Le secret professionnel « questionné » en cour
Stéphane Tremblay
2022-12-06 10:15:00
À l’instar des avocats et autres juristes, les professionnels peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser la communication de documents confidentiels, dans le cadre de procédures judiciaires ou en réponse à une demande d’accès à un document d’un organisme public.
Ce sont des copropriétaires d’un gîte dans la région de Charlevoix, plus précisément dans la localité de Saint-Siméon, qui souhaitent obtenir la raison d’un refus de la MRC pour l’obtention d’un permis d’agrandissement et de démolition, qui soulève la question du secret professionnel.
Les avocats Me Simon Voyer, du cabinet Tremblay Bois Mignault Lemay, procureur de la MRC et de la partie intervenante, la Fédération des municipalités du Québec, et Me Gabrielle Bergeron, de Morency, société d’avocats, pour la municipalité, ont souligné que le droit au secret professionnel est codifié autant à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne qu’à l’article 60.4 du Code des professions.
C’est que pour répondre aux exigences des demandeurs, Johanne Tremblay et Guy Bernard, la MRC de Charlevoix-Est devait dévoiler le rapport d’un urbaniste de la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales, consulté dans le présent dossier afin de réduire les risques de débordement de la rivière du Port au Persil, là où se trouve la propriété des demandeurs.
Chaque cas est un cas d’espèce
Dans sa décision, le juge administratif, Normand Boucher, souligne tout d’abord que ce ne sont pas tous les documents préparés par un professionnel qui sont automatiquement protégés par le secret professionnel.
Cependant, il précise que le document sera protégé par le secret professionnel si l’auteur reçoit des renseignements confidentiels aux fins de sa production ou s’il fournit des conseils, le tout dans une relation professionnelle d’aide. « En matière de secret professionnel, chaque cas est un cas d’espèce » .
Deux conditions doivent donc être démontrées pour que le secret professionnel s’applique : La Loi impose une obligation de silence à une personne et l’obligation prend sa source dans une relation d’aide.
À la lumière du dossier, le juge mentionne que la première condition est remplie puisque l’urbaniste est légalement tenu à une obligation de silence à l’égard des renseignements confidentiels dont il a pris connaissance dans l’exercice de sa profession.
Pour la deuxième condition, elle est également satisfaite, la preuve révélant que le document en litige contient des recommandations formulées par un urbaniste, dans le cadre d’une relation professionnelle d’aide. Ces recommandations au nombre de 18 devraient en outre permettre à la MRC de mitiger les risques associés à des débordements de la rivière du Port au Persil.
Le document a été consulté par d’autres
Quant aux allégations formulées par les demandeurs voulant que le document en litige ait circulé à l’interne, parmi les membres de la MRC et de la FQM, ces allégations ne permettent pas de prouver que les deux organismes publics ont renoncé au privilège du secret professionnel.
La responsable de l’accès de la MRC a certifié que le document en litige a été consulté par les membres du conseil et qu’ils ont voulu qu’il ne soit pas divulgué. Elle a attesté par ailleurs que l’accès à ces documents a été réservé à l’usage interne et qu’il n’y a eu aucune autre divulgation.
Par conséquent, la Commission d’accès à l’information souligne que le secret professionnel protège le document en litige puisque celui-ci a été rédigé à la demande de la MRC et de la FQM, dans le cadre d’une relation d’aide offerte par un professionnel spécialisé dont les services ont été retenus. De plus, la finalité même de l’expertise produite était de conseiller les deux organismes concernés dans le cadre de la réalisation de leur mission respective. La MRC et la FQM n’ont pas renoncé au secret professionnel.
La Commission cite en exemple l’affaire D.G. c. Québec (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs) pour dire que la renonciation peut être explicite ou implicite. Néanmoins, dans tous les cas, un consentement éclairé est requis pour que cette renonciation soit valide. Par ses actes, le détenteur du secret peut autoriser tacitement la divulgation dans la mesure où sa volonté est exprimée clairement et volontairement. À l’inverse, le dévoilement par inadvertance ne s’assimile pas à une renonciation.
Finalement, le juge rejette les demandes de révision déposées à l’encontre de la municipalité de même qu’à la MRC.