Le Canada cible la Russie avec un régime de sanctions de grande envergure

William Pellerin, Tayler Farrell Et Emma Butson
2025-07-23 11:15:47
Quid des sanctions en matière d’importation et d’exportation envers la Russie?

Le 17 juin 2025, le gouvernement du Canada a annoncé un renforcement important de ses mesures de sanction contre la Russie, dont l’introduction d’interdictions d’importation et d’exportation de grande ampleur. Les autorités ont indiqué qu’il s’agit de « l’une des annonces de sanctions les plus importantes du Canada depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie » et ces mesures marquent une escalade significative dans la réponse économique du Canada à l’agression continue de la Russie.
Dans cette ronde de mises à jour, le Canada :
a interdit les importations de charbon, de divers métaux et de « marchandises génératrices de revenus »;
a interdit les exportations de carburéacteurs et additifs, ainsi que de certains produits liés aux armes chimiques et biologiques;
a interdit la prestation de services liés aux navires russes et a élargi la liste des navires russes soumis à diverses interdictions;
a ajouté plusieurs nouvelles personnes et entités russes à la liste des personnes soumises à l’interdiction de transaction.
Nous décrivons ci-après chacune de ces interdictions et leur incidence sur les entreprises internationales.
Nouvelles interdictions d’importation de charbon, de certains métaux et de marchandises génératrices de revenus
Le 12 août 2025, plus de 1 000 nouvelles catégories de marchandises seront soumises à une interdiction d’importation. Ces marchandises comprennent notamment : le charbon et ses matériaux connexes, y compris les briquettes, la tourbe (y compris la tourbe pour litière) et le gaz de houille;
les métaux et machines en métal, y compris la fonte, le fer, l’acier, les éléments de voies ferrées, les poêles, les chaudières à foyer, les cuisinières, les articles de ménage ou d’économie domestique comme la paille d’acier ou les articles pour le récurage, les tracteurs, les véhicules automobiles, les voitures de course, les réservoirs, les motocycles, les conteneurs pour le transport, les fibres optiques, les jumelles, les appareils pour la chirurgie, l’art dentaire ou l’art vétérinaire, les consoles de jeux vidéo et skis de neige, et bien d’autres;
plus de 200 formes de « marchandises génératrices de revenus », dont les crustacés, les cigares, divers types d’engrais, plusieurs types de produits chimiques, les appareils mécaniques, le caoutchouc synthétique, les pneumatiques, les polymères, le papier et le carton, le cuir, les turboréacteurs, les costumes tailleurs et les chaussures, les yachts et autres embarcations de plaisance, entre autres.
En général, ces interdictions ne s’appliquent pas si les marchandises sont importées aux termes d’un contrat conclu avant le 13 juin 2025 et si les marchandises sont importées dans les 120 jours suivant leur entrée en vigueur. Aucune exception ne s’appliquera aux importations prévues dans le cadre de contrats conclus après le 13 juin 2025; ces importations sont donc interdites.
Il existe d’autres exceptions en ce qui concerne l’importation de certains métaux en fonction du métal en cause et de la date de conclusion du contrat. Les entreprises qui pourraient être touchées par cette interdiction devraient examiner attentivement les marchandises visées et vérifier la date de conclusion du contrat pour déterminer si l’interdiction s’applique ou non.
Interdiction des exportations de carburéacteurs et de produits liés aux armes chimiques et biologiques
Les modifications apportées élargissent également les interdictions d’exportation vers la Russie à partir du Canada.
Voici quelques-unes des nouvelles interdictions d’exportation :
carburéacteur et ses additifs tels que les carburéacteurs de type essence et kérosène, y compris ceux mélangés avec du biodiesel;
marchandises et produits chimiques liés aux armes chimiques et biologiques tels que l’acétone, l’arsenic, le monoxyde de carbone, le fentanyl, le Propane-2-ol et le mercure.
Tout comme pour les interdictions d’importation, il y a une période de transition pour l’interdiction visant le carburéacteur. Cette interdiction ne s’applique pas lorsque les marchandises sont exportées aux termes d’un contrat conclu avant le 13 juin 2025 et qu’elles sont exportées dans les 120 jours suivant l’entrée en vigueur de l’interdiction.
L’interdiction d’exporter des marchandises liées aux armes chimiques et biologiques entre en vigueur 30 jours après le 13 juin 2025. Il n’y a pas de période de transition pour les exportations visées par cette interdiction.
Cette interdiction comporte des exceptions limitées, telles que l’utilisation à l’appui de la vérification des garanties nucléaires internationales, les marchandises nécessaires au fonctionnement sûr des aéronefs ou des navires, ou les marchandises nécessaires d’urgence pour prévenir ou atténuer des événements susceptibles d’avoir un impact grave sur la santé et la sécurité humaines, les infrastructures ou l’environnement, parmi d’autres circonstances étroitement définies.
Le Canada contrôle déjà l’exportation de marchandises pouvant être utilisées en relation avec des armes chimiques et biologiques, principalement dans le groupe 7 de sa Liste de marchandise d’exportation contrôlée (LMEC), ainsi que toute marchandise ayant des capacités potentielles de double usage dans le groupe 1 de la LMEC. En outre, en 2022, Affaires mondiales Canada a publié un avis indiquant qu’il ne délivrerait pas de licence d’exportation pour toute marchandise exportée vers la Russie.
Toutefois, cette nouvelle modification interdit expressément l’exportation de ces produits chimiques (ce qui remplace la politique de refus de licence) et couvre à première vue un large éventail de précurseurs chimiques et de produits chimiques disponibles sur le marché, de sorte que son ampleur est plus large que l’étendue actuelle de la LMEC. Interdiction de fournir des services aux navires Le Canada a resserré davantage les restrictions sur les activités maritimes russes.
Auparavant, le Canada interdisait aux navires russes figurant sur la liste d’interdiction d’accoster dans les ports canadiens ou de transiter dans les eaux canadiennes. Les plus récentes mesures vont plus loin : il est maintenant interdit aux Canadiens de fournir des services aux 310 navires russes maintenant visés par le régime de sanctions du Canada.
Selon la ministre canadienne des Affaires étrangères, cette interdiction élargie vise à « restreindre davantage les activités des navires qui font partie de la flotte fantôme russe », un réseau de pétroliers utilisés pour transporter le pétrole et les produits pétroliers russes dans le monde entier tout en contournant les sanctions internationales.
Ces interdictions sont entrées en vigueur le 13 juin 2025.
Liste des personnes et des entités nouvellement sanctionnées
Enfin, les modifications ajoutent 116 nouvelles personnes et entités aux interdictions de transactions du Canada, y compris des oligarques russes (tels que Vladimir Sergeevich Lisin de Novolipetsk Steel [NLMK]) ainsi que des personnes et entités impliquées dans le développement de technologies quantiques sensibles à double usage. Ces ajouts portent le nombre total de personnes et d’entités russes sanctionnées au Canada à environ 3 000.
Application des sanctions canadiennes : Accusations récentes portées par la GRC
Le 5 mai 2025, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a arrêté M. Anton Trofimov et l’a accusé d’avoir exporté des marchandises contrôlées vers la Russie et d’avoir exporté des marchandises destinées à la fabrication d’armes. La GRC affirme que la société de M. Trofimov, Asia Pacific Links Ltd, une société sanctionnée à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni, a exporté des marchandises vers la Russie en passant par des pays intermédiaires. Ces marchandises seraient utilisées dans la production de drones Orlan-10, que l’armée russe utilise pour la reconnaissance et les frappes aériennes en Ukraine.
Cette arrestation est un exemple rare, mais significatif, de l’application récente par le Canada de son régime de sanctions et met en évidence la coordination transfrontalière nécessaire pour soutenir de telles actions. Les autorités canadiennes qui ont pris part à l’enquête comprennent la GRC, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et Affaires mondiales Canada, qui travaillent en partenariat avec le Federal Bureau of Investigation des États-Unis.
Bien que l’action du Canada en matière d’application de la loi dans ce domaine reste relativement limitée, les conséquences d’une violation des sanctions sont sévères. Les entreprises devraient s’assurer que leurs programmes de conformité aux sanctions sont à jour et tiennent pleinement compte des interdictions récemment élargies.
Récapitulation des sanctions imposées par le Canada à ce jour
Compte tenu de ce nouveau et vaste régime de sanctions, il est utile pour les entreprises de comprendre la portée complète des sanctions actuelles du Canada à l’égard de la Russie, notamment :
des interdictions de transaction visant près de 3 000 personnes et entités russes;
des restrictions sur l’octroi de nouveaux financements par emprunt et par actions à certaines banques cotées en bourse;
des restrictions sur la fourniture d’équipement pour l’exploration et la production pétrolières;
l’interdiction pour les navires russes d’accoster dans les ports canadiens ou de transiter dans les eaux canadiennes;
des interdictions d’importation de pétrole et de gaz en provenance de Russie;
des interdictions d’importation de marchandises énumérées dans la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée;
des interdictions de prestation d’assurance ou de réassurance dans le domaine de l’aviation et de l’aérospatiale;
des interdictions d’importation et d’exportation de marchandises de luxe;
des interdictions d’exportation de marchandises pouvant être utilisées dans la fabrication d’armes;
des interdictions d’importation liées à l’or et aux diamants russes;
des interdictions de prestation de plusieurs services en rapport avec diverses industries russes, comme l’exploitation minière, la fabrication de divers équipements et l’extraction pétrolière;
des interdictions de prestation de services liés au transport maritime de pétrole brut et de produits pétroliers;
des interdictions d’importation et d’exportation d’armes et de matériel connexe;
des interdictions d’importation de l’acier et de l’aluminium de la Russie;
l’interdiction de contribuer à l’une ou l’autre des activités interdites ci-dessus.
À propos des auteurs
William Pellerin est associé au sein du groupe Commerce international chez McMillan.
Tayler Farrell est avocate au sein du cabinet McMillan.
Emma Butson est étudiante en droit chez McMillan.