Plus de 180 000 $ accordés à un avocat harcelé!
Conduite vexatoire, fausses signatures, attaques personnelles : le Tribunal administratif du travail sanctionne sévèrement un comportement jugé « objectivement très grave »…

Le Tribunal administratif du Travail (TAT) condamne l’ex-employeur de Me Nazar Saaty à lui verser près de 182 000$ pour harcèlement psychologique et congédiement déguisé.
Des vérifications au registre des entreprises nous apprennent qu’une des entreprises, 9253-7273 Québec inc., a été radiée d’office à la suite de la non-production de deux mises à jour annuelles consécutives.
L’autre, 9380-2858 Québec inc., est toujours immatriculée et utilise les noms Aller Canada et Go Canada.

C’est Me Jimmy Marcotte, avocat pour la CNESST, qui agissait pour Me Nazar Saaty, le demandeur.
Bilal Hamidech, absent lors de l’audience, représentait les défenderesses.
Harcèlement, congédiement et usurpation de titre
L'affaire a débuté par une plainte déposée par Me Saaty en janvier 2018. Dans une première décision rendue en mars 2023, le TAT a conclu que Me Saaty avait été victime de harcèlement psychologique de la part de ses supérieurs et hauts dirigeants.
Le tribunal a reconnu que la conduite vexatoire des dirigeants, manifestée par des comportements et gestes hostiles et répétés, avait pour but ou pour effet de l'intimider, de le rabaisser, de l'isoler et de le discréditer, portant ainsi atteinte à sa dignité et à son intégrité psychologique.
Il a été établi que l'employeur avait apposé le titre et la signature de Me Saaty sur des contrats à plus d'une centaine de reprises sans son consentement.
Le tribunal a jugé cet usage illicite comme un geste hostile et une atteinte grave à sa dignité, car il exposait l'avocat à un risque déontologique et légal majeur. L'employé se retrouvait associé, malgré lui, à des abus concernant le programme de parrainage collectif des réfugiés (abus ayant fait l'objet de reportages dans les médias, notamment ici et ici), ce qui a porté directement atteinte à son intégrité professionnelle et lui a causé une grande anxiété.
Ces événements ont eu des séquelles importantes sur sa santé : son anxiété et ses crises de panique ont mené à un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée et à l'aggravation d'une maladie préexistante, en plus de lui causer insomnies, cauchemars et idéations suicidaires.
Son départ en octobre 2017 a d'ailleurs été requalifié en congédiement déguisé et a été annulé puisqu’il était la conséquence directe de ce milieu de travail insoutenable.
Le coût de la non-collaboration
La présente décision visait à fixer les indemnités dues en vertu de l'article 123.15 de la LNT, qui permet au tribunal, lorsqu'il conclut au harcèlement psychologique, de rendre toute décision jugée juste et raisonnable.
Me Saaty réclamait l'indemnisation complète du salaire perdu et l'indemnité de congé annuel jusqu'en janvier 2022, ainsi que 15 000 $ en dommages moraux et 7 500 $ en dommages punitifs.
Les défenderesses ont choisi de ne pas collaborer tout au long de cette étape. L'employeur n'a pas répondu aux communications du tribunal et était absent à l'audience du 6 octobre 2025, ce qui a permis au juge de procéder à l'instruction sans l'entendre.
Mitigation et dommages
Le juge Beaubien a accordé à Me Saaty l'intégralité de sa réclamation pour la perte de revenu. L'indemnité, fixée à 99 950,83 $, a été consentie puisque l'employeur, absent, n’a pas pu se décharger de son fardeau. Une indemnité de congé annuel s'élevant à 5 020,53 $ s'ajoute à cette somme.
Le tribunal a considéré que Me Saaty avait satisfait à son obligation de minimiser ses pertes en fondant son propre cabinet, malgré son peu d'expérience et les difficultés financières et de réputation qu'il a rencontrées.
Outre l'indemnité pour la perte de salaire, une somme de 15 000 $ a été accordée à Me Saaty à titre de dommages moraux en raison des séquelles persistantes du harcèlement sur sa santé. La preuve a démontré l'aggravation de sa colite ulcéreuse et le diagnostic de trouble d'anxiété généralisée, qui se manifestaient par des crises de panique, des insomnies et des idéations suicidaires.
Le tribunal a également accordé les dommages punitifs de 7 500 $ réclamés par Me Saaty pour sanctionner la mauvaise foi de l'employeur et prévenir la récidive.
La preuve a révélé que, même après le départ de Me Saaty, les dirigeants ont continué leur manœuvre hostile en orchestrant des plaintes infondées au Barreau du Québec contre l'avocat, démontrant une intention claire de lui nuire en dehors du cadre de l'emploi. Ce comportement a été jugé suffisant pour justifier l'application de cette mesure dissuasive.
Les intérêts et l'indemnité additionnelle, calculés selon l'article 100.12 du Code du travail, totalisent 54 476,92 $.
L'employeur a été sommé de verser le total de 181 948,28 $ dans les huit jours suivant la notification de la décision.
L’avocat de Me Saaty n’avait pas donné suite à notre demande de commentaires au moment de mettre en ligne cet article. Personne n’avait répondu non plus à notre invitation du côté des défenderesses.