Un avocat réclame à l’heure, la juge impose le pourcentage
Un avocat réclamait d’être payé au tarif horaire pour son travail en appel, le tribunal a dit non…

La Cour du Québec vient de trancher un litige d'honoraires opposant Me Alan M. Stein à son ancien client, Hossein Pourshafiey.
L'enjeu central était de déterminer si l'entente initiale de paiement à pourcentage (30% du gain) s'appliquait uniquement au procès en première instance ou si elle couvrait l'ensemble du litige, incluant l'appel.
La juge Mélanie Dugré a donné raison au client dans sa décision rendue le 9 décembre.
Me Stein agissait personnellement pour la demande principale, mais il était représenté par Luc Séguin, de Séguin Timmons Tremblay, pour la défense reconventionnelle.
M. Pourshafiey, le défendeur/demandeur reconventionnel, était représenté par Me Michel N. Bergman, du cabinet Bergman et associés.

L'affaire prend sa source dans un long litige opposant M. Pourshafiey et sa société à la Banque Toronto-Dominion (TD) en 2013, après que la Banque eut fermé tous leurs comptes. Me Stein a d'abord été engagé pour représenter les intérêts de M. Pourshafiey.
Après une première facture et un paiement initial de 5 000 $, M. Pourshafiey a informé Me Stein qu'il ne pouvait plus acquitter les honoraires sur une base horaire en raison de graves difficultés financières. C'est à la suite de ces difficultés qu'une entente à pourcentage a été signée en septembre 2014, prévoyant que Me Stein recevrait 30 % de tout montant reçu par M. Pourshafiey par un « final judgment, settlement and/or arbitration in the present matter ».
En 2018, la Cour supérieure a donné raison au client, condamnant notamment la Banque à rembourser les honoraires extrajudiciaires encourus par M. Pourshafiey. La Banque a porté ce jugement en appel, ce qui a obligé Me Stein à préparer et à déposer un appel incident pour le compte de son client.
Le cœur du conflit
Dans le cadre du présent litige, Me Stein soutenait que l'entente à pourcentage était terminée avec le jugement de première instance et que le travail pour le dossier d'appel devait être facturé sur une base horaire, à un taux de 600 $ l'heure.
M. Pourshafiey, au contraire, affirmait que l'entente de 2014 continuait de s'appliquer à l'ensemble du contentieux, incluant la procédure d'appel, et qu'il n'avait jamais consenti à une nouvelle entente horaire. Le client demandait de plus le remboursement de toutes les sommes reçues par Me Stein qui excédaient les 30 % prévus, ainsi qu'une compensation pour abus de procédure.
La position du Tribunal
Le tribunal a conclu que l'entente à pourcentage s'appliquait bel et bien à l'ensemble du litige, y compris l'appel. Le juge a rejeté l'argument de Me Stein selon lequel la mention du numéro de la Cour supérieure dans l'objet de la lettre de 2014 limitait le mandat, puisque le litige n'en était qu'à ses balbutiements et l'appel n'existait pas encore.
L'analyse sémantique du terme « final judgment » dans l'entente a été déterminante. Le tribunal a déterminé que cette expression ne pouvait référer qu'à une décision définitive ou passée en force de chose jugée, ce qui est le cas de l'arrêt rendu en Cour d'appel.

De plus, le juge a souligné l'absence d'une nouvelle entente formelle pour le dossier d'appel. L'avocat avait l'obligation déontologique d'informer clairement son client de ses modalités financières. Or, en l'absence de toute communication écrite ou verbale contemporaine à l'appel concernant un changement de mode de rémunération, l'entente initiale devait perdurer.
Le témoignage du client a été jugé franc et sincère, et il a été corroboré par celui d'une avocate qui était stagiaire à l'époque, Me Patrycja Nowakowska. Cette dernière a confirmé que Me Stein lui-même avait fait référence à plusieurs reprises à l'entente à pourcentage et que les factures détaillées, basées sur un taux horaire, avaient été créées exclusivement pour être déposées au dossier de la Cour d'appel, afin de soutenir la réclamation d'abus de procédure contre la Banque, et non avec l'intention d'en exiger le paiement de M. Pourshafiey.
Le calcul final
Le tribunal a conclu que Me Stein avait droit à 30 % du montant total finalement obtenu du litige par M. Pourshafiey, soit 20 693,42 $.
La Banque TD avait versé un montant total de 59 994 $ à Me Stein. L'avocat, malgré le désaccord avec son client, avait transféré la totalité de cette somme de son compte en fidéicommis à son compte chèque.
Après avoir soustrait les honoraires de 20 693,42 $ dus à Me Stein, il restait 39 300,57$. Une partie de ce solde, soit 22 497,77 $, avait été octroyée spécifiquement à la société de M. Pourshafiey, laquelle est dissoute. Le tribunal a statué que ce montant, qui appartient à une personne morale distincte, devait être dévolu à la Couronne fédérale.
Au final, Me Stein a été condamné à verser à M. Pourshafiey la somme de 16 802,80 $, soit la part du montant global qui revenait personnellement au client, avec intérêts, l’indemnité additionnelle et les frais de justice en faveur de ce dernier.
Le tribunal a toutefois rejeté la demande reconventionnelle en abus de procédure. Bien que Me Stein ait tenté de recouvrer les mêmes honoraires dans un recours antérieur rejeté pour une question de procédure, le juge a considéré que la barre de l'abus est élevée et que l'action n'était pas abusive en soi, car elle n'avait pas été jugée sur le fond.
Appel en vue
Invité à commenter, Me Stein s’est dit « respectueusement d'avis que la juge de première instance a commis une erreur manifeste en fait et en droit lorsqu'elle a étendu l'accord d'honoraires conditionnels que j'ai signé avec mon client aux honoraires juridiques encourus par mon client et découlant de l'appel qui a été déposé par le défendeur TDBank ».
« Par conséquent, j'envisage de déposer un appel du jugement de la juge de première instance », a fait savoir à Droit-inc Me Stein, qui a jusqu'au 8 janvier 2026 pour déposer l'appel.