Carrière et Formation

Au Nunavik, une avocate au service de la jeunesse

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Une avocate criminologue partage son expérience en protection de la jeunesse au Nunavik…

Me Marie-Hélène Brousseau Bellemare a choisi une pratique exigeante : la protection de la jeunesse… au Nunavik.

Marie-Hélène Brousseau Bellemare - source : Cain Lamarre

Après avoir complété son stage du Barreau chez Cain Lamarre, l’avocate a officiellement intégré le cabinet en 2025.

Elle fait aujourd’hui partie de l’équipe du Nord et concentre sa pratique dans la protection de la jeunesse sur le territoire inuit. Un rôle qui l’amène à voyager plusieurs semaines par année dans cette région isolée.

Me Brousseau Bellemare a d’abord exercé comme criminologue, une expérience qui l’a amenée à travailler auprès de diverses clientèles, notamment au sein de communautés des Premières Nations et inuites.

Cette immersion sur le terrain nourrit aujourd’hui sa pratique quotidienne du droit.

Droit-inc est allé à sa rencontre.

Après une carrière en criminologie, qu’est-ce qui vous a inspirée à vous tourner vers le droit et à devenir avocate?

Je voulais jouer un rôle plus actif dans le changement, contribuer de manière concrète à améliorer les choses, autant pour les travailleurs que pour les clients, les familles ou encore les enfants. J’avais vraiment ce désir d’être un acteur de transformation. La cour est un lieu central, c’est là que beaucoup de décisions se prennent et que les grands changements s’opèrent.

Mon objectif premier était donc de pouvoir agir directement à ce niveau. En criminologie, j’étais davantage dans l’observation : je voyais les réalités du terrain, mais je n’avais pas véritablement le pouvoir de modifier les choses. Le droit, au contraire, me donnait la possibilité d’aller plus loin, de passer de la constatation à l’action, et d’avoir un véritable impact.

Vous avez travaillé plusieurs années au Nunavik en tant que criminologue. Qu’avez-vous pu observer concrètement sur le terrain?

J’ai travaillé plusieurs années au Nunavik, principalement comme intervenante pour la DPJ, surtout au stade de l’évaluation. Lors de ma dernière année, j’ai intégré une équipe de gestion, mais toujours avec une forte implication clinique, notamment dans les villages les plus au nord.

Quand on travaille à temps plein dans le Nord, on fait des séjours de plusieurs semaines consécutives dans les communautés, puis on revient au Sud avant de repartir.

J’ai eu l’occasion d’intervenir dans différents villages et j’ai vraiment adoré cette expérience. Là-bas, les besoins sont énormes et les ressources limitées, ce qui donne au rôle d’intervenant une importance encore plus grande. On doit faire preuve de beaucoup de créativité et d’initiative personnelle pour trouver des solutions adaptées.

C’était un contexte difficile, mais très enrichissant. J’ai trouvé que mon travail avait une réelle pertinence et j’ai aussi pu tisser de très beaux liens avec les communautés.

Comment cette expérience de terrain en tant que criminologue influence-t-elle aujourd’hui votre pratique comme avocate?

Avec le temps, j’ai réussi à trouver mon équilibre, et aujourd’hui je vois cet aller-retour comme une force. Mon expérience de terrain me permet de comprendre très concrètement la réalité dans laquelle les familles se trouvent. J’ai travaillé dans de nombreuses maisons, rencontré beaucoup de parents et d’enfants, souvent dans des contextes difficiles. Cela me donne une compréhension fine de ce que vivent ces personnes, et je pense que ça enrichit ma pratique.

Concrètement, ça m’aide à proposer des solutions plus créatives et adaptées. Par exemple, j’aime beaucoup développer des projets d’entente hors cour, car ils font davantage sens pour les familles que de longs procès, souvent complexes et éprouvants. Mon objectif est que le processus judiciaire soit compréhensible et utile, mais aussi que les solutions retenues soient réellement dans l’intérêt des enfants.

Concrètement, quelle est la réalité des familles que vous avez côtoyées au Nunavik? Quels sont les enjeux ou les problématiques propres à cette région, qui se distinguent peut-être de ce que l’on peut observer ailleurs au Québec?

Je préfère toujours garder une certaine retenue lorsqu’il est question des difficultés vécues par les populations inuites et autochtones, parce que je n’en fais pas partie. Je ne suis ni inuit, ni autochtone, et je ne veux pas avoir la prétention de parler à leur place.

J’ai conscience que je parle davantage du regard que nous portons, nous, comme intervenants venus de l’extérieur. Ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit de familles qui vivent dans un contexte particulièrement difficile.

Dans un tel cadre, comment garantir la protection des enfants tout en préservant leurs valeurs, leurs traditions et leur culture?

Ce n’est effectivement pas un contexte de travail facile, surtout comme avocate. Mais il y a eu plusieurs avancées législatives récentes qui nous aident à mieux prendre en compte la réalité des enfants autochtones et inuits.

Par exemple, la Loi sur la protection de la jeunesse au Québec a été modifiée pour intégrer de nouvelles dispositions qui visent à assurer la continuité culturelle. À l’échelle fédérale, le projet de loi C-92 a aussi été adopté. Il établit un cadre applicable partout au Canada, même si la protection de la jeunesse relève normalement des provinces. L’objectif est d’uniformiser certaines pratiques et de garantir la sécurisation culturelle des enfants des Premières Nations et des Inuits.

Concrètement, cela signifie qu’avant de placer un enfant en famille d’accueil, nous devons respecter un ordre de priorités très strict. On commence toujours par chercher dans le réseau familial immédiat, puis dans la communauté elle-même, ensuite auprès d’une famille inuite ailleurs au Nunavik, puis au besoin auprès d’autres Premières Nations au Québec. Ce n’est qu’en dernier recours que l’on envisage un placement dans une famille non autochtone.

Ces mesures obligent les intervenants et les tribunaux à réfléchir consciemment à l’impact d’un placement et à mettre en place des moyens pour maintenir les liens avec la culture et la communauté. Même lorsque l’enfant doit être confié ailleurs, des dispositions prévoient des visites, des déplacements et d’autres mécanismes pour préserver cette continuité culturelle.

C’est essentiel, parce que l’on sait qu’un déracinement peut avoir des conséquences graves. Un enfant qui perd son lien avec sa culture peut se retrouver sans repères, sans savoir d’où il vient. Ces protections ont donc pour but d’éviter ce type de rupture.

Évidemment, il reste de grandes questions, parfois très délicates : qu’est-ce qui doit primer dans l’intérêt supérieur de l’enfant ? Sa sécurité physique ? Sa stabilité alimentaire ? La protection contre la violence ? Ou bien le maintien de ses repères culturels ? Trouver le bon équilibre entre ces dimensions est un exercice complexe, mais fondamental.

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