« Au civil, n’importe qui peut poursuivre, il n’y a pas de filtre », selon Rozon

Radio Canada
2025-07-10 13:15:33
Gilbert Rozon dénonce le traitement qu'il estime subir de la part de la justice et des médias. A-t-il raison?

Au palais de justice de Montréal, mercredi, Gilbert Rozon a livré des propos amers quant au traitement qu'il estime subir aux mains de la justice et des médias dans ce procès civil qui l'oppose à neuf demanderesses alléguant qu'il les a agressées sexuellement. Au quatrième et dernier jour de son contre-interrogatoire, le défendeur a déclaré à la dizaine de journalistes présents qu'au civil, n'importe qui peut poursuivre. Il n'y a pas de filtre. Au pénal, c'est un petit peu plus compliqué, a-t-il continué.
« Il y a des enquêtes qui ont été faites et j'ai été acquitté », a-t-il dit, rappelant le procès criminel au terme duquel il avait reçu un verdict d'acquittement, en 2020.
Au terme de ce procès, la juge Mélanie Hébert avait fait valoir que le « doute raisonnable » avait joué en faveur de l'accusé. Le verdict d'acquittement ne signifie pas que les incidents reprochés ne se sont pas produits, avait-elle aussi écrit. Est-ce que ça veut dire quelque chose d'être acquitté au Québec? a demandé mercredi Gilbert Rozon, avant d'ajouter que ses déboires devant la justice lui avaient fait perdre Juste pour rire, l'empire qu'il a construit pendant des décennies. Ses employés ont perdu leur emploi et sa famille a souffert, a-t-il ajouté avec rancœur.
« Je suis seul »
Depuis le début de ce procès civil, le 9 décembre dernier, Gilbert Rozon n'a cessé de nier en bloc les accusations des demanderesses Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charette, Annick Charette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy. Ces dernières, qui allèguent qu'il les a agressées sexuellement, lui réclament 14 millions de dollars en dommages et intérêts.
« Une meute », a-t-il dit des neuf demanderesses qui, selon lui, se sont inventé une vérité et lui ont intenté « un procès d'argent ». Elles se seraient concertées, s'insurge-t-il, et se sont parlé tous les jours. Alors que moi, je suis seul, je me bats.
« J'aurais pu faire des chèques »
Selon M. Rozon, son expérience est de nature à décourager les citoyens de s'en remettre à l'appareil de justice, de peur de tout perdre. « Tout le monde va régler hors cour », prétend-il. Mercredi, il a répété qu'il s'agissait selon lui d'une légalisation de l'extorsion : « Si vous devez vous soumettre à des procédés médiatiques aussi violents, vous êtes mieux de faire un chèque, même si vous n'êtes coupable d'aucune façon ». Dans ce processus judiciaire qu'il décrit comme une folie dans laquelle il a été entraîné, Gilbert Rozon a dit regretter de ne pas avoir été plus pragmatique.
Je ne suis pas un criminel, je ne suis pas un homme violent, a-t-il affirmé, avant d'accepter de suivre son avocate en salle d'audience où Michel Déom, avocat du Procureur général du Québec, l'a contre-interrogé.
Reprise du procès à la fin de l'été
Mardi, l'homme d'affaires déchu avait vu sa mémoire être mise à rude épreuve lors du contre-interrogatoire serré des avocats des demanderesses, Me Bruce Johnston, puis Me Jessica Lelièvre, qui ont tenté de faire ressortir des contradictions dans son témoignage. Puis, mercredi, une importante étape s'est close avec la fin du contre-interrogatoire de Gilbert Rozon.
Au terme de cette journée, ni les avocats ni les demanderesses n'ont voulu parler aux médias, à l'exception d'Annick Charette, qui s'est dite admirative du travail de ces derniers. Les audiences doivent reprendre à la fin de l'été. Lorsque les parties auront fait leurs plaidoiries respectives, il reviendra à la juge Chantal Tremblay de trancher.
Des témoignages « névralgiques »
Le jugement écrit de la magistrate permettra de voir quelle aura été l'efficacité de ce contre-interrogatoire pour miner la crédibilité et la fiabilité du témoignage de M. Rozon, a expliqué mercredi à Tout un matin sur ICI Première la directrice générale de Juripop, l'avocate Sophie Gagnon. En matière civile, le fardeau de preuve est moins exigeant à satisfaire parce qu'on n'a pas besoin de convaincre hors de tout doute raisonnable, a-t-elle décrit. En matière criminelle, en revanche, l'accusé a le droit de garder le silence tout au long des procédures et de garder pour lui sa version des faits, jusqu'au procès.
Dans ce procès civil, poursuit Me Gagnon, les avocats des demanderesses ont pu interroger M. Rozon préalablement au procès. Cela facilite l'administration de la preuve pour les demanderesses. Mais comme les faits en litige se sont déroulés derrière des portes closes, bien que parfois dans des lieux publics, les deux seules personnes présentes sont la demanderesse concernée et M. Rozon, explique Me Gagnon. Par conséquent, ce sont vraiment les témoignages des personnes concernées qui vont permettre à la juge de rendre sa décision. Les témoignages sont névralgiques.