Tête-à-tête avec le nouveau DG d'Éducaloi

Sonia Semere
2025-08-08 14:15:00

Éducaloi amorce un tournant stratégique en accueillant un nouveau directeur général. Me Frédérick Roussel prend la relève de Benoit Rullier, qui assurait la direction générale par intérim depuis mars dernier.
Avocat de formation, Me Roussel se démarque par un parcours atypique et résolument tourné vers l’innovation. Avant de rejoindre Éducaloi, il occupait le poste de directeur général adjoint du MT Lab, un incubateur dédié aux secteurs du tourisme, de la culture et du divertissement.
Il y a piloté plusieurs projets à la croisée des technologies, de la communication et de la transformation organisationnelle, en misant sur la collaboration et l’intelligence collective.
Cette arrivée à la direction générale s’inscrit dans un moment charnière pour Éducaloi, alors que l’organisation continue d’adapter ses outils juridiques aux réalités numériques et aux besoins d’un public toujours plus diversifié.
Quels défis l’attendent, et comment ses expériences passées façonneront-elles son mandat? Droit-inc s’est entretenu avec lui.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous joindre à Éducaloi à titre de directeur général?
Ce qui m’a d’abord interpellé, c’est la mission. Celle de rendre le droit accessible, compréhensible et utile pour tout le monde. C’est une mission qui me touche profondément. En pratique privée, comme avocat, on peut accompagner quelques milliers de personnes au cours d’une carrière. Chez Éducaloi, on a la chance d’en rejoindre des millions chaque année. L’impact est immense, et ça me motive énormément.
Mon parcours professionnel m’a aussi naturellement amené vers ce rôle. J’ai notamment œuvré en communication, en design, en gestion d’équipes, puis plus récemment, j’étais directeur général adjoint au MT Lab, où je me suis concentré sur l’innovation, l’entrepreneuriat et la technologie.
Quelles seront vos priorités pour les premiers mois de votre mandat? Avez-vous déjà une feuille de route établie?
Avant tout, ma priorité, c’est de bien comprendre l’écosystème dans lequel Éducaloi évolue. C’est une organisation solide, qui existe depuis 25 ans, et qui a un rôle fondamental au Québec. Mon objectif n’est pas de tout chambouler, mais plutôt de miser sur la continuité, tout en adaptant l’organisation aux nouvelles réalités.
L’environnement a beaucoup changé : la technologie évolue rapidement, l’intelligence artificielle bouleverse nos façons de communiquer, et les besoins du public évoluent aussi. Éducaloi détient une base de données de contenus juridiques très riche, et il y a là un potentiel immense en lien avec l’IA, notamment pour améliorer l’accès à l’information juridique.
Par ailleurs, nos publics changent : les habitudes de consommation de l’information ne sont plus les mêmes. Les gens lisent moins, ils veulent des formats plus visuels, interactifs, accessibles rapidement, vidéos, balados, infographies, réseaux sociaux. On doit adapter nos outils et nos canaux pour rejoindre les citoyennes et citoyens là où ils sont, avec le bon format, au bon moment.
Vous arrivez d’un milieu fortement axé sur l’innovation et la collaboration. Qu’est-ce que vous retenez de cette expérience chez MT Lab, et comment cela influencera votre approche chez Éducaloi?
L’une des grandes leçons que je retiens de MT Lab, c’est la puissance de la collaboration au sein d’un écosystème, même entre acteurs qui sont parfois en compétition. Dans le milieu de l’entrepreneuriat et de l’innovation, il y a cette culture du travail conjoint, du partage d’expertises, qui permet de faire avancer tout le monde. Et ça, je pense que c’est essentiel aussi dans le milieu juridique communautaire au Québec.
Éducaloi ne travaille pas seul. Il y a toute une constellation d’organismes : les centres de justice de proximité, Justice Pro Bono, SOQUIJ, le Barreau du Québec, les cliniques juridiques universitaires, etc. Mon rôle, c’est de voir comment Éducaloi peut continuer à jouer un rôle structurant, en collaborant activement, en rayonnant davantage, et en maximisant son impact collectif.
Éducaloi est un organisme autonome, à but non lucratif, ce qui lui donne une agilité précieuse pour explorer des nouvelles façons de faire, notamment avec l’intelligence artificielle, les nouveaux médias ou des formes émergentes de communication.
Notre environnement change très vite. Il faut trouver cet équilibre entre rigueur et adaptabilité. C’est ce que j’apporte avec moi : une approche structurée, mais ouverte au changement.
Pour conclure, sur une note plus personnelle : qu’est-ce qui vous a mené vers le droit, et qu’est-ce qui continue de vous passionner dans ce domaine?
Honnêtement, le droit est un domaine fascinant, à la fois sur le plan intellectuel et humain. Ce qui m’a attiré au départ, c’est le défi de comprendre les règles du jeu. Si on voit la société comme un immense jeu de société, alors le droit, c’est l’ensemble des règles qui permettent d’y jouer, d’y évoluer, d’y contribuer. Comprendre ces règles, c’est comprendre comment fonctionne notre monde.
Mais ce qui me passionne le plus, c’est l’impact concret qu’on peut avoir dans la vie des gens. Une bonne information juridique, un bon conseil, ça peut littéralement changer le quotidien de quelqu’un. Une hausse de loyer abusive, un conflit de travail, une situation familiale complexe, le droit permet de poser des balises, de rétablir l’équilibre. C’est extrêmement valorisant.
J’ai aussi beaucoup œuvré en éducation, notamment dans le réseau scolaire. J’ai toujours vu le droit comme un outil d’émancipation, quelque chose qui donne les clés pour avancer. Ce n’est pas toujours une question de confrontation ou de recours. Parfois, juste connaître ses droits, c’est suffisant pour ouvrir la bonne porte, faire valoir ses besoins, et cheminer de manière pacifique et constructive dans la société.