Aide à mourir : le gouvernement renvoie au Sénat

Radio -Canada
2016-06-17 10:24:00

La partie de ping-pong législatif entre les deux chambres s'est officiellement mise en branle, les députés renvoyant la balle dans le camp des sénateurs en adoptant par 190 voix contre 108, jeudi, une motion approuvant une bonne partie des amendements sénatoriaux.
Mais sur le plus important d'entre eux, les libéraux se sont montrés inflexibles, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, demeurant convaincue que la notion de mort naturelle raisonnablement prévisible est essentielle au projet de loi, et que celle-ci est constitutionnelle.
La présence de ce critère permet d'établir « le juste équilibre [...] entre la protection des personnes vulnérables et le choix de ceux et celles dont les circonstances médicales leur causent des souffrances persistantes et intolérables à l'approche de la mort », a-t-elle déclaré.
Le Sénat avait adopté par 41 voix contre 30 la suppression du concept. Certains sénateurs ont jusqu'à tout récemment dit que leur appui au projet de loi était conditionnel au retrait de ce critère.
« Jamais je n'appuierai un projet de loi qui retirerait à un groupe de citoyens un droit qui leur a été reconnu par la Cour suprême », a répété jeudi le sénateur Serge Joyal. Son collègue James Cowan a affirmé la même chose, disant ignorer si cette position était commune à une majorité.
Le leader de l'opposition conservatrice au Sénat, Claude Carignan, n'a pour sa part pas voulu dévoiler quelles étaient ses intentions. Il a néanmoins laissé tomber qu'il était « déçu » de cette fin de non-recevoir en provenance de la Chambre des communes.
Un refus qui pourrait rallier
Ultimement, le projet de loi pourrait rallier les sénateurs conservateurs opposés à l'aide médicale à mourir, qui préfèrent le cadre plus restrictif du projet de loi C-14 aux dispositions de l'arrêt Carter de la Cour suprême, dans lequel la fin de vie n'est pas identifiée comme un critère d'accès à cette aide.
Ce sera vraisemblablement le cas du sénateur Don Plett. « Je dis depuis le début que nous avons besoin de quelque chose de mieux que Carter. [...] Je ne peux pas, en mon âme et conscience, voter contre un projet de loi qui serait mieux que de ne rien avoir », a-t-il exposé.
Le Sénat devrait débattre vendredi de la motion adoptée en Chambre.
La ministre de la Justice n'a pas voulu dire, jeudi, si elle s'inquiétait du sort de la mesure législative qu'elle marraine. Sa collègue à la Santé, Jane Philpott, a cependant tenu à prévenir les sénateurs qu'il était urgent et impératif de se doter d'un cadre réglementaire pancanadien.
« Le problème en ce moment est qu'il n'y a pas de loi fédérale en place pour la protection des personnes vulnérables, ni même pour assurer que les gens qui ont besoin de l'aide médicale à mourir auront cet accès qu'ils désirent », a indiqué la ministre fédérale de la Santé.
Le refus de biffer le critère du texte du projet de loi C-14 a été bien accueilli par les députés conservateurs qui sont intervenus lors du débat sur la motion, dont le leader parlementaire du parti en Chambre, Andrew Scheer, qui a par ailleurs dit craindre un élargissement de l'accès à l'aide à mourir à l'avenir.
« Je suis très inquiet de ce qui nous attend. Quand les gens disent que c'est un premier pas, ça me préoccupe. [...] J'espère certainement que le régime restrictif que nous avons créé ne sera pas élargi, et je vais faire tout en mon pouvoir pour m'en assurer », a-t-il indiqué.