Le boom du droit municipal

Daphnée Hacker-B.
2013-01-14 15:00:00
« Depuis un an, je suis plus sollicité par les municipalités pour des demandes de vérification préalables, et ceci était bien moins récurrent dans le passé », explique le fondateur du cabinet LeChasseur.
Pour cet avocat qui conseille les municipalités de l’Île de Montréal et de certaines autres de la Rive-Sud depuis plus de dix ans, il y a une crainte généralisée parmi les élus que leurs décisions soient mal interprétées par le public.

Mais rappelons que le Québec compte plus de 1000 municipalités. Il y a donc un grand nombre d’individus aux quatre coins de la province qui veulent éviter de ternir leur image dans une histoire de collusion.
Avant tout un souci d’apparence
Ce faisant, dans la ville de Québec et ses environs, Me Daniel Bouchard est parmi ces avocats qui sont plus fréquemment consultés par les élus municipaux.
« Mes clients me posent beaucoup plus de questions qu’auparavant et veulent prendre plus de précautions avant de faire un choix », indique celui qui vient d’être nommé associé-directeur du bureau de Lavery à Québec.
Mon cousin a soumissionné pour avoir un contrat de la ville, y a-t-il un problème ? Voilà un exemple de question fréquemment posée par les dirigeants de petites municipalités à Me Bouchard.
« Il y a clairement un désir de s’assurer du respect de la loi et de l’absence de favoritisme. C’est simple, on veut maintenir une image de transparence et d’impartialité et de fait, la confiance des électeurs », dit-il.
Plus de travail pour les avocats ?
Pour les avocats en droit municipal, cette situation se concrétise actuellement par un nombre plus important de consultations juridiques en amont.

Même si la majorité des cabinets œuvrant avec le monde municipal se retrouvent avec une charge de travail supplémentaire, est-ce pour autant un boom du droit municipal?
« Il y a une croissance en ce moment, mais je ne suis pas certain qu’elle va se maintenir. Je crois plutôt que notre rôle va peu à peu évoluer, et qu’il va se concentrer à accompagner les clients lors de la prise de décision plutôt que de réparer les pots cassés », répond Me Bouchard.
Partageant le même avis, Marc-André LeChasseur ne croit pas que la présente situation ouvrira forcément des portes à la relève. « Le droit municipal est un domaine hyper spécialisé et la relève est malheureusement peu valorisée dans les universités. »
En plus de ce désintérêt de la relève, ce dernier affirme que les cabinets externes seront de moins en moins impliqués dans les conseils stratégiques, donc moins de travail en perspective.
« Plusieurs projets de lois et mécanismes sont en cours pour encadrer le milieu municipal. À l’avenir, les municipalités vont donc agrandir leur contentieux, ne laissant que le litige comme travail externe. »
Celui-ci rappelle que divers projets de loi aideront à assurer la conformité des règlements municipaux. Parmi ceux-ci, on note la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics qui sera instaurée l’an prochain, et qui confère à l’Autorité des marchés financiers la responsabilité de vérifier la conformité des entrepreneurs qui veulent soumettre leur candidature.
Autant de changements en vue qui semblent annoncer tout sauf un boom du droit municipal à long terme.
Un changement qui a du bon
« Même si elle n’est pas rose pour ce qui est de la croissance de notre secteur de pratique, cette situation a du bon », dit Me Bouchard.
L’avocat qui côtoie le monde municipal depuis 30 ans espère voir une diminution des dossiers controversés. Si le souci des vérifications préalables demeure, non seulement les risques de collusion et de corruption pourraient être amenuisés, mais des économies de toutes parts pourraient être faites.
« Une rencontre d’une heure pour s’assurer d’être conforme, ça coûte bien moins cher que des journées d’audition à la cour. »
En effet, lorsqu’on y pense, consulter quelques heures un professionnel qui demande 300$ de l’heure revient bien moins cher que d’entamer des procédures judiciaires qui, pour un dossier légèrement envenimé, peuvent facilement engendrer des coûts de l’ordre de 50 000 $.
« Nous sommes aussi des contribuables après tout, renchérit Me LeChasseur, nous souhaitons voir notre société fonctionner de façon plus transparente. »
Me LeChasseur se réjouit ainsi du vent de changement qui souffle sur le monde municipal.
« Il s’est passé beaucoup de choses dans le passé, surtout sur la couronne entourant Montréal, qui étaient très préoccupantes pour les professionnels honnêtes », admet-il.
Certains cabinets risquent d’être éclaboussés lors des travaux de la commission Charbonneau, et ceci pourrait nuire à l’image des avocats du droit municipal.
« C’est un mal nécessaire, indique Me Bouchard. La population a besoin de faire confiance au système et ces cabinets, comme les autres personnes coupables, doivent faire face à la loi ».