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Le Tribunal des professions dit non à un aspirant avocat

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Élisabeth Fleury

2025-08-07 15:00:37

Le Tribunal des professions confirme la décision du Comité des requêtes du Barreau du Québec de refuser l'admission à un aspirant avocat. Mais pourquoi donc?

Isabel J. Schurman


Le Tribunal des professions rejette l'appel de Nathaniel Thomas, estimant que le Comité des requêtes du Barreau n'a commis aucune erreur en lui refusant l’accès à la profession.

La décision a été rendue le mois dernier par les juges Thierry Nadon, Patricia Compagnone et Manon Gaudreault.

Mes Isabel J. Schurman et Philippe Morneau agissaient pour l’appelant, Me Sylvie Champagne, pour le Barreau (l’intimé), et Me Sarah Thibodeau, pour le Comité des requêtes du Barreau (le mis en cause).


Philippe Morneau
Antécédents judiciaires ou pas?

En janvier 2007, Nathaniel Thomas plaide coupable à deux chefs d'accusation de voies de fait punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le juge sursoit au prononcé de sa peine et lui impose une probation de 12 mois assortie de 30 heures de travaux communautaires.

Plus de 10 ans plus tard, en 2018, l’appelant, un ex-employé de la Banque nationale, est de nouveau accusé, cette fois pour des délits liés à l'obtention frauduleuse de services informatiques et au trafic de renseignements identificateurs.

En 2020, il soumet une demande d'admission à l'École du Barreau et d’admissibilité à la formation professionnelle au Comité d’accès à la profession pour l’année 2020-2021.

Dans le formulaire, il lui est demandé s’il a déjà été déclaré coupable d’un ou de plusieurs acte(s) criminel(s) ou d’une ou de plusieurs infraction(s) punissable(s) sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Il répond par la négative.

Cette affirmation était pourtant contredite par un certificat de police attestant de ses antécédents judiciaires de 2007, qu'il avait lui-même fourni au soutien de sa demande.


Sylvie Champagne

Première audition devant le Comité d’accès à la profession

En juillet 2020, le Comité d’accès à la profession tient une audition au cours de laquelle l’appelant explique les circonstances entourant les accusations de 2018, cause qui est à ce moment pendante. Sous serment, il nie les faits ayant mené à ces accusations. Il n’est aucunement question lors de cette audience de ses antécédents judiciaires de 2007.

En août 2020, le Comité d’accès à la profession déclare l’appelant admissible à la formation professionnelle de l’École du Barreau du Québec.

En novembre 2021, l’appelant plaide coupable au chef d’accusation amendé d’avoir trafiqué des renseignements identificateurs d’autres personnes.

Dans le cadre de la recommandation commune de peine formulée au juge par les parties, l’avocat de l’appelant plaide que son client est sans antécédents judiciaires. La recommandation conjointe est suivie par le juge et l’appelant est absout inconditionnellement.


Sarah Thibodeau
Deuxième audition devant le Comité d’accès à la profession

En avril 2022, une deuxième audition est tenue par le Comité d’accès à la profession afin de déterminer si l’appelant possède les mœurs, la conduite et les qualités requises pour exercer la profession d’avocat.

Lors de cette audition, l’appelant explique pourquoi il croyait ne pas avoir de casier judiciaire. Le Comité conclut que l’appelant est inadmissible à poursuivre sa formation professionnelle, sa crédibilité étant mise en doute.

Les appels

Nathaniel Thomas porte cette décision en appel au Comité des requêtes du Barreau du Québec, qui la maintient. Il fait donc appel devant le Tribunal des professions.

Avant l’audition de cet appel, l’aspirant avocat se voit refuser la production de ce qu’il pensait être une nouvelle preuve, soit un pardon obtenu en 2023 à l’égard de ses antécédents de 2007 ainsi qu’un certificat d’absence d’antécédents judiciaires obtenu subséquemment au pardon.

Les arguments de l’appelant

En appel, il invoque que le Comité des requêtes du Barreau a erré en concluant qu’il n’avait pas dévoilé ses antécédents. Il allègue également que le Comité n’aurait pas suffisamment détaillé les motifs menant à cette conclusion et qu’il aurait écarté un élément de preuve lui étant favorable, soit le Certificat de police canadien attestant de ses antécédents judiciaires de 2007.

L’appelant soutient en outre que l’intimé a erré en concluant que son plaidoyer de culpabilité à l’infraction de trafic de renseignements identificateurs était gage d’absence des mœurs et des qualités requises pour exercer la profession d’avocat.

Le rôle d’un tribunal d’appel

Dans sa décision, le Tribunal des professions rappelle que le rôle d'un tribunal d'appel n'est pas de juger à nouveau une affaire. Il doit plutôt vérifier si le Barreau a commis une erreur manifeste et déterminante.

Il souligne également que le Barreau lui-même ne siégeait pas en appel de novo de la décision attaquée du Comité d’accès à la profession. « Ainsi, il ne devait pas analyser la preuve pour substituer son opinion à celle du Comité », écrit-il.

La décision du Tribunal des professions

Selon le Tribunal des profession, la décision du Comité d’accès à la profession n'était pas fondée sur le simple fait d'avoir des antécédents judiciaires ou de ne pas les avoir divulgués, mais sur un ensemble de facteurs :

  • manque de sérieux : l'appelant n'a pas accordé l'importance requise à ses antécédents judiciaires de 2007;
  • témoignage incohérent : le fait de plaider coupable à une infraction qu'il avait niée sous serment devant le Comité d’accès à la profession a été jugé très problématique;
  • comportement trompeur : le Comité d’accès la profession a estimé que le candidat a fait preuve d'un « comportement cachotier » et d'un « témoignage peu vraisemblable », ce qui a créé un gouffre entre ses actions et les valeurs attendues d'un avocat.

« Toutes ces considérations forment un ensemble qui fonde la décision. L’intimé n’avait donc aucun motif d’intervenir auprès de la décision du Comité d’accès à la profession, pas plus que le présent Tribunal », écrivent les juges Nadon, Compagnone et Gaudreault.

Et l’absolution inconditionnelle?

Quant à l’absolution inconditionnelle obtenue par le candidat, le Tribunal souligne qu’elle n'est pas incompatible avec un refus d'accès à la profession d'avocat. Les principes de détermination de la peine, incluant ceux relatifs à l’octroi d’une absolution, sont différents de ceux concernant l’accès à la profession d’avocat, rappelle-t-il.

Droit-inc a tenté de joindre l’avocate de l’appelant, Me Isabel J. Schurman, pour recueillir ses commentaires, mais n'avait pas eu de retour au moment de mettre cet article en ligne.

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