Un cocktail à la Cour d'appel

Amélia Salehabadi
2011-04-21 15:00:00
En fait, le juge Wagner avait été assermenté en privé dès février, la Cour d'appel ayant un besoin urgent de bras (et de cerveaux) pour ne pas retarder indûment les nombreuses causes débattues devant elle.
Selon les dires du juge en chef lui-même, le juge Wagner n’a eu le temps que de déménager ses boîtes et d'enlever ses barres rouges, avant de s'attaquer à l'ouvrage, ce qui eût pour effet de provoquer l'hilarité dans la salle.

Me Claude Joyal représentait, quant à lui, le Ministre de la justice du Canada, Rob Nicholson. Plusieurs Bâtonniers étaient également présents dans la salle dont le Bâtonnier du Québec Gilles Ouimet, Me Elizabeth Green pour le Bâtonnier de Montréal, la bâtonnière du Barreau du Québec Me Lu Chan Khuong, le président de la division du Québec de l'Association du Barreau Canadien Me Gerry Apostolatos et Me Joséane Chrétien, la présidente de l'Association du jeune Barreau de Montréal. Tout ce beau monde en toge, est venu au micro pour rendre hommage à la « nouvelle acquisition » de l'auguste maisonnée.
Les amis et la famille du juge Wagner, dont son épouse Suzanne Côté et ses deux enfants, avocats également (sa fille à CAIJ et son fils chez Heenan Blaikie) faisaient bien évidemment partie des présents.
Moment d'émotion, la lecture par le juge Wagner des serments d'allégeance et d'office. Le juge en chef souhaita une très cordiale bienvenue à la nouvelle recrue, grand travailleur devant l'éternel, en évoquant bien entendu son prestigieux parcours, mais également sa lignée de grand juristes en précisant que « notre nouveau juge est parfaitement bien préparé pour son nouveau rôle, car apparenté à Claude Wagner, le premier ministre de la Justice du Québec en 1965 et sénateur du Canada ». En fait, Richard Wagner est fils et petit fils d'illustres avocats qui ont marqués la scène juridique et politique de la province mais également du Canada.
Comment parler par ailleurs de Richard Wagner sans parler de la CAIJ ? En effet, le CAIJ qui regroupe aujourd'hui un réseau de plus de 39 bibliothèques au service des membres du Barreau du Québec et de la Magistrature, est le bébé de Richard Wagner lorsqu'il était le bâtonnier de Montréal. D'ailleurs, plusieurs des invités n’ont pas manqué de souligner ce point fort de la carrière du nouveau juge, dont Elizabeth Green qui nous révéla qu’« il a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les membres de la profession de la nécessité d'un tel outil ».
Par ailleurs, quelques petits secrets bien cachés du juge nous ont été révélés par les invités.
Ainsi, le Bâtonnier Gilles Ouimet nous a dévoilé que, bien que le juge Wagner ait été un avocat en litige commercial durant sa pratique chez Lavery, il fit son véritable « coming out » juridique lors de son ascension à la Cour Supérieure ; C'est un criminaliste !

Ce à quoi, le juge en chef paraphrasant superbement Madame de Sévigny, rétorqua : « Nous n'avons pas toujours le temps de rendre un jugement court ! »
Le nouveau juge de la Cour d'appel assermenté en février 2011 , a eu un parcours sans faute qui l'amena tout droit vers les marches du plus haut tribunal du Québec, chef lieu du pouvoir judiciaire de la Belle Province.
Auparavant, Richard Wagner a été juge à la Cour supérieure, district de Montréal. Un juge souvent cité par les médias, car il héritait des causes marquantes des dernières années. Marque de confiance sans doute du Juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, jugeant que le juge Wagner pouvait à la fois gérer des dossiers complexes et la pression médiatique. En effet, c'est lui qui présida le premier procès des cinq personnes soupçonnées de complicité avec Vincent Lacroix dans l'affaire Norbourg. Le procès avorta.
Lorsqu'il libéra les jurés, il a eu la classe et l'humanité de le dire qu'ils pouvaient partir la tête haute. À cette occasion, il sorti de sa réserve et en appela toutes les parties « à réfléchir sur la manière dont le processus a été amorcé et mené ».
Après des études à Brébeuf, il a obtenu une licence cum laude en droit de l'Université d'Ottawa en 1979 et a été admis au Barreau du Québec en 1980.
Il pratiqua alors au sein du cabinet de Lavery de Billy, comme avocat plaideur et plus tard à titre d'associé en litige civil et commercial. Par ailleurs, en parallèle à sa carrière de disciple de Thémis, il ne chôma guère puisqu'il a été Bâtonnier de Montréal, Gouverneur de la Fondation du Barreau du Québec, Fellow du Collège canadien des avocats en droit de la construction et vice-président du Centre d'accès à l'information juridique. Il enseigna également le droit à l'école du Barreau du Québec et a agi fréquemment comme conférencier à titre de vice-président du Centre d'accès à l'information juridique (CAIJ).
Soulignons également qu'il fut aussi un médiateur accrédité par le Barreau du Québec et la Cour supérieure du Québec. Ce travailleur acharné, père de deux enfants, maintenant tous deux avocats, est également un grand passionnée de golf et il pratique régulièrement le jogging.

Suite au cocktail (voir encadré) et pour compléter son portrait, le juge Wagner m'accorda une entrevue.
Droit inc.com : Monsieur le Juge, tout d'abord réglons cette question aimez-vous la musique de Richard Wagner
RW: oui, absolument, mais ce n’est pas mon préféré!
Droit inc: Vous sembliez très ému lorsque vous avez parlé de votre père.
RW (les yeux embués): Voyez-vous, ces lieux me le rappellent intensément. En effet, lorsqu'il fut nommé Ministre de la Justice, son bureau se trouvait dans cet édifice. Son bureau est maintenant occupé par mon mentor, le juge Chamberland. Comme, nous le voyions peu alors, je venais lui rendre visite dans ces lieux. J'arpentais ce magnifique lieu avec lui à l'âge de 7 ans, il y a exactement 47 ans. Et maintenant, je travaille ici également. C’est comme une boucle qui se boucle.
Droit inc. : Vous venez d'une grande lignée d'avocats. Votre grand-père et votre père étaient des personnages célèbres du Québec. Vous avez fréquenté un collège huppé, nommément Brébeuf. Que diriez-vous à ceux qui vous diront, pardonnez-moi l'expression, mais il a eu tout cuit dans le bec?
RW : Cela serait une mauvaise conception. Car j'ai toujours travaillé encore plus fort, pour que l'on ne me reproche justement d'être le fils à papa.
Droit inc. : Vous siégez depuis le mois de février à la Cour d'appel. Quelle est la différence avec la Cour supérieure?
RW: C'est deux mondes complètement à part. Le fait de siéger en collégialité par banc de trois est un exercice intellectuel complément différent. Nous faisons de très longues préparations avant de siéger. Nous lisons au complet entre 15 à 16 dossiers par semaine. C'est un travail colossal. Je dois vous dire que je m'aperçois par ailleurs qu'il y a du très bon travail qui se fait à la Cour supérieure.
Droit inc : quel genre de jugements allez-vous rendre?
RW (sans aucune hésitation): des jugements justes, avec un grand J.
Droit-inc: Merci Monsieur le juge
De quoi ça parle les juges durant un cocktail?

Le Juge Dalphond, en grande conversation avec l'ancien Bâtonnier de Montréal, Me Bernard Synnott, me fit un grand honneur, en me reconnaissant de ma photo sur le site. Lui, très au courant des actualités, nous parlâmes des nouvelles du jour. Quant à la juge France Thibault, très élégante dans un tailleur pantalon, et qui préside actuellement le procès Cinar, elle me confia qu'elle était la deuxième plus ancienne juge de la Cour d'appel et qu'avec les 3 autres seules femmes juges à la Cour d'appel, elle tenait le fort féminin de l'institution. "Il nous faut d'autres juges femmes à la Cour, passez le message." Voilà qui est fait.
En fait, j'ai remarqué que les juges femmes présentes au cocktail étaient particulièrement féminines et n'ayons pas peur des mots, belles. Pas du tout l'image austère que le commun des mortels se ferait de juges à la Cour d'appel. La juge Nicole Duval Hesler et la juge sortante Louise Otis m'ont dit que ces perceptions étaient du passé et l'ancien façon de penser. C'est noté.
J'ai profité de l'occasion, pour aborder le juge Nicholas Kasirer, doyen sortant de McGill, pour lui demander, comme une groupie, un entretien basé sur le droit comparé, ma passion et son expertise. Il m'a sourit. Il y a de l'espoir. Histoire à suivre donc.
Finalement,je me suis permise de taquiner des juges de la Cour supérieure qui étaient assis derrière moi lors de la longue cérémonie d'assermentation du Juge Wagner. Ils avaient chahuté comme de petits garçons sur des bancs d'école. Mais je leur ai promis d'en parler à personne. C'est juste entre nous....