Indications fausses ou trompeuses : règles encadrant l'utilisation des allégations « fait au Canada » et « produit du Canada »

Caroline Jonnaert Et Ioana Gurau-Budeci
2025-09-23 11:15:57

Dans une ère où les consommateurs accordent de plus en plus d’importance au lieu de provenance des produits qu’ils achètent, il importe que les entreprises s’assurent de se conformer aux règles encadrant l’utilisation d’indications telles que « Fait au Canada » et « Produit du Canada » afin d’éviter d’induire les consommateurs en erreur et d’être frappées par des sanctions.
Contexte
La Loi sur la concurrence, la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation et la Loi sur l’étiquetage des textiles n’imposent généralement pas aux entreprises l’obligation d’inscrire sur leurs produits une mention de leur origine. Elles interdisent cependant aux entreprises de faire des indications fausses ou trompeuses. Les entreprises n’ont donc pas l’obligation de divulguer lorsqu’un bien est un « Produit du Canada » ou qu’il a été « Fait au Canada », mais si elles décident de le faire, elles doivent s’assurer de ne pas induire le consommateur en erreur.
À ce chapitre, aucune loi n’encadre explicitement l’usage de telles indications d’origine. Le Bureau de la concurrence (le “Bureau”) a publié des lignes directrices sur le sujet. Récemment, les Normes canadiennes de la publicité (les « Normes de la publicité »), l’organisme d’autoréglementation responsable d’assurer un marketing éthique au Canada et l’application du Code canadien des normes de la publicité(le « Code »), a également publié un avis sur l’utilisation d’allégations d’origine telles que « Fait au Canada ». Chacun de ces avis vise à fournir plus d’information aux entreprises sur la manière dont le Bureau et les Normes de la publicité analyseront la conformité d’allégations « Fait au Canada » et « Produit du Canada ».
Bureau
« Produit du Canada »
Les biens comportant la mention « Produit du Canada » qui remplissent les deux conditions suivantes ne feront vraisemblablement pas l’objet d’une contestation du Bureau en vertu des dispositions sur les indications fausses ou trompeuses :
i.La dernière transformation substantielle a eu lieu au Canada;
ii.La totalité ou la quasi-totalité (au moins 98%) des coûts directs de production ou de fabrication ont été engagés au Canada.
« Fait au Canada »
Les biens comportant la mention « Fait au Canada » qui remplissent les trois conditions suivantes ne feront vraisemblablement pas l’objet d’une contestation du Bureau en vertu des dispositions sur les indications fausses ou trompeuses :
i.La dernière transformation substantielle a eu lieu au Canada;
ii.51% ou plus des coûts directs de production ou de fabrication ont été engagés au Canada;
iii.La mention « Fait au Canada » est accompagnée d’un énoncé descriptif indiquant que le bien a été fait avec des composants importés.
Autres indications et allégations implicites
Le Bureau invite les entreprises dont les produits ne correspondent à aucune des deux catégories mentionnées ci-dessus à utiliser des termes descriptifs plus précis et nuancés afin d’indiquer spécifiquement quelle étape de la production ou de la fabrication a été effectuée au Canada (par exemple, « Assemblé au Canada – composants importés »). Les termes généraux tels que « Fabriqué au Canada » seront pour leur part assimilés à la mention « Fait au Canada » et devront donc satisfaire aux conditions d’utilisation de cette indication.
De manière générale, le Bureau analysera l’impression générale de toute indication (implicite ou expresse) pour déterminer si l’indication d’origine est fausse ou trompeuse. En fait, le Bureau prendra en compte l’impression générale donnée par une combinaison de mots, d’éléments visuels et d’illustrations ainsi que leur disposition. Par exemple, les autres mots, les éléments visuels ou les autres illustrations présents sur le produit pourraient impacter le sens donné à une indication.
Il est important à noter que toutes les formes d‘indications sont visées par ces dispositions, incluant des indications sur l‘Internet ou radiodiffusés.
Normes de la publicité
De manière similaire, le conseil des Normes de la publicité examinera l’allégation d’origine en vertu du Code, c’est-à-dire le conseil prendra en compte le contexte de la publicité et l’impression générale qui se dégage de l’allégation, du message ou de la représentation telle qu’elle peut être perçue]. En ce qui concerne les entreprises qui se présentent comme étant « Véritablement canadiennes », les Normes de la publicité rappellent que si l’entreprise n’est pas détenue ni contrôlée par des entités canadiennes, elle devrait s’abstenir de faire de tels messages, et ce, même si l’entreprise possède plusieurs installations au Canada, puisqu’une telle indication crée une impression générale inexacte au sens du Code.
Comme le Bureau, les Normes de la publicité tiennent compte des allégations explicites et implicites, par exemple « Produit du Canada », « Fait au Canada » ou autres déclarations ou images semblables qui laissent entendre un contenu canadien ou une origine canadienne. En fait, les Normes de la publicité énoncent que celles-ci doivent être conformes aux lignes directrices du Bureau. Les Normes de la publicité précisent aux entreprises de ne pas exagérer la nature canadienne de leur produit, de leur service ou de leur entreprise.
De manière similaire au Bureau, les Normes de la publicité énoncent qu’il est alors prudent de nuancer et de qualifier de manière précise l’origine de certains éléments d’un produit lorsque le produit n’a pas une nature canadienne générale. À titre de rappel, le régime prévu par le Code, administré par les Normes de la publicité, constitue un cadre autoréglementaire et n’a donc pas de caractère contraignant. En revanche, le régime des lois appliquées par le Bureau sont des lois contraignantes.
Sanctions – Bureau
Les indications telles que « Produit du Canada » ou « Fait au Canada » sont soumises aux dispositions sur les indications fausses ou trompeuses contenues dans les diverses lois appliquées par le Bureau. Des sanctions criminelles et civiles sont prévues pour les personnes ou entreprises qui ne se conforment pas aux directives du Bureau et qui incluent sur leurs produits des indications fausses ou trompeuses, ce qui peut inclure des indications relatives à la provenance ou à l’origine d’un bien.
En vertu de la Loi sur la concurrence, les sanctions civiles relatives à une inscription fausse ou trompeuse peuvent inclure une ordonnance du tribunal ordonnant au contrevenant de : (i) cesser le comportement en question ou tout comportement semblable, (ii) publier un avis correctif, (iii) payer une sanction administrative pécuniaire ou (iv) payer aux personnes auxquelles les produits visés ont été vendus et répartir entre elles une somme ne pouvant pas excéder la somme totale payé au contrevenant pour ces produits.
Relativement aux sanctions administratives pécuniaires, une personne physique peut être contrainte de payer un montant correspondant à la plus élevée des sommes suivantes : (i) 750 000$ pour la première ordonnance ; ou (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré par le comportement trompeur, si celui-ci peut être raisonnablement déterminé.
La sanction peut atteindre un million de dollars pour chaque violation subséquente. Dans le cas d’une personne morale, le montant sera la plus élevée des sommes suivantes : (i) 10 000 000$ pour la première ordonnance ; ou (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré par le comportement trompeur, si celui-ci peut être raisonnablement déterminé, ou, à défaut, 3% des recettes globales brutes annuelles de la personne morale. La sanction peut atteindre 15 000 000$ de dollars pour chaque violation subséquente.
Les sanctions criminelles en cas de violation des dispositions de la Loi sur la concurrence incluent, si la déclaration de culpabilité est faite par mise en accusation, une amende d’un montant déterminé par le tribunal et/ou une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 14 ans. Dans le cas d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, les peines incluent une amende maximale de 200 000$ et/ou un emprisonnement d’une durée maximale d’un an.
Cet article a été publié sur le site de Robic.
À propos des auteurs
Caroline Jonnaert est avocate et agente de marques chez Robic.
Ioana Gurau-Budeci est avocate dans le secteur droit des affaires chez Robic.