Un cabinet parvient à récupérer ses honoraires

Didier Bert
2025-07-23 15:00:12
Un cabinet d’avocats obtient la condamnation d’une ancienne cliente à lui payer des honoraires impayés dans une affaire de divorce et de garde d’enfants. Une facture salée!
La Cour supérieure du Québec a donné gain de cause au cabinet Goldwater Droit qui réclamait à une ancienne cliente le paiement de 177 639,31 $ en honoraires professionnels impayés.
Le juge Sébastien Vaillancourt a ordonné ce paiement alors que la défenderesse contestait la réclamation du cabinet.
Ayant déposé une demande reconventionnelle, elle réclamait un remboursement de 100 000 $, ainsi que 150 000 $ en dommages compensatoires et punitifs pour faute professionnelle. Le tribunal a rejeté la totalité de sa requête.

Goldwater Droit était représenté par Me Marie Anne Martin, associée au sein du cabinet, et par l’étudiante en droit Marie Bertrand, devenue entre-temps avocate au cabinet.
De son côté, l’ancienne cliente, D.P. se représentait elle-même.

Enfin, le Barreau du Québec a fait appel à Me Alexandre Paquette-Dénommé et à Me Jean-François Carpentier du cabinet Kugler Kandestin pour le volet portant sur l’allégation de faute professionnelle envers une membre du Barreau.
« Nous sommes satisfaits de ce jugement qui démontre que, même si parfois les montants peuvent sembler imposants, il y a des situations où la complexité explique que les sommes facturées sont raisonnables », souligne Me Marie Anne Martin.
Le cabinet Goldwater Droit a représenté la défenderesse pendant trois ans, à partir de novembre 2015, dans des procédures de divorce devant la Cour supérieure et dans des dossiers concernant ses deux enfants devant la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.
Une demande réduite
Au cours de ce mandat, le cabinet avait déjà reçu un peu moins de 130 000 $ en honoraires professionnels. Le montant total initialement réclamé par le cabinet avoisinait 525 000 $ sur les trois ans.
La demande introductive d'instance initiale, déposée en février 2019, réclamait la somme de 396 334,22 $, puisque déduction avait été faite des 130 000 $ déjà reçus. Cependant, lors de l'audience, le cabinet Goldwater Droit a réduit la réclamation à 177 639,31 $, compte-tenu de la situation financière de la défenderesse et du fait qu'une partie des fonds destinés à cette dernière avait été saisie par un autre cabinet d’avocats.
En effet, en octobre 2022, Goldwater Droit et l’autre cabinet avaient fait procéder à une saisie avant jugement d’un montant de 210 907,37 $, détenu en fidéicommis par une notaire et destiné à la défenderesse selon le jugement de divorce.
Un accord entre les deux cabinets a permis à l'autre firme de se faire payer une partie des montants dus à même cette somme détenue en fidéicommis. Le solde restant s’élevait à 177 639,31 $. Goldwater Droit a alors décidé de réduire sa demande à ce montant.
« Nous n'avons pas voulu aller chercher une somme plus grande que ce qu'on avait été capable d'aller saisir », explique Me Marie Anne Martin.
Les procédures judiciaires dans cette affaire ont été suspendues entre le 3 novembre 2021 et mai 2023, en attendant le jugement final dans le dossier de divorce de la défenderesse. Le divorce a été prononcé le 16 septembre 2022, mais la défenderesse a interjeté appel. Cet appel a été rejeté le 16 décembre 2022. La Cour suprême a finalement rejeté sa demande d'autorisation d'appel le 11 mai 2023.
Allégations rejetées
La défenderesse a soulevé plusieurs griefs contre les services rendus par Goldwater Droit, et notamment par Me Anne-France Goldwater. Elle a affirmé avoir signé les conventions d'honoraires dans un état de vulnérabilité psychologique, étant victime de violence conjugale, et parce qu'on lui aurait assuré que son mari couvrirait les frais.
D. P. a également soutenu ne pas avoir été tenue informée de l'évolution de ses dossiers, que le cabinet n'avait pas fourni d'estimation réaliste des frais prévisibles, et que les honoraires étaient exagérés et disproportionnés par rapport aux résultats obtenus. La défenderesse estimait avoir été mal représentée et avoir perdu la garde de ses enfants à cause de cela.
Le juge Sébastien Vaillancourt a rejeté ces arguments. Le tribunal a considéré que, bien que la défenderesse ait été victime de violence conjugale, sa capacité à consentir librement et en toute connaissance de cause n’a pas été affectée.
L’ancienne cliente avait signé quatre conventions d'honoraires en trois ans, indique le jugement. La défenderesse avait signé une entente d'honoraires pour chacune des années où le cabinet Goldwater Droit l’a conseillée, prévoyant un taux horaire allant de 625 $ en 2015 à 735 $ en 2018.
Les témoignages de Me Anne-France Goldwater et Me Alexander Carin - qui avait également été en charge du dossier du temps où il pratiquait chez Goldwater Droit - ont convaincu le tribunal qu'ils avaient fait preuve de sensibilité face à la situation de la cliente et qu'aucune faute n'avait été commise lors de la signature des conventions.
Par ailleurs, il n'existait aucune garantie totale que l'ex-mari couvrirait tous les frais.
Aucune faute du cabinet
Concernant le manque d'information et l'absence d'estimation des frais, le juge Vaillancourt a constaté que 2 000 courriels avaient été échangés, prouvant que la défenderesse était informée et jouait un rôle actif dans ses dossiers. De plus, elle recevait des factures mensuelles lui permettant de suivre l'évolution des frais. « Me Goldwater s’inquiétait même régulièrement des comportements de sa cliente et de leurs conséquences judiciaires », relève le jugement.
La défenderesse affirmait aussi que les horaires étaient exagérés parce que plusieurs des avocats étaient intervenus sur le dossier et à cause de la facturation par tranches de cinq minutes. Elle considérait que les services rendus étaient de mauvaise qualité, ce qui aurait conduit à la perte de la garde de ses enfants. Là aussi, le juge Vaillancourt a réfuté les allégations, constatant que Me Anne-France Goldwater avait souvent proposé l'intervention d'avocats moins expérimentés pour réduire les coûts. Or, la défenderesse avait préféré que Me Goldwater s'occupe personnellement de la plupart des services. Et la facturation par tranches de cinq minutes n'a pas été jugée excessive.
En outre, le tribunal a rappelé que l'avocat est tenu par une obligation de moyens, et non par une obligation de résultats. Le juge Vaillancourt a estimé que Me Goldwater et son équipe n'avaient ménagé aucun effort pour défendre les intérêts de leur cliente et n'étaient pas responsables du résultat du jugement de divorce.
En réponse aux critiques de la défenderesse envers le choix de l’expert, le tribunal a conclu que Me Goldwater avait agi comme une avocate prudente, raisonnable et diligente.
La Cour supérieure juge également que les accusations de la défenderesse sont « complètement gratuites » à l’encontre de Me Goldwater. L’ancienne cliente alléguait que l'avocate s'intéressait davantage au paiement de ses honoraires qu’à la représentation de ses intérêts. Or, le tribunal observe que Me Goldwater a continué de représenter la défenderesse jusqu'en décembre 2018, alors que le dernier paiement remontait à août 2017.
« Dans le domaine familial, des clients s'attendent parfois des résultats, alors que ce n'est pas notre obligation. Pour certains, c'est une façon de faire valoir leur insatisfaction », pointe Me Marie Anne Martin.
Des demandes écartées
La Cour supérieure a donc refusé tout remboursement à la défenderesse, ainsi que sa demande en dommages compensatoires et punitifs, aucune faute n'ayant été prouvée de la part du cabinet ou de Me Goldwater.
Toutefois, le tribunal a rejeté la demande de Goldwater Droit de faire déclarer la demande reconventionnelle comme étant abusive. Le juge a décidé que la demande n'était pas fondée, mais qu'elle n'était pas abusive.
Aussi, les demandes verbales de Me Goldwater visant à ce que la défenderesse soit déclarée plaideuse vexatoire ou quérulente et à ce que le jugement soit exécutoire nonobstant appel ont été rejetées, faute de motifs suffisants.
Le fait que la défenderesse se représente elle-même a été pris en compte par Goldwater Droit. « La défenderesse était face à quatre avocats et une stagiaire », explique Me Marie Anne Martin. « Nous avons essayé d'agir avec beaucoup d'empathie. Il s'agissait d'un dossier familial à la base, donc comportant des éléments personnels et difficiles. »