Les 5 jugements de la CSC les plus marquants de 2016

Julien Vailles
2016-12-20 14:30:00
Quelles sont celles qu’il faut le plus retenir cette année?
1. Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec
Date : 3 juin

Pourvoi rejeté.
Cet arrêt met fin à une saga judiciaire de dix ans. Le verdict : l'Agence du Revenu du Canada (ARC) ne peut exiger des renseignements ou des documents à des juristes à des fins de recouvrement ou de vérification fiscale, lorsque ces éléments sont protégés par le secret professionnel. Ainsi, une demande péremptoire faite par l'ARC, pour des documents protégés par le secret professionnel, est une saisie abusive au sens de la Charte canadienne des droits et libertés.
Visée par le même recours, l'Agence du Revenu du Québec (ARQ) était parvenue à s'entendre à l'amiable avec la Chambre. Cette entente prévoyait les modalités selon lesquelles l'ARQ pouvait effectuer des demandes péremptoires sans violer le secret professionnel. Or, l'ARC avait quant à elle refusé un tel accord.
2. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority
Date : 24 juin

Motifs dissidents : La juge Côté
Pourvoi accueilli et pourvoi incident rejeté.
Trois employées d'un laboratoire de l'hôpital Mission Memorial en Colombie-Britannique, ont obtenu gain de cause : la Cour a jugé que le cancer du sein dont elles étaient atteintes avait été causé par leur emploi. La Commission des accidents du travail de Colombie-Britannique avait rejeté la demande des trois plaignantes. Les décisions ont été renversées dans les trois cas par le tribunal administratif de la Commission. La Cour d'appel de Colombie-Britannique avait à son tour donné tort au tribunal administratif, avant de se voir finalement contredite en Cour suprême.
Trois rapports d'expert de l'employeur ont établi qu'il n'existait aucun lien causal suffisant entre le travail et la maladie. Pourtant, la CSC a conclu en sens inverse, se fiant sur le « gros bon sens » pour conclure en faveur des trois plaignantes. Donc, il faut en déduire qu’on peut conclure à la présence d'une maladie professionnelle même sur la foi du bon sens.
3. R. c. Jordan et R. c. Williamson
Date : 8 juillet
Motifs de jugement : Les juges Moldaver, Karakatsanis et Brown (avec l’accord des juges Abella et Côté)
Motifs concordants : Le juge Cromwell (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Wagner et Gascon)
Pourvoi accueilli.
Les affaires Jordan et Williamson ont été rendues simultanément. Les accusés avaient demandé un arrêt des procédures à leur égard parce que leur droit d’être jugé dans un délai raisonnable, prévu par la Charte canadienne des droits et libertés, avaient été bafoués, arguaient-ils. Le plus haut tribunal du pays leur a donné raison.
Ces arrêts, sans doute ceux qui ont fait le plus de remous cette année, fixent donc à 30 mois la durée maximale d’un procès en Cour supérieure et à 18 mois celle d’une affaire en Cour provinciale (Cour du Québec, au Québec). Si un procès, pour des raisons hors du contrôle de l’accusé, dépasse ces délais, celui-ci serait fondé à demander l’arrêt des procédures.
4. Lapointe Rosenstein Marchand Melançon S.E.N.C.R.L. c. Cassels Brock & Blackwell LLP
Date : 15 juillet

Motifs dissidents : La juge Côté
Pourvoi rejeté.
En 2009, dans le contexte de la crise financière, le gouvernement du Canada avait proposé une aide financière à General Motors, en échange de quoi le géant de l'automobile acceptait de fermer plus de 200 concessionnaires dans le pays. Mécontents, 207 concessionnaires ontariens alléguaient qu'on les avait forcés à signer le contrat qui les obligeait à se retirer, et ont intenté une action collective contre un cabinet d'avocats qui leur aurait donné des avis juridiques. Le cabinet a mis en cause comme défendeurs 150 cabinets d'avocats à travers le pays qui avaient eux aussi fourni de tels avis.
Les 32 cabinets québécois concernés ont contesté la compétence des tribunaux ontariens dans cette affaire. Cependant, lorsque les deux parties ne sont pas dans la même juridiction, le contrat se forme lorsque le dernier acte essentiel à sa formation est accompli. Dans le cas présent, il s'agissait de son acceptation. Cette acceptation a été manifestée en Ontario par le vice-président des Ventes, des Services et du Marketing de GM. Par ailleurs, le contrat prévoyait expressément que les lois ontariennes s'appliquaient. Partant, les tribunaux ontariens avaient compétence, a conclu la CSC.
5. Morasse c. Nadeau-Dubois
Date : 27 octobre

Motifs concordants : Le juge Moldaver
Motifs dissidents : Les juges Wagner, Côté et Brown
Pourvoi rejeté.
L’affaire est finalement close dans ce dossier né des revendications étudiantes au printemps 2012. Empêché de faire exécuter l’injonction rendue en sa faveur pour assister à ses cours, Morasse rejetait la faute sur le leader étudiant Nadeau-Dubois qui aurait encouragé les étudiants à braver les injonctions, commettant un outrage au tribunal.
La majorité de la Cour a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que Nadeau-Dubois avait connaissance de l’ordonnance d’injonction rendue, confirmant ainsi la décision de la Cour d’appel et infirmant le jugement de première instance, en Cour supérieure.
Et vous, qu’en pensez-vous?