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La Cour supérieure du Québec refuse l’autorisation d’une action collective en droit de la consommation

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Focus sur une récente décision de la Cour supérieure du Québec…

Catherine Martin, Samuel Lepage et Jing Song - source : McCarthy


Le 21 juillet 2025, la Cour supérieure du Québec (la « Cour ») a refusé, dans l’affaire Langlais c. Compagnie Wal-Mart du Canada, 2025 QCCS 2552, l’autorisation d’une action collective pour des fausses représentations en lien avec les olives noires misent en marché par les défenderesses.

Cette décision souligne l'importance du mécanisme de filtrage de l'autorisation et rappelle les principes applicables à cette étape.

Contexte

En 2019, l’émission L’Épicerie de Radio-Canada a diffusé un épisode sur la production d’olives, notamment sur le processus par lequel les olives vertes mûrissent et deviennent noires.

Après avoir visionné ce reportage, la demanderesse a intenté une action collective contre les défenderesses, neuf commerçants et fabricants, réclamant le remboursement complet des olives noires qu’elle a achetées en raison de leurs fausses représentations quant au mode de production de ces olives.

Plus précisément, la demanderesse alléguait que les défenderesses ont faussement représenté que les olives mises en marché sont des olives noires mûries naturellement, alors qu’elles seraient plutôt des olives vertes mûries par altération chimique, par l’ajout de gluconate ferreux.

La demanderesse prétendait également que le processus de traitement des olives est un fait important qui devait figurer dans les représentations des commerçants.

L’absence d’apparence de droit

La Cour a refusé d’autoriser l’action collective proposée car la demanderesse ne démontrait aucune apparence de droit. D’abord, les allégations de la demanderesse étaient contredites par sa propre preuve. Bien que les allégations sont généralement tenues pour avérées, ce n’est pas le cas lorsqu’elles sont clairement fausses comme c’est le cas ici. Notamment, il appert de l’émission de Radio-Canada que c’est l’oxygène qui mûrit et noircit les olives par processus d’oxydation.

Le gluconate ferreux n’est ajouté qu’une fois l’oxydation complétée pour stabiliser la couleur noire. Par ailleurs, le gluconate ferreux est mentionné dans la liste d’ingrédients, conformément à la législation applicable en matière d’aliments, et rien dans la preuve ne démontre que les défenderesses auraient représenté que les olives vendues sont « nature », « mûries naturellement » ou « bio ».

La Cour a alors conclut que le bien vendu est conforme à la description qui en est faite par les défenderesses (art. 41 et 41 Loi sur la protection des consommateurs (« L.p.c. »)). Pour des raisons similaires, la Cour a également conclu qu’il n’y a aucune apparence de droit quant à la cause d’action fondée sur les fausses représentations (art. 219 et 221 L.p.c.; art. 52(1) Loi sur la concurrence).

La Cour a rappelé les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Time[1] sur le sujet : il faut tenir compte du sens littéral des termes employés et de l’impression générale donnée par la représentation selon une analyse in abstracto, soit en faisant abstraction des attributs personnels de la demanderesse. En l’espèce, rien dans la preuve n’indiquait que les représentations des défenderesses donnent l’impression générale que les olives sont naturelles.

Enfin, la Cour a conclu que le processus de traitement des olives n’était pas un fait important que les défenderesses auraient omis de divulguer (art. 228 L.p.c.). Il appert de la preuve que la demanderesse a continué d’acheter des olives noires après avoir visionné l’émission de Radio-Canada et eu connaissance du processus de traitement.

Ce processus n’était donc pas un fait susceptible d’influencer son comportement, ce qui est l’un des quatre critères énoncés dans l’arrêt Time pour l’analyse des pratiques interdites sous le titre II de la L.p.c. Ce quatrième critère n’étant pas satisfait, le traitement des olives n’est pas un fait important que les défenderesses auraient omis de divulguer. Par ailleurs, la demanderesse ayant continué d’acheter des olives pendant 14 mois après avoir eu connaissance du processus de traitement, la Cour a conclu qu’elle n’avait pas non plus l’intérêt juridique nécessaire pour réclamer des dommages contre les défenderesses.

Les dommages réclamés

Outre ses conclusions quant à l’absence d’apparence de droit, la Cour s’est également prononcée sur les dommages réclamés par la demanderesse. La demanderesse réclamait des dommages compensatoires sous forme d’un remboursement complet des olives qu’elle a achetées dans les trois ans avant l’institution des procédures. Or, la Cour a noté que le remboursement ne serait possible que par l’annulation des contrats d’achat, ce qui exigerait comme corollaire la restitution des olives achetées. Ce n’est évidemment pas possible puisque les olives ont été consommées.

Par ailleurs, il n’est pas possible de déterminer la différence de valeur entre les olives achetées par la demanderesse et les olives dont le processus de traitement aurait été divulgué sur l’emballage. Quant aux dommages punitifs, la Cour a rejeté la demande en raison de l’absence d’allégations factuelles justifiant une telle conclusion, rappelant que l’octroi de dommages punitifs n’est pas un automatisme.

Importance de la décision

Malgré le seuil peu élevé adopté par les tribunaux québécois, cette décision démontre l’importance de l’étape de l’autorisation comme mécanisme de filtrage contre les actions frivoles ou vouées à l’échec. Le juge de première instance a procédé à une analyse de chaque cause d’action et, ce faisant, a rappelé les principes juridiques qui peuvent mener à un rejet de la demande en autorisation. Notamment, le juge a rappelé la nécessité d’alléguer des faits au soutien de la demande en dommages punitifs, ceux-ci ne devant pas être autorisés ou octroyés par automatisme.

L’article a été publié à l’origine sur le site de McCarthy.

À propos des auteurs

Catherine Martin est associée au sein du groupe de litige du cabinet McCarthy. Sa pratique de litige général est principalement axée sur les actions collectives, le litige civil et commercial, la responsabilité médicale et la responsabilité professionnelle.

Samuel Lepage est un associé au sein du groupe de litige du cabinet McCarthy. Sa pratique couvre les domaines du litige civil et commercial, le litige immobilier, les litiges transfrontaliers et multijuridictionnels ainsi que les actions collectives.

Jing Song est avocate au sein du groupe de litige du cabinet McCarthy. Sa pratique est axée sur le litige en droit commercial et en droit des sociétés, les actions collectives et la responsabilité médicale.

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