Carrière et Formation

Tête-à-tête avec un juge d’exception

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Sonia Semere

2025-08-28 15:00:39

Retour sur une carrière consacrée au droit : entre enseignement, pratique et magistrature.

Jean-Louis Baudouin - source : Barreau de Montréal


Professeur, praticien, juge : Jean-Louis Baudouin a exploré toutes les facettes du droit québécois.

Le 4 septembre prochain, lors de la traditionnelle Rentrée judiciaire, il recevra la Médaille du Barreau de Montréal, une distinction qui souligne sa contribution exceptionnelle à la justice et à l’évolution du droit au Québec.

Issu de la onzième génération d’avocats d’une famille française, Jean-Louis Baudouin a mené une carrière remarquable. Il a enseigné le droit civil de 1962 à 1989, avant d’être nommé juge à la Cour d’appel du Québec, fonction qu’il a exercée de 1989 à 2008.

Ses ouvrages de référence en droit civil, constamment mis à jour, sont devenus de véritables bibles pour praticiens et étudiants, continuant à influencer la pratique du droit au Québec.

Mais quel regard porte-t-il sur l’évolution du système judiciaire au cours de ces cinquante dernières années? Droit-inc lui a posé quelques questions.

Au cours de votre carrière, vous avez exercé trois rôles majeurs : professeur, praticien et juge. Comment chacun de ces rôles a-t-il contribué à façonner votre compréhension du droit?

Comme professeur, j’ai toujours dû rester à la fine pointe de la réflexion juridique, surtout en droit civil, afin de transmettre aux étudiants une connaissance rigoureuse et à jour. Comme juge, il s’agissait cette fois d’appliquer concrètement ces règles à des situations bien réelles, souvent chargées d’humanité, où il fallait trancher des cas qui touchaient véritablement des vies. Du côté de la pratique, même si mon expérience a été plus limitée, j’ai eu l’occasion de plaider devant les tribunaux supérieurs et j’ai beaucoup apprécié le contact direct avec les clients.

Cela dit, la fonction qui m’a apporté le plus de satisfaction demeure celle de juge à la Cour d’appel. C’est une charge passionnante, qui permet de prendre le temps de réfléchir aux problèmes de droit, de les analyser en profondeur et de prendre des décisions parfois difficiles, mais toujours guidées par le souci de l’intérêt public.

Vous avez souvent insisté sur la nécessité d’adapter le droit à la réalité sociale. Comment envisagez-vous l’évolution du droit civil dans une société toujours plus complexe et marquée par les nouvelles technologies?

Ce qui m’inquiète surtout, c’est l’impact que pourrait avoir l’intelligence artificielle sur le droit, et plus particulièrement sur la justice elle-même. L’intelligence artificielle est une découverte absolument extraordinaire, mais comme toute avancée technologique, elle porte en elle le meilleur comme le pire. Mon souhait, c’est que nous soyons capables d’orienter l’usage de cet outil vers des finalités honorables, au service de la société, plutôt que l’inverse.

La médiation, l’arbitrage et plus largement les modes alternatifs de règlement des différends connaissent aujourd’hui un essor considérable. Selon vous, s’agit-il d’outils complémentaires ou d’un possible remplacement partiel du système judiciaire?

Je les vois clairement comme une complémentarité. Ces modes alternatifs vont prendre une place de plus en plus importante, notamment parce que l’accès à la justice demeure difficile pour beaucoup de citoyens. L’arbitrage, bien sûr, reste surtout réservé aux litiges les plus sérieux et complexes. Mais les autres mécanismes de résolution constituent un moyen essentiel de pallier les obstacles que rencontrent les justiciables dans le système judiciaire traditionnel.

Parmi les moments marquants de votre carrière, il y a bien sûr la refonte du Code civil du Québec. Pouvez-vous revenir sur cette période?

Lorsque j’ai commencé à enseigner, c’était encore le Code civil du Bas-Canada qui était en vigueur, et il était devenu véritablement dépassé. Avec Paul-André Crépeau, j’ai participé à l’Office de révision du Code civil, de 1965-1966 jusqu’en 1994, année de l’entrée en vigueur du nouveau Code.

C’est une réalisation dont le Québec peut être fier : nous avons réussi à moderniser notre droit sans excès ni bouleversements, mais en consolidant les acquis jurisprudentiels et doctrinaux dans un Code cohérent. Ce travail a d’ailleurs eu un rayonnement international, puisqu’il a inspiré plusieurs pays, notamment la Roumanie et certains États d’Amérique du Sud.

Pour conclure, quelle est, selon vous, la plus grande contribution que vous ayez apportée au monde juridique québécois?

Je crois que ce dont je suis le plus fier remonte au tout début de ma carrière. À l’époque, il existait très peu de doctrine au Québec pour exposer de manière structurée les règles de droit aux étudiants. C’est ce qui m’a poussé à écrire mes deux premiers ouvrages, l’un sur les obligations et l’autre sur la responsabilité civile, afin d’offrir un outil de référence fiable. Pour moi, c’est probablement l’une des contributions les plus importantes que j’ai pu apporter.

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