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Prison, amendes maximales et travaux communautaires pour un youtubeur

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Élisabeth Fleury

2025-08-12 14:15:16

Aux grands maux les grands moyens: la Cour supérieure impose la prison, des amendes salées et des travaux d’utilité publique à un youtubeur montréalais…


Hicham Jerando - Source : La Maison Jerando


Le juge Sylvain Lussier a rendu les 24 et 25 juillet trois décisions dans trois dossiers, dont deux parallèles, impliquant l’homme d’affaires et youtubeur montréalais Hicham Jerando, reconnu coupable d’avoir diffusé de manière répétée des vidéos diffamatoires en violation d’ordonnances judiciaires.

Hicham Jerando est un ressortissant marocain installé à Montréal qui oeuvre dans l’industrie du vêtement et qui se présente comme un militant anticorruption.

Dans le premier jugement, qui fait suite à un verdict de culpabilité prononcé en novembre dernier, le juge Sylvain Lussier a imposé 150 heures de travaux d’utilité sociale à Hicham Jerando pour avoir refusé à plusieurs reprises de se conformer à des ordonnances judiciaires.

Le demandeur, Abderrahim Hanine, était représenté par Me Claude Lamarre, alors que le défendeur était absent et non représenté.

Un mépris continu envers le système judiciaire

L'affaire tire ses origines de vidéos diffusées sur sa chaîne YouTube, Tahidi, qui dénigraient Abderrahim Hanine, un magistrat marocain. Malgré les injonctions de la cour lui ordonnant de retirer le contenu diffamatoire et de cesser toute nouvelle publication de ce genre, Jerando a continué de désobéir.

Bien qu'il ait finalement retiré les vidéos après plusieurs délais, il a fait preuve d'un « mépris » continu envers le système judiciaire, selon le tribunal.

Lors de l'audience pour la détermination de la peine, Hicham Jerando ne s'est pas présenté, malgré un avertissement dûment reçu.

Cette absence est venue s'ajouter à d'autres actes d'insouciance. En novembre dernier, Jerando avait faussement déclaré à un huissier qu'il avait déménagé aux États-Unis, alors qu'une enquête a révélé qu'il était toujours à Montréal et gérait son commerce de vêtements.

Le tribunal a souligné que Jerando avait déjà été condamné pour des faits similaires par le passé, ce qui démontre qu'il « n'a visiblement pas compris et ne veut visiblement pas comprendre » la gravité de ses gestes.

En tenant compte de la récidive et du manque de respect flagrant pour les décisions de la cour, le juge a opté pour la peine de travaux d'utilité sociale, estimant qu’ils étaient plus appropriés qu'une amende. L’argent récolté aurait été versé à l'État, tandis que les travaux imposent directement une conséquence punitive et dissuasive à Jerando, a justifié le juge Lussier, qui a ordonné au défendeur d'effectuer ses 150 heures de travaux dans un délai de deux mois.

Un accusé au caractère « opiniâtre » et « insouciant »

Dans la deuxième décision, le juge Lussier est allé plus loin: Hicham Jerando a été condamné à une amende de 10 000 $, soit le maximum prévu par le Code de procédure civile, et à une peine de 30 jours d’emprisonnement. La décision fait là aussi suite à une série de violations répétées d'ordonnances judiciaires.

Pour avoir une fois de plus défié la justice en publiant des vidéos diffamatoires sur YouTube, le tribunal a déclaré Jerando coupable d’outrage au tribunal après avoir constaté qu'il avait publié huit nouvelles vidéos entre le 12 et le 18 février 2025, en violation directe d'ordonnances émises par trois juges différents depuis mai 2024. Ces ordonnances lui enjoignaient de retirer tout contenu diffamatoire contre Abderrahim Hanine et de s’abstenir d’en publier de nouveaux.

Dans son jugement, le tribunal a souligné le caractère « opiniâtre » et « insouciant » de l'accusé. Non seulement il a ignoré les ordonnances, mais il a également manqué de respect au processus judiciaire en ne se présentant pas à son audience, a encore une fois souligné le juge Lussier.

Face à cette récidive et à l’entêtement du défendeur, la Cour supérieure a estimé qu'une simple amende ne serait pas suffisante. En plus de l’amende maximale de 10 000$, elle lui a imposé une peine de 30 jours de prison. Selon le juge Lussier, l'emprisonnement est nécessaire pour forcer Jerando à se conformer aux ordonnances.

La peine a pour objectif de « dénoncer la désobéissance, dissuader les délinquants et maintenir le respect de la loi », a fait valoir le juge.

Hicham Jerando devait se rapporter aux autorités policières dans les cinq jours suivant le 1er août pour débuter sa peine. Le juge lui a permis de demander sa libération avant la fin de la peine s’il se conforme à l’injonction et retire toutes les vidéos diffamatoires de YouTube et de tout autre site.

Une autre victime

Enfin, dans la troisième décision, le juge Sylvain Lussier ordonne une autre peine de 30 jours de prison assortie elle aussi d’une amende de 10 000 $ et de 100 heures de travaux d’utilité sociale.

Ce jugement est le dernier chapitre d'une longue saga judiciaire opposant Jerando à l'avocat marocain Adil Said Lamtiri. M. Lamtiri, représenté lui aussi par Me Claude Lamarre, avait obtenu plusieurs injonctions interdisant à Jerando de diffuser des propos diffamatoires, en ligne ou ailleurs, en particulier sur des sujets comme la criminalité, la corruption et le blanchiment d'argent.

Malgré ces ordonnances, Jerando a récidivé juste avant son procès au fond, en février dernier. Il a mis en ligne 10 nouvelles vidéos sur YouTube et TikTok, reprenant les thèmes interdits par les injonctions. Un huissier de justice a documenté la présence de ces vidéos et leur grande diffusion, l'une d'entre elles ayant été visionnée près de 90 000 fois.

Le tribunal a jugé que la synchronisation de ces publications avec la date du procès n'était pas une coïncidence et que la diffusion sur plusieurs plateformes était délibérée.

Le défendeur avait là encore jusqu’au 1er août pour se présenter aux autorités afin de purger sa peine de prison, à défaut de quoi un mandat d’arrêt allait être émis.

Plus tôt en juillet, le juge Horia Bundaru de la Cour supérieure avait condamné Hicham Jerando à verser près de 165 000$ en dommages moraux, punitifs et pécuniaires à Adil Said Lamtiri.

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