui visent à isoler son partenaire en installant un climat de peur. Selon une étude de la criminologue Jane Monckton-Smith, 92 % des féminicides auraient été précédées par du contrôle coercitif.
En 2024, 187 femmes ont été tuées par la violence au pays, selon l'Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation. Au Québec, 14 femmes ont été tuées dans un contexte de violence conjugale l’an dernier et 7 depuis le début de l’année, indique pour sa part le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
L’équivalent du meurtre d'un policier
Faire du féminicide un meurtre au premier degré signifierait qu’un accusé serait jugé de la même manière que pour le meurtre d’un policier ou d’un employé d’une prison dans l’exercice de leur fonction, par exemple.
Catherine Ahélo, avocate criminaliste chez Rebâtir, un organisme qui offre des services de consultation aux victimes de violence sexuelle et conjugale, précise également qu’une culpabilité de meurtre au premier degré sera automatiquement allouée à une peine à perpétuité sans possibilité de libération avant 25 ans.
Il faut être lucide, une plus grande criminalisation du féminicide n’a pas forcément un effet protecteur… mais cela envoie un message social, estime Mme Chagnon. Fondé il y a 4 ans, le projet Rebâtir a réalisé 88 600 consultations auprès de plus de 21 500 victimes au Québec.
Peu de leviers actuellement
Plusieurs s’accordent à dire qu’il y a urgence d’agir pour que le système puisse rendre justice aux victimes, puisque bon nombre d'entre elles passent sous le radar. Beaucoup de femmes se demandent pourquoi les policiers ne peuvent rien faire, elles disent j’ai été terrorisée, il ne m'a pas frappée, mais ma vie est un enfer et, effectivement, la loi donne peu de leviers pour intervenir, met de l'avant Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Ça aiderait les victimes et les policiers qui ont des pouvoirs limités puisqu'il n'y a pas d’infraction à proprement dit qui couvre l’ensemble des manifestations (de violence conjugale), termine-t-elle.
Mathieu
il y a 8 heuresPourquoi le féminicide spécifiquement? Je suis d'accord que tout meurtre survenu dans un contexte de violence conjugale soit présumé être un meurtre au premier degré mais ça doit également s'appliquer aux deux sexes.