Rémunération des médecins : Dubé préfère imposer que négocier, dit Lucien Bouchard

Radio Canada
2025-08-21 13:30:29

Alors que les pourparlers sur la rémunération des médecins stagnent, Lucien Bouchard, négociateur pour la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et ancien premier ministre, dénonce l’intransigeance du ministre de la Santé, Christian Dubé. En entrevue à l'émission Midi info, M. Bouchard a déploré une attitude qu'il juge autoritaire du ministre, qui veut adopter à tout prix le projet de loi 106 devant permettre de moderniser le mode de rémunération des médecins spécialistes et des omnipraticiens.
Les négociations sur ce projet de loi, qui vise notamment à lier jusqu’à 25 % de la rémunération des médecins à des indicateurs de performance, sont dans une impasse totale depuis le début de l'été. Selon Lucien Bouchard, cela s'explique par le fait que le ministre refuse de faire certaines concessions.
C’est quelqu’un qui est névralgique à la négociation. Il s’impatiente vite, il trouve ça difficile et long. Et ce l’est, mais c’est ça, la démocratie, a indiqué l'ancien premier ministre au micro d'Alec Castonguay mercredi.
Le négociateur demande à ce qu'une entente qui viendrait remplacer le projet de loi, qu'il qualifie d'épée de Damoclès, soit négociée en parallèle. Notre combat, c’est de préserver l’indépendance professionnelle, c’est d’empêcher une mainmise démocratique sur la dispensation des soins, a-t-il déclaré sur le plateau d'En direct avec Patrice Roy plus tard en journée.
Lucien Bouchard affirme que les médecins qu'il représente sont ouverts à des cibles de performance, mais à condition d'avoir les moyens nécessaires pour les atteindre. Il évoque, par exemple, l'idée de fixer un nombre d'interventions qu'un chirurgien devrait effectuer, mais demande, en échange, à ce que davantage de blocs opératoires soient disponibles et fonctionnels.
On a 560 salles (d'opération) utilisables au Québec, il y en a 400 d’ouvertes, indique M. Bouchard, qui ajoute : Pendant ce temps-là, les listes (d'attente) s'allongent parce qu'il y a trop de salles fermées. Le ministre Dubé affirme qu'il ne souhaite pas négocier sur ce principe. En entrevue à Tout un matin, il s'est dit ouvert à ce que certaines cibles soient modifiées, mais il juge qu'il n'est pas négociable qu'une portion du budget soit réservée à l'atteinte de ces cibles. Je lis entre les lignes que lorsqu’ils disent qu’ils ne sont pas d’accord avec (le projet de loi) 106, c’est qu’ils ne veulent pas qu’on fasse une ponction dans leur enveloppe pour payer les cibles, a-t-il confié à Patrick Masbourian.
« Ce n'est pas comme ça qu'on exerce le pouvoir »
Le ministre de la Santé maintient que le projet de loi 106 est essentiel pour régler les derniers détails de sa réforme du système de santé. Santé Québec, la société d'État chargée de coordonner les opérations du réseau, lui met par ailleurs de la pression pour le faire.
En entrevue, Christian Dubé a de nouveau souligné que le système de santé québécois a connu cinq grandes réformes dans les 50 dernières années, et qu'à chaque fois, lorsque venait le temps de négocier avec les médecins, le gouvernement abandonnait.
Lucien Bouchard perçoit plutôt le projet de loi comme une attaque non fondée qui fait porter toute la responsabilité aux médecins. Il soutient que c'est le gouvernement qui est investi des responsabilités de gestion du réseau, et qu'il a donc la responsabilité de mettre en place les ressources qui lui permettront de bien fonctionner.
De blâmer les gens qui ont fait des ententes avant, c’est trop facile. Chaque fois qu’il y a eu des discussions, les gens ont fait des compromis pour que ça fonctionne, dit-il. Pour lui, la négociation, ce n’est pas de céder, c’est d’imposer ce qu’on veut, poursuit-il.
Une adoption sous bâillon?
Au mois de mai dernier, le ministre Dubé a assuré qu'il n'imposerait pas de bâillon pour faire adopter sa réforme. S'il prétend qu'il n'est pas rendu là, il affirme qu'il va falloir prendre une décision avant le 21 septembre, date butoir pour les pourparlers. Si le projet de loi passe sans négociation, ce sera dramatique, croit M. Bouchard, qui rappelle que les médecins n'ont pas le droit de grève ni le droit d'arbitrage obligatoire. Ils sont dans une camisole de force parfaite, dit-il de façon imagée. Les deux partis ne se parlent pas pour le moment, selon lui. Cependant, le ministre Dubé persiste et signe. Il affirme même que beaucoup de médecins l'ont appelé pour lui dire de continuer à pousser la réforme, car plusieurs d'entre eux ne seraient pas toujours à l'aise avec leur fédération.