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Un ex-employé de Juste pour rire soutient que l’ex-bras droit de Rozon a menti à la cour

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Radio Canada

2025-09-02 13:15:58

Gilbert Rozon subit un procès civil en Cour supérieure depuis décembre dernier pour agressions sexuelles alléguées contre neuf femmes.

Au procès civil de Gilbert Rozon, vendredi, l'ancien responsable des communications de Juste pour rire Jean-David Pelletier a affirmé que Guylaine Lalonde, ex-bras droit de M. Rozon, avait menti au tribunal quant au moment où elle avait appris la teneur des allégations pesant contre le magnat déchu de l'humour, en 2017.

Gilbert Rozon - source : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Mme Lalonde était gestionnaire et cheffe des opérations au Groupe Juste pour rire en 2017 lorsqu'une enquête journalistique, menée conjointement par Le Devoir et le 98,5, avait révélé les allégations portées contre l'ex-magnat de l'humour. En réponse aux questions de Me Bruce Johnston, l'un des avocats des neuf femmes qui poursuivent Gilbert Rozon pour près de 14 millions de dollars pour agressions sexuelles alléguées, Jean-David Pelletier a témoigné en contrepreuve que Guylaine Lalonde avait fait, selon lui, une fausse déclaration au tribunal.

M. Pelletier a dit à la juge Chantal Tremblay avoir été choqué de lire, dans un article de La Presse publié en mai dernier, que Mme Lalonde avait déclaré sous serment avoir été informée de la teneur de ces allégations quelques jours après le 18 octobre 2017. M. Pelletier se dit certain de le lui avoir dit le soir même du 18 octobre 2017.

L'ex-responsable des communications de Juste pour rire a fait une sortie sur les réseaux sociaux pour indiquer que ce que Mme Lalonde avait affirmé était faux.

La tâche d'informer Rozon

Jean-David Pelletier travaillait à Juste pour rire depuis six ans lorsque, le 17 octobre 2017 – jour de son anniversaire a-t-il précisé –, il a reçu un appel de la journaliste du Devoir Améli Pineda.

Le responsable des communications a d'abord cru que cette dernière voulait obtenir, du fondateur de Juste pour rire, des réactions en lien avec des scandales sexuels : l'affaire Jian Gomeshi était survenue peu avant, et l'affaire Harvey Weinstein faisait la manchette.

Chaque fois qu'un tel scandale éclatait, a expliqué M. Pelletier, des journalistes souhaitaient obtenir des réactions de M. Rozon en raison de ce qui s'était passé au manoir Rouville-Campbell. Dans cette affaire, le fondateur de Juste pour rire avait plaidé coupable en 1998 à l'accusation d'agression sexuelle portée contre lui par une jeune croupière de cet établissement de la Montérégie, un plaidoyer de culpabilité que l'homme d'affaires déchu a dit « regretter », en juin dernier, dans l'actuel procès civil.

M. Pelletier a parlé à la journaliste du Devoir le lendemain, soit le 18 octobre 2017. C'est là qu'elle lui a révélé par téléphone que des allégations de harcèlement sexuel, de viol et d'agression sur une personne mineure pesaient sur Gilbert Rozon. Ce jour-là, Jean-David Pelletier affirme avoir eu la délicate tâche d'annoncer à son patron ce qui sera bientôt publié dans le Devoir et diffusé au 98,5.

L'ex-responsable des communications affirme s'être réuni dans un bureau du festival avec Gilbert Rozon, Guylaine Lalonde, Jean-Nicolas Gagné et l'un des fils du magnat de l'humour, Charles Rozon. C'était le 18 octobre 2017 en début de soirée, se souvient M. Pelletier. Devant l'ampleur et la gravité du scandale imminent, Jean-David Pelletier décrit ainsi ce qui se serait passé dans ce bureau : Guylaine Lalonde sacrait. Jean-Nicolas Gagné a dit qu'il fallait agir pour sauver l'entreprise. Charles Rozon a déclaré : On a juste à tout nier.

Gilbert Rozon, lui, est demeuré silencieux. Il était très abasourdi. Cet homme capable de grande prestance était comme un petit oiseau dans sa chaise, comme M. Pelletier le déclarera par la suite à La Presse, en février 2018. Plus tôt, cet été, durant son témoignage en Cour supérieure du Québec, Gilbert Rozon avait déclaré qu'à son avis, Jean-David Pelletier avait fait cette déclaration à La Presse pour se rendre intéressant.

Gilbert Rozon a démissionné le soir même du 18 octobre 2017. Il a annoncé sur sa page Facebook qu'il quittait dès maintenant ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire, de commissaire aux célébrations du 375e anniversaire de Montréal ainsi que de vice-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Travailler à Juste pour rire

Répondant à l'avocate du défendeur, Me Mélanie Morin, M. Pelletier a relaté vendredi qu'il était parfois difficile de travailler pour le Groupe Juste pour rire. En sept ans dans l'entreprise, il dit avoir eu huit directeurs du marketing successifs. Les gens partaient souvent en pleurant après s'être sentis bousculés, humiliés, affirme-t-il, précisant qu'il a dû en consoler plusieurs dans l'ascenseur, au sortir de réunions houleuses. Guylaine Lalonde elle-même était dure pour quiconque n'était pas dans ses bonnes grâces, a-t-il ajouté.

La crise dans laquelle il a été plongé, dans la foulée des allégations de violences sexuelles à l'encontre de Gilbert Rozon, l'a durement affecté. Trois semaines après l'appel de la journaliste du Devoir, Jean-David Pelletier affirme avoir été hospitalisé pour problèmes de santé mentale et épuisement.

Il a toutefois admis à l'avocate du défendeur qu'il avait été fier de travailler pour cette entreprise où sa propre mère et sa marraine avaient travaillé avant lui. Comme premier boulot, à 16 ans, Jean-David Pelletier s'était même glissé dans la peau du bonhomme vert en collants. Il a raconté s'être évanoui un jour dans cet accoutrement, rue Saint-Denis, par une chaleur torride.

Vendredi, Jean-David Pelletier a par ailleurs déclaré avoir reçu, à peine quelques heures plus tôt, de la part de Gilbert Rozon, une demande d'amitié sur Facebook. Ce geste, qu'il dit avoir interprété comme une tentative d'intimidation, l'a mis mal à l'aise. L'avocate du défendeur a dit comprendre le malaise du témoin.

Offrir un droit de réplique à Gilbert Rozon

Outre un bref retour à la barre de Gilbert Rozon, vendredi, pour apporter des précisions à son témoignage, le tribunal a clos la présentation de la preuve avec Monic Néron, qui avait mené l'enquête journalistique du 98,5 en 2017, avec Émilie Perreault. À la demande des avocats des demanderesses, Mme Néron a décrit comment, la veille de la diffusion de son reportage, elle avait tenté de rejoindre Gilbert Rozon pour lui offrir un droit de réplique.

Monic Néron a déclaré qu'en dépit du fait qu'elle disposait, pour l'ex-magnat de l'humour, de quatre numéros de téléphone — ceux de ses cellulaires au Canada et en France, et ceux de ses domiciles dans ces deux pays — elle n'a pas été en mesure de lui parler.

Les deux messages qu'elle a laissés au producteur et homme d'affaires faisaient état des témoignages de neuf femmes, faits pour la plupart à visage découvert, et comportant des allégations d'agressions sexuelles sur une période de 35 ans, de 1982 à 2017. Ce sera Jean-David Pelletier qui rappellera Monic Néron pour lui dire que Gilbert Rozon n'allait formuler aucun commentaire avant la diffusion du reportage.

Après la diffusion, la journaliste dit avoir réitéré au patron de Juste pour rire son offre de commenter l'affaire. Sans succès. Certaines des femmes qui ont accepté de participer à l'enquête journalistique sont des demanderesses dans le présent procès : Anne-Marie Charette, Sophie Moreau et Lyne Charlebois. Deux autres femmes, Pénélope McQuade et Salomé Corbo, sont témoins de faits similaires.

Protection des sources journalistiques

Le procès en Cour supérieure a failli prendre une autre tournure vendredi, quand les avocats du défendeur ont réclamé d'obtenir, dans leur intégralité, les enregistrements des témoignages recueillis en 2017 par Monic Néron, et que cette dernière a déclaré avoir encore en sa possession. Après que l'avocat représentant le Procureur général du Québec eut signalé que cela pouvait enfreindre les lois protégeant les sources journalistiques, et que les médias concernés se furent opposés, les avocats du défendeur ont retiré leur demande. Les plaidoiries finales commenceront le 22 septembre.


D'ici là, un débat à huis clos se tiendra le 15 septembre au sujet de la déclaration sous serment faite par le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, au sujet d'une soi-disant cassation de la relation d'affaires entre son entreprise et Juste pour rire, la veille du 18 octobre 2017. Dans ce procès civil où M. Rozon nie toutes les allégations qui pèsent contre lui, le défendeur conteste par ailleurs deux dispositions du Code civil, ce qui explique la présence du Procureur général du Québec dans cette affaire.
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