La mairesse de Saguenay reconnue coupable

Radio Canada
2025-08-22 10:30:12

La mairesse de Saguenay a été reconnue coupable de l'un des trois chefs d’accusation qui pesaient contre elle pour manœuvres électorales frauduleuses.
Julie Dufour a été jugée fautive dans le dossier de l'ex-député libéral Serge Simard. Elle a toutefois été acquittée en ce qui concerne l’actuel conseiller Jean-Marc Crevier et l'ex-candidate à la mairie Jacinthe Vaillancourt.
« On est déçus, on est surpris. On s’attendait à un autre résultat. Cependant, sur deux des trois chefs d’accusation, ma cliente est acquittée, ce qui, en soit, est une bonne nouvelle », commente Me Charles Levasseur, avocat de Julie Dufour
L’élue écope de la peine minimale prévue à la loi, soit une amende de 5000 $, plus les frais.
Mme Dufour a déjà indiqué qu'elle allait porter la cause en appel. « La Cour supérieure contrôlera la légalité de la décision du juge Duguay », a mentionné l’avocat de l’accusé, Me Charles Levasseur, à la sortie de la salle de cour.
La mairesse a la ferme intention de rester en poste et d’être de nouveau candidate aux élections municipales de novembre, ce qui est permis tant que le processus d’appel n’aura pas été achevé.
Le juge Louis Duguay a rendu son verdict en matinée au palais de justice de Chicoutimi. La lecture de sa décision a pris près d’une heure.
Dans une réponse par courriel, le DGEQ se dit « satisfait » de la décision rendue mercredi.
« Nous sommes satisfaits du travail accompli et du résultat, considérant que le fardeau de preuve en matière pénale est élevé : nous devions démontrer les infractions reprochées hors de tout doute raisonnable. [...] Nous espérons que cette affaire aura une portée dissuasive pour éviter d'autres situations similaires », écrit la porte-parole Julie St-Arnaud-Drolet.
Elle confirme également que si le verdict de culpabilité est maintenu malgré l'appel de Julie Dufour, cette dernière ne pourra ni voter ni être candidate à une élection pour une durée de cinq ans.
« Au terme des procédures d’appel, si le jugement de culpabilité est maintenu, la sanction s’appliquera 30 jours plus tard. »
Rappel des événements
En octobre 2024, le directeur général des élections du Québec (DGEQ) avait fait parvenir trois constats d’infraction à la mairesse pour avoir enfreint la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
Il lui reprochait d’avoir tenté de dissuader trois adversaires politiques de se présenter à la mairie contre elle lors des élections de 2021 en leur offrant des bénéfices ou un poste dans l’appareil municipal.
Ces trois personnes sont l’actuel conseiller Jean-Marc Crevier, l’ex-député libéral Serge Simard et l'ex-candidate à la mairie Jacinthe Vaillancourt. Ils ont tous les trois témoigné lors du procès.
Une partie de la défense jugée non crédible
Le juge a indiqué d’emblée que les explications fournies par la défense n’étaient pas crédibles concernant la rencontre entre Serge Simard et Julie Dufour. « Ce n'est pas crédible de s’intéresser à quelqu'un dont la campagne bat de l’aile", faisant référence à celui qui était à ce moment-là un adversaire politique de la défenderesse. Le juge a également tenu compte du témoignage du conseiller municipal Michel Potvin.
« Il ressort de la preuve, dans son ensemble, que la défenderesse sait se défendre », a mentionné le juge Louis Duguay.
Lors du procès, la mairesse a choisi de présenter sa version des faits dans des affidavits, des documents juridiques rédigés sous serment. Elle n’a pas témoigné en personne devant le tribunal.
Dans sa décision, le juge revient sur ces déclarations écrites en mentionnant : « On ne peut passer sous silence certains propos de la défenderesse tirés de sa déclaration assermentée. »
« On peut comprendre qu'une personnalité publique peut donner dans l’enflure verbale, mais beaucoup moins dans le cadre d’une déclaration faite sous serment. Cela la discrédite également », écrit le juge.
En revanche, sauf erreur de date, le magistrat indique que le témoignage de Serge Simard « ne souffre d’aucune discordance ».
« Le tribunal déclare ne pas croire la version de la défenderesse, pas plus qu'il considère vraisemblable la défense offerte en l’instance », peut-on lire.
Des explications concernant Jean-Marc Crevier et Jacinthe Vaillancourt
Quant au deuxième chef d’accusation, le juge mentionne qu’on ne peut faire abstraction du conflit entre M. Crevier et Mme Dufour.
Il souligne une contradiction quant à une date soulevée dans les dépositions de Jean-Marc Crevier et de Josée Néron. Le juge Duguay indique que plusieurs éléments soutenus par M. Crevier n’ont pas été appuyés par des témoignages.
« Il est probable que les événements entourant la rencontre entre M. Crevier et la défenderesse se soient déroulés de la façon mentionnée par ce dernier, mais le Tribunal ne peut pas s’en convaincre hors de tout doute raisonnable », indique le juge.
Quant au dernier chef d’accusation qui concerne la candidate Jacinthe Vaillancourt, le juge se dit surpris qu’elle contacte des intermédiaires politiquement impliqués plutôt que de se tourner vers le DGEQ pour parler à un enquêteur.
Louis Duguay souligne aussi le fait que Mme Vaillancourt a soulevé un événement survenu lors d’une réunion du comité électoral « au cours duquel la défenderesse déclare que M. Crevier s’occupera des conventions collectives sous son administration » seulement lors du procès, alors qu’elle avait rencontré l’enquêteur Dufour « à deux reprises ».
Dans ce cas aussi, des éléments énoncés par Mme Vaillancourt n’ont pas été endossés par des témoins. La dégradation de la relation entre les deux femmes a également été évoquée dans la lecture du verdict. « Dans son témoignage se dégage parfois une impression d’amertume", remarque le juge.
« Du témoignage rendu en poursuite subsiste un doute dans l’esprit du Tribunal, au bénéfice de la défenderesse. »
Des plaignants réagissent
L'ex-député libéral Serge Simard a salué la décision du juge Louis Duguay. Il déplore toutefois que le dossier en soit arrivé là.
« Elle disait qu'on était des menteurs, qu'on était des revanchards, qu'on était des gens qui n'avaient pas de crédibilité. Si je n'avais pas fait de plainte à ce moment, j'aurais eu l'air de quoi? » soulève-t-il.
« Moi, je n'ai pas gagné. Il faut bien comprendre que ce n'est pas un gain, là; c'est triste d'en être rendu là, c'est vraiment un événement qui est très triste. C'est triste pour la démocratie, c'est triste pour le contribuable », poursuit M. Simard.
Pour sa part, Jean-Marc Crevier a avoué qu'il a poussé un soupir de soulagement après la lecture du verdict, même si le magistrat a jugé que ses prétentions ne pouvaient pas être prouvées.
« Moi, j'ai dit la vérité là-dedans. [...] En disant la vérité, moi, je suis satisfait, je suis content. Je me disais ce matin : ça en prend un [que le juge] va croire, puis là, il croit M. Simard. »
Jacinthe Vaillancourt a quant à elle décliné la demande d'entrevue de Radio-Canada, mais elle indique qu'elle s'en remet à la décision du juge, qu'elle respecte.
Elle se dit également soulagée que la décision ait enfin été rendue, étant donné la lourdeur du processus judiciaire. Mme Vaillancourt précise également que l'important pour elle était de livrer sa version des faits.
De son côté, l'ancienne mairesse Josée Néron, qui est à l’origine de la poursuite à l'endroit de Julie Dufour, a indiqué qu'elle ne commentera pas le dossier puisque la cause risque d'être portée en appel.