Des principes qui deviennent des lois

Philippe Senécal
2009-08-20 09:00:00
Un exemple assez probant des succès de la normalisation juridique est sans doute les Principes de Sedona Canada sur l’administration de la preuve électronique (« e-discovery ») qui sont actuellement utilisés par les tribunaux mais surtout adoptés par les législateurs provinciaux dans leurs amendements aux règles de procédures ou aux règles de pratique. En effet, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Alberta et les juridictions fédérales ont déjà incorporé ou incorporent actuellement ces principes dans leurs règles. Quant aux juridictions moins proactives, on note malgré tout un intérêt des juges pour ces principes.
Hormis le biais évident de mon associé pour ces principes, faisant partie du comité éditorial et ayant dirigé la rédaction de la version française [PDF], je crois objectivement qu’ils répondent à un besoin existant dans le domaine juridique qui, à l’heure actuel, demeure une zone grise pour plusieurs. En regroupant des experts – avocats en pratique privée, conseillers juridiques en entreprises, juges, fournisseurs de services et technologues -, ceux-ci tiennent compte de diverses réalités et en permettent une utilisation étendue dans toutes les sphères du droit, tant par les justiciables que par les avocats et la magistrature.
Ce billet intervient à un moment particulier puisqu’aura lieu, à Vancouver, les 15 et 16 septembre 2009, la conférence annuelle de Sedona Canada ainsi que la rencontre des membres de cette organisation. D’ailleurs, j’en profite pour vous inviter à vous inscrire à cette conférence limitée à 75 participants ou, pour ceux qui ont un intérêt particulier pour le domaine, à devenir membre du Groupe de Travail 7 (Sedona Canada) de The Sedona Conference.
Il s’agit d’un champ de pratique important pour les juristes, particulièrement les plaideurs, puisque l’usage et le volume de documents électroniques croit annuellement de façon exponentielle. Ainsi, à moins de faire l’autruche ou d’oublier la règle de la meilleure preuve, force est de constater que quiconque entendant faire une preuve devant nos tribunaux devra maitriser ces principes.
Mise à jour : Facebook et les renseignements personnels
Vous vous souviendrez que lors d'une chronique précédente, je vous rapportais que la Commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada concluait dans son rapport que Facebook contrevenait à maints égards à plusieurs dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Or, cette semaine, Facebook a répondu au Commissariat en déposant une liste de solutions visant à résorber les atteintes à la vie privée. La Commissaire adjointe doit maintenant étudier ce document et décider si les changements proposés par Facebook sont suffisants pour mettre un terme aux atteintes à la vie privée. C'est à suivre…
Droit et Techno
Deux fois par mois, Dominic Jaar et Philippe Senécal, conseillers juridiques de Conseils Ledjit, rédigent pour vous des billets rapportant des nouvelles technologiques liées au droit ainsi que des nouvelles juridiques relatives aux technologies. Pour consulter toutes leurs chroniques, cliquez ici.
Anonyme
il y a 15 ansQuelle horreur... Je vous prédis des tonnes de justiciables désireux d'obtenir un jugement par défaut qui vont jurer vous avoir envoyé le courriel, et qui présenteront un accusé de réception falsifié.
Me
il y a 15 ansTrès intéressant.
Éclairez-moi, Me Senécal:
L'interprétation que certains font de la LCJTI, quant au fait qu'elle permet déjà la signification par courriel, concerne-t-elle 140.1 C.p.c. seulement ou bien toute signification, incluant la signification d'une requête introductive d'instance au défendeur-même (car à ce stade il n'est pas supposé avoir un procureur) ?
King
il y a 15 ansÀ mon avis, la LCJTI vise plutôt l'article 140 C.p.c - voir l'article 28 al.2 LCJTI
"Lorsque la loi prévoit l'utilisation des services de la poste ou du courrier..."
À mon avis, il s'agit d'une interprétation erronée, les actes, documents ou avis dont la loi prescrit la signification sont signifiés conformément aux règles prévues dans le C.p.c.
Master P.
il y a 15 ansJe pense qu'il faudrait regarder ce qu'il se fait ailleurs électroniquement. Je pense au US Backruptcy Court Southerne district of New York, entre-autres. Les documents destinés aux dossiers de la Cour sont tous déposés et immédiatement disponibles aux parties impliquées via le site sécurisé tenu par le greffe de la Cour.
Le dépôt d'un document au dossier informatique de la Cour se fait via ce même site, même les requêtes. Les autres parties reçoivent un avis par courriel que le document est là. Le greffe de la Cour aura immédiatement les confirmations que les courriels ont été reçus. Voilà la signification vérifiable d’une manière indépendante par une personne neutre, la greffe de la Cour.
J’aurais davantage confiance dans un tel système que par celui actuellement en place. Il n’en sera pas différent de la signification par télécopieur. Il n’y a pas plus de crainte qu’une personne falsifie une accusez réception par courriel que par fax. Si le document n’est pas dans le dossier de la Cour alors il n’existe pas. La Cour aurait un enregistrement sur le moment de la création du document dans sa base de données,
J'imagine un jour où nous ne nous déplaçons plus au Palais pour timbre des procédures ni pour déposer les requêtes, etc. Tout sera fait du confort de nos bureaux (ou de la plage). Même les ouvertures de dossiers pourront être faites électroniquement avec la signification initiale selon la forme actuelle. Cela n’affecterait pas la place des huissiers non plus.
S'il faut, un tel système ne pourrait être accessible, à distance, que par les membres du barreau. Les particuliers auront accès au système seulement au Palais de justice vis un greffier au comptoir.
Je peux même imaginer quelqu’un donné une formation sur l’utilisation du système. Ça vaudrait surement quelques UFC.
Me
il y a 15 ansJe suis d'accord. Le C.p.c. accorde le statut de "signifié" à un document simplement transmis par courrier dans certains cas, et ces cas-là viennent subsidiairement à la signification normale par huissier. Est-ce que 28, al. LCJTI en parlant de l'utilisation du courrier couvre aussi "la signification par courrier" ? Je le doute. Mon interprétation serait qu'une signification par courrier, lorsque permise n'est pas une simple "utilisation du courrier".
Mais je peux me tromper, c'est la première fois que je me penche sur ce problème.
Dominic Jaar
il y a 15 ansBelle discussion! En fait, Philippe faisait référence à moi en parlant de "certains"...
Pour ceux que ça intéresse, voici mon interprétation dans [http://www.caij.qc.ca/doctrine/developpements_recents/298/880/index.html#_Toc220727373 | Plaidoyer pour une signification par courriel].
Dominic Jaar
P. Senécal
il y a 15 ansAfin que le code reconnaisse la signification de procédures par courriel entre procureurs, je crois que les bureaux d'avocats devront établir UNE adresse électronique qui servira à recevoir et permettre le contrôle de toutes les significations : un domicile virtuel.