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Au Québec, la notion de sexe inclut les personnes trans

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Florence Ashley

2021-11-23 11:15:00

En réponse à l’article de Nadia El Mabrouk, Ghislaine Gendron et Johanne St-Amour, notamment publié sur le site internet de Droit-inc…
Florence Ashley, l’auteure de cet article. Source: Site web de Forces Avenir
Florence Ashley, l’auteure de cet article. Source: Site web de Forces Avenir
Dans une lettre ouverte intitulée « Assimiler genre et sexe ? », Nadia El Mabrouk, Ghislaine Gendron et Johanne St-Amour s’insurgent contre l’engagement du gouvernement de laisser les personnes trans et non binaires changer leur mention de sexe, disant que cela reviendrait à une assimilation antiscientifique entre sexe et genre. Or, leur lettre ouverte dépend non seulement d’une mécompréhension du consensus scientifique, mais aussi du concept légal de sexe qui existe au Québec depuis des décennies.

La lettre conçoit le sexe comme une question purement biologique : le sexe, c’est ce que tu as entre les jambes à ta naissance et il est « matériellement impossible de changer son sexe ». Toute affirmation contraire reviendrait à « cautionner une conception non scientifique du sexe biologique basée sur l’auto-identification ».

C’est là une accusation plutôt étrange, puisque les autorités scientifiques affirment précisément le contraire. L’effort de l’administration Trump de définir le sexe sur une base purement biologique fut contesté par l’American Psychological Association, la prestigieuse revue scientifique ''Nature ''et, dans une lettre ouverte, par plus de 2600 scientifiques dont 700 biologistes, 100 généticiens et 9 récipiendaires du prix Nobel. Est-ce que toutes ces autorités scientifiques auraient tort ?

Le sexe en droit québécois

N’en déplaise aux autrices, le droit québécois comprend le sexe comme incluant l’identité de genre depuis des décennies. En 1998, l’affaire CDPDJ c. Maison des jeunes A… confirma qu’en droit québécois, le sexe « est constitué de différents éléments de nature physique, psychologique et psychosociale » et que les personnes trans doivent être respectées sur la base de leur identité de genre.

Pour ce qui est de la mention de sexe au certificat de naissance, il est possible de la changer depuis 1977. À cette époque, il est vrai, les critères chirurgicaux visaient à assurer une certaine conformité anatomique, mais nos façons de penser ont évolué grandement depuis. Au début des années 2010, plusieurs tribunaux ainsi que la Commission des droits de la personne ont conclu que ces critères chirurgicaux étaient discriminatoires puisque refusant de reconnaître le sexe psychologique et psychosocial des personnes trans.

L’Assemblée nationale adopta unanimement le projet de loi 35, qui permet depuis 2015 le changement de mention de sexe sur la seule base de l’identité de genre. Au Québec, le sexe inclut déjà l’identité de genre.

Les autrices citent le jugement Moore de la Cour supérieure à l’appui de l’affirmation voulant qu’il ne faut pas confondre sexe et genre. Si cette distinction est bel et bien relevée dans le jugement, ce n’est que dans un sens vernaculaire et à titre de sujet amené. Lu dans son entièreté, le jugement confirme clairement que sur le plan légal, le sexe doit correspondre à l’identité de genre. Sa conclusion explique « qu’un registre de l’état civil qui […] limite leur capacité à modifier la mention du sexe sur leurs actes de l’état civil pour refléter leur vraie identité les prive de leurs droits à la dignité et à l’égalité ».

Pas d’opposition aux droits des femmes non trans

Les autrices déclarent, sans preuve empirique, qu’assimiler sexe et genre serait dangereux pour les droits des femmes et des enfants. L’inclusion des personnes trans selon leur identité de genre empêcherait l’équité à l’emploi et mettrait en danger les espaces non mixtes.

Or, les personnes trans ont déjà accès aux programmes et espaces sur la base de leur identité de genre depuis 1998, puisque c’est le droit de la personne et non le certificat de naissance qui prime. Malgré plus de deux décennies d’inclusion, aucun problème concret n’est apparu, ce que confirment les études scientifiques.

Comme l’explique l’expert indépendant de l’ONU sur les enjeux LGBT, l’inclusion des personnes trans n’est pas en opposition aux droits des femmes cisgenres, mais les renforce.

Les communautés trans sont un des groupes les plus marginalisés dans notre société. Les taux de harcèlement, de discrimination et de violence envers les personnes trans sont ahurissants et mènent à une grave dégradation de leur santé mentale et, trop souvent, au suicide. Exclure les personnes trans de leur identité de genre ou révéler leur transitude sous prétexte que le « sexe biologique » diffère revient non seulement à ignorer la conception scientifique et légale du sexe, mais aussi à cautionner la discrimination envers elles, et n’a d’autre effet que de renforcer leur marginalisation dans la société québécoise. L’égalité est une valeur inscrite à la Charte québécoise. Respectons-la.

Sur l’auteure

Florence Ashley est doctorante en droit et bioéthique à l’Université de Toronto, et 10 autres signataires.


Cosignataires : Robert Leckey, avocat émérite du Barreau du Québec et titulaire de la Chaire Samuel Gale à la faculté de droit de l’Université McGill ; Martin Blais, docteur en sociologie et sexologue et titulaire de la chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres à l’Université du Québec à Montréal ; Natalie Kouri-Towe, professeure adjointe et directrice de programme, études interdisciplinaires de la sexualité, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia ; Mélanie Ederer, présidente de la Fédération des femmes du Québec ; Dalia Tourki, étudiante en droit, faculté de droit de l’Université McGill ; Annie Pullen Sansfaçon, professeure titulaire à l’École de travail social de l’Université de Montréal et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles ; Isabel Côté, professeure agrégée en travail social à l’Université du Québec en Outaouais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux ; Celeste Trianon, activiste en droit trans, Centre de lutte contre l’oppression des genres, Université Concordia (le Centre est codemandeur dans l’affaire Centre de lutte contre l’oppression des genres c. Procureur général du Québec) ; Ariane Marchand-Labelle, directrice générale du Conseil québécois LGBT ; Samuel Singer, professeur adjoint à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa (codemandeur dans l’affaire Centre de lutte contre l’oppression des genres c. Procureur général du Québec).
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3 commentaires
  1. Publius
    Publius
    il y a 3 ans
    Enfin!
    Bon, ce n'est pas juste moi qui trouvais cela réactionnaire quand on parlait de "réalité biologique" dans l'autre texte.

    À un moment donné, les exemples polémistes de "N'imPortE quI pEuT dIre qu'iL esT UnE FemMe", laissons cela aux réactionnaires d'extrême-droite qui veulent choquer les âmes sensibles sur des problèmes inexistants.

  2. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a 3 ans
    Sexe des anges
    J'ai l'impression de lire un article sur le sexe des anges au Moyen-Âge. J'imagine que ça va prendre un autre mille ans avant que les gens se rendent compte que les trans c'est pareil. En fait probablement tout le monde le sait mais n'ose rien dire, c'est rendu une religion.

    Si t'es pas né femme, t'es pas une femme. Pas très dur à comprendre. Tu peux croire ce que tu veux, tu peux te déguiser, tu peux écouter les gens autours de toi qui ont peur de te dire la vérité, mais ça va pas changer la réalité. Et surtout ça ne va pas te guérir de tes problèmes.

    • D
      Éduquez-vous
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