L’auteur de l’attaque du Vieux-Québec mélangeait les jeux vidéo et la réalité
Radio -canada
2022-04-28 13:28:00
« Fallait que j'élimine des gens un soir de l'Halloween, avec la pleine lune. Fallait que je le fasse », a-t-il témoigné, à la première journée de la présentation de sa défense.
Carl Girouard a raconté s'être senti investi d'une mission pour changer le monde pour le mieux. C’est pour ça qu’il fallait établir un chaos pour faire un Nouveau Monde.
C'est dans cet état d'esprit qu'il a pris la route pour Québec, le jour du drame, après avoir dessiné le symbole du chaos dans le miroir de la chambre de son appartement de Sainte-Thérèse.
« C'est difficile de me mettre dans la peau de Carl Girouard de ce moment-là », a-t-il insisté, tout en soutenant être bien différent aujourd'hui.
Il s'est rappelé que le trajet de trois heures lui a paru normal et qu'il n'était pas angoissé, ce qui change une fois à Québec : « j'avais peur ».
Son plan consistait à entrer dans le Château Frontenac pour y mener à bien sa mission, mais la peur l'a envahi.
« Le côté rationnel a combattu mon côté émotionnel », a-t-il encore expliqué, au sujet de ses deux personnalités.
Sans sortir de son véhicule, il est reparti avant de revenir se stationner près du Château quelques minutes plus tard.
Il a assuré qu'il n'avait pas envie de le faire, et qu'il a dû prendre le temps de « se fâcher » pour être capable de passer à l'action.
Après être sorti de son véhicule, il a constaté que la porte du Chateau Frontenac était fermée.
Il a fait demi-tour, avant d'agresser la première personne qu'il a vue.
« Fallait qu'il y ait des morts pour ma mission, pour alerter mes alter ego », a-t-il répété.
Rémy Bélanger a survécu à cette attaque sauvage, ce que l'agresseur a alors considéré comme un échec.
« Ça m'a encore plus fâché », a-t-il expliqué au jury, disant qu'il ne voulait pas échouer. « Fallait vraiment que j'exécute la deuxième personne », a-t-il poursuivi. Ce qu'il fera, en tuant Francois Duchesne.
Il s'est souvenu avoir attaqué les 3e et 4e victimes, mais pas de leur réaction.
« Ces personnes-là ne sont pas décédées », lui a fait remarquer son avocat.
« Dieu merci! », a lancé Girouard.
Sa mission s'est poursuivie sur la rue des Remparts, où il a attaqué mortellement Suzanne Clermont. C'est à ce moment qu'il a constaté un changement dans son état d'esprit.
« J'ai fait ma mission, mais c'est différent de ce que j'avais pensé », a-t-il dit.
Alors qu'il s'attendait à être investi d'un sentiment d'accomplissement, ça n'a pas été pas le cas. « Ça m'a dit que la mission ne faisait peut-être pas autant de sens », a ajouté l'accusé.
« Je commençais à me dire pourquoi j'ai fait ça », selon Carl Girouard, témoignant à son procès
Malgré tout, il a attaqué un groupe de jeunes, alors qu'il a dit vivre une lutte intérieure entre ses deux personnalités, avant de se cacher pour tenter de réfléchir calmement.
Par la suite, il est resté dans un buisson pendant plus de deux heures, avant d'être finalement repéré et arrêté par la police.
Lors de la fouille du véhicule du tueur, les policiers ont retrouvé des bidons d'essence.
Selon l'accusé, son plan prévoyait un rituel à réaliser avant de se lancer dans sa mission.
« Fallait que je sois assez courageux pour tuer ma famille et bruler la résidence pour montrer à mes alter ego, jusqu'où il fallait aller », poursuit Carl Girouard, témoignant à son procès
Il a cependant décidé de ne pas mettre à exécution ce rituel, puisqu'il se sentait prêt à réaliser sa mission.
Jeux vidéos et monde réel
Les jeux vidéos ont occupé une bonne partie de la vie de Carl Girouard et joué un rôle important dans son passage à l’acte, à en croire son témoignage.
Il a dit avoir commencé à 15 ans à jouer frénétiquement, préférant les jeux violents impliquant des combats avec des armes blanches.
Il a affirmé s'être alors désintéressé de l'école, pendant que son monde virtuel prenait de plus en plus d'importance.
« Je mélangeais le monde des jeux vidéos avec le monde réel. Il fallait vivre dans un monde comme dans les jeux vidéos. »
Il a ainsi résumé son emploi du temps dans les mois qui précèdent l’attaque : « je prenais beaucoup de café, je fumais du haschich et je jouais à des jeux vidéos ».
Il a raconté avoir d'ailleurs joué en ligne pendant plus de 24 heures, sans dormir.
Monde meilleur et chaos
Selon le témoignage de l'accusé, son idée de créer un monde « meilleur » en créant le « chaos » s'est cristallisée vers l'âge de 17 ou 18 ans.
Il a alors commencé à y penser constamment.
« C’est comme un deuxième monde dans ma tête, illustre-t-il, il y avait un autre Carl Girouard qui était concentré sur la mission. »
Mourir en accomplissant sa mission
Une mission pendant laquelle il va mourir, mais qui va se poursuivre grâce à ses alter ego.
Questionné à ce sujet par son avocat, Girouard n'a pas été en mesure d'identifier qui sont ces personnes, habitées par le même désir de créer un Nouveau Monde.
Mais pour les alerter, il a choisi d'agir à l'Halloween, un soir de pleine lune.
Criminellement responsable?
Son avocat Me Pierre Gagnon entend démontrer qu'il ne peut pas être déclaré criminellement responsable, en raison de ses troubles mentaux.
Après avoir évalué différents endroits pour remplir sa « mission », Girouard a arrêté son choix sur le Vieux-Québec en raison de « son décor plus ancien avec des statues comme dans mes jeux vidéos ».
Durant toute sa vie, il a préféré ne pas tisser des liens avec les gens, sachant qu'il allait mourir en accomplissant sa mission.
« J’étais méfiant d’en parler. Je ne pouvais pas me faire arrêter, parce que ma mission était de la plus haute importance. »
Selon ses prétentions, il ne pouvait pas tenter de trouver des alter ego : « c'est une mission top secret ».
« C’est pour ça qu’il fallait établir un chaos pour faire un Nouveau Monde, pour envoyer un message à mes alter ego pour qu'ils poursuivent le travail », a-t-il ajouté.
Contre-interrogatoire
Le procureur de la poursuite, Me François Godin a commencé à contre-interroger Girouard.
L'avocat a tenté de démontrer que le tueur était parfaitement capable de faire la différence entre le bien et le mal, à différentes étapes de la planification de sa mission.
« Faire le mal, c'était faire le bien », s'est expliqué Girouard à ce sujet.
Son contre-interrogatoire va se poursuivre jeudi.
Sa mère témoigne
La défense a commencé à présenter sa preuve en faisant témoigner la mère de l'accusé.
Monique Dalphond, qui a élevé quatre garçons, a décrit son fils Carl comme un enfant solitaire et renfermé.
Sa mère a dit avoir constaté chez lui un comportement inapproprié dès la maternelle. Ça a été le cas durant tout son parcours scolaire.
À la fin du primaire, il a été traité avec du Concerta. Il cessera de lui-même de prendre le médicament vers la fin de la première année du secondaire, selon la mère.
Quand il atteint la majorité, Girouard s'est procuré une carte de crédit.
Sa mère a indiqué qu’il avait alors un intérêt très marqué pour les armes blanches et les costumes de samouraï.
« C’était une collection », a témoigné la mère. Même si la chose l’inquiète, elle a ajouté qu’il s'agissait de son seul intérêt, avec les jeux vidéo.
« Il n’a pas de vie sociale, pas d’amis », a résumé la femme.
En 2016, elle dit avoir constaté une chose inquiétante. « Carl parlait tout seul dans sa douche et riait tout seul », a-t-elle indiqué au jury.
Après son témoignage, la mère est restée dans la salle d'audience pour écouter celui de son fils, échappant à l'occasion des sanglots.
Anonyme
il y a 2 ansUne défense de non-responsabilité pour troubles mentaux repose nécessaurement sur des expertises, alors quel est l'utilité du témoignage de l'accusé ? Les experts vont-ils s'appuyer là dessus pour fonder une partie de leur expertise?
A
il y a 2 ansSeulement les imbéciles sont fans de jeux vidéos.
Ça rend idiot.
Anonyme
il y a 2 ansÉvidemment que le témoignage de l'accusé est essentiel. Une preuve d'expert doit s'appuyer sur des faits qui sont en preuve. Si l'accusé ne témoigne pas, alors l'expertise repose sur du vide. Pour juger si l'expertise est valide, il faut regarder si elle est en lien avec la preuve au procès, dont le témoignage de l'accusé. C'est la base en droit criminel.