Pierre Fitzgibbon s'excuse

Thomas Vernier
2025-09-22 12:00:17

Six années après avoir suggéré une « apparence de conflit d'intérêts » impliquant la dirigeante de Québecor Sylvie Lalande, l'ancien ministre Pierre Fitzgibbon présente des excuses publiques et verse 10 000$ à un organisme de promotion des femmes en politique pour mettre fin à un contentieux qui remonte au dossier explosif du Groupe Capitales Médias.
Dans une déclaration conjointe rendue publique lundi, les deux parties confirment avoir conclu une entente hors cour qui clôt définitivement le dossier judiciaire 500-17-111434-208 devant la Cour supérieure.
Me Lalande, qui réclamait initialement 240 000$ en dommages-intérêts, se dit satisfaite des excuses de l'ex-ministre et de la reconnaissance qu'elle « n'a jamais été impliquée, directement ou indirectement, dans le dossier GCM ».
Cette saga judiciaire avait éclaté en novembre 2019 lors de la tentative initialement avortée de sauvetage du Groupe Capitales Médias (GCM), propriétaire de six quotidiens régionaux en difficulté financière.
L'origine du conflit : Capitales Médias et les soupçons de Fitzgibbon
L'affaire avait débuté quand le gouvernement Legault avait refusé de financer le rachat des journaux de GCM par Québecor de Pierre Karl Péladeau. Une coopérative d'employés de GCM s'était alors tournée vers le Mouvement Desjardins pour obtenir du financement, mais Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD) avait initialement décliné la demande.
Surpris de ce refus, le ministre Fitzgibbon s'était demandé publiquement « s'il y avait des forces en présence qui auraient pu faire dérailler la décision ». Il avait alors pointé du doigt Sylvie Lalande, qui cumulait les rôles de présidente du conseil d'administration de Groupe TVA, vice-présidente de Québecor et présidente du CRCD.
Lors d'un point de presse mémorable, quand un journaliste lui avait demandé si Me Lalande était indépendante, M. Fitzgibbon avait répondu : « Répondez à votre question. » À une question sur un possible conflit d'intérêts, il avait simplement dit : « Peut-être. »
Une bataille judiciaire de six ans
Ces insinuations avaient provoqué l'ire de Me Lalande, qui avait mis le ministre en demeure de se rétracter et de s'excuser. Devant son refus catégorique – « On ira en cour », avait-il déclaré –, elle avait démissionné de son poste au CRCD en décembre 2019 pour éviter tout conflit d'apparence dans sa poursuite.
En février 2020, elle avait déposé une poursuite de 240 000$ contre M. Fitzgibbon, réclamant 100 000$ en dommages moraux, 90 000$ en dommages pécuniaires et 50 000$ en dommages punitifs pour « propos et insinuations discriminatoires ». Elle dénonçait avoir été « traînée dans la boue » par un ministre qui avait « instrumentalisé de manière abusive » ses fonctions administratives.
Le dossier avait traîné devant les tribunaux pendant des années, résistant même au départ de M. Fitzgibbon du gouvernement Legault en septembre 2024.
Des excuses qui tardaient à venir
Dans sa déclaration de lundi, M. Fitzgibbon reconnaît finalement que « Mme Lalande n'a jamais été impliquée, directement ou indirectement, dans le dossier GCM » et que « les mesures en place chez Desjardins et CRCD respectaient les normes de bonne gouvernance ».
« Je tiens à présenter mes excuses à Mme Lalande, une administratrice d'expérience, pour les inconvénients que mes propos et mon questionnement ont pu lui causer », écrit l'ex-ministre, qui verse 10 000$ à l'organisme « Groupe femmes, politique et démocratie » choisi par Me Lalande.
Pour sa part, Me Lalande, qui siège sur des conseils d'administration depuis plus de 25 ans, affirme que ces excuses lui « permettent aujourd'hui de tourner la page sur un épisode difficile » de sa carrière et « d'atténuer les torts » causés par les déclarations de M. Fitzgibbon.